Cinema

La révélation de Hans Christian Schmid, un thriller européen très réaliste au TPIY

01 March 2010 | PAR Yaël Hirsch

Après l’intimiste “Requiem”, le réalisateur allemand Hans Christian Schmid retrouve le scénariste Bernd Lange pour “La Révélation”. Un thriller au casting européen qui retrace avec un réalisme suffoquant le procès d’un criminel de guerre serbe au Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie. Alors que le TPIY doit clore ses activités  à la fin de l’année, après 17 ans de services, et que le procès du criminel de guerre serbe Radovan Karadzic a encore été ajourné ce mois de mars, “La révélation” est d’une actualité brûlante. Sortie le 17 Mars 2010.

Un criminel de guerre imaginé par Schmid et Lange, Goran Duric, doit comparaître devant le TPIY pour Crimes contre l’Humanité, alors qu’il brigue la présidence serbe. Alors qu’elle n’est pas tout à fait prête à accepter une mission si délicate, la procureure Hannah Maynard (Kerry Fox Ours d’argent pour son rôle dans “Intimité” de Chéreau en 2001 et que l’on a vue dernièrement à l’écran dans “Bright Star” de Jane Campion) se trouve discréditée lorsque les propos de son témoin principal sur l’épuration ethnique d’un village bosniaque sont prouvés êtres des faux. Après que le mensonge a été démontré sur le terrain, ce témoin se suicide. Folle de rage à l’idée d’avoir été dupée par un témoin dans lequel elle avait confiance et à l’idée de laisser filer Duric qu’elle sait coupable, elle se tourne vers la sœur de son témoin, Mira (Annamarica Marinca, dévoilée dans le rôle principal du film de Robert Mungiu “4 mois, 3 semaines et deux jours”) . Celle-ci en sait bien plus sur les crimes de guerre de Duric qu’elle ne veut bien l’avouer. Mais convaincre cette mère de famille heureuse qui a refait sa vie à Berlin de témoigner à la barre du TPIY n’est pas facile. C’est aussi prendre le risque de la mettre physiquement en danger quand non seulement la Serbie, mais aussi toutes les autres puissances européennes ont intérêt à tirer un trait définitif sur le passé douloureux de l’ancienne Yougoslavie…

Avec un casting européen, un mélange de langues très réaliste (et la roumaine Annamarica Marinca est tout à fait crédible en bosniaque), ainsi qu’une flopée de halls d’hôtels, d’avions et de voyages entre La Haye et Sarajevo, “La révélation” donne à voir de manière simplifiée et néanmoins extrêmement réaliste les conditions d’un procès au TPIY. Tout, des auditions, aux reconstitutions en passant par la garde protégée des témoins et ce qu’on peut ajouter à la liste des accusations d’un criminel de guerre en cours de jugement y est évoqué. Pour être sûre de ne pas trahir la réalité, l’équipe du film s’est rendue à La Haye et s’est assuré les conseils techniques de Florence Hartmann, ex-porte parole de la procureure générale du TPIY, Carla Del Ponte. Au-delà de cette prouesse réaliste, “La révélation” soulève des questions cruciales sur le mode haletant du thriller. Alors qu’on ne sait pas jusqu’au bout si le criminel de guerre va pouvoir être inculpé, la question de savoir quel rôle, toujours  destructeur et souvent nécessaire, le témoignage joue pour une victime, 15 ans après, y est traitée avec profondeur et subtilité à travers le jeu bouleversant d’Annamarica Marinca. Et un épineux problème est courageusement abordé de front quand le film montre à travers le personnage du fiancé de la procureure (incarné par le sudéois Rolf Lassgård qui nous est familier en Kurt Wallander dans l’adaptation des romans de Henning Mankell), comment les grandes puissances européennes préférent laisser des crimes contre l’humanité impunis pour enterrer un passé de violence et permettre une rapide inclusion de la Bosnie et de la Serbie dans l’Union Européenne. Sensuelle et sensible de A à Z malgré la gravité de son rôle et le caractère aseptisé des ambiance dans lesquelles elle évolue, Kerry Fox porte avec une pudeur rayonnante son rôle de justicière très souvent bridée par les lourdeurs administratives et les enjeux politiques qui lui échappent.

Primé dans de nombreux festivals européens (Prix de la paix du festival de Munich, Double prix d’interprétation du festival du Cinéma Européen Cinessone 2009…) “La révélation” est une réussite éthique et esthétique, sorte d'”Interprète” de Sidney Pollack (2005) à l’européenne et bien mieux réussi!

La révélation” (Storm/ Sturm), de Hans Christian Schmid, film  Allemand, Danois et Hollandais, avec Kerry Fox, Anamaria Marinca, Stephen Dillane, Rolf Lassgård, Alexander Fehling, Tarik Filipovic, Kresimir Mikic, Steven Scharf, Joel Eisenblätter…, scénario de Bernd Lange, 2009, 1h43, sortie le 17 mars 2010.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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