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Jérome Baron, directeur artistique du Festival Les 3 Continents : ” Moins ils en savent plus ils ont envie d’en voir”

Jérome Baron, directeur artistique du Festival Les 3 Continents : ” Moins ils en savent plus ils ont envie d’en voir”

15 November 2018 | PAR Yaël Hirsch

Du 20 au 27 novembre, le Festival des Trois Continents souffle célèbre sa 40e édition. Le directeur artistique de ce grand moment nantais de découverte et de cinéma nous parle de la programmation exceptionnelle de cette cuvée 2018.

Choisir 40 films pour faire un état des lieux du cinéma sur 3 continents depuis les années 2000, ça a du être difficile. Aussi pour garder l’équilibre entre les continents.. Comment êtes vous arrivé à cette martingale ?
C’est toujours une affaire de réflexion sur le temps long. À la fois un exercice de mémoire… des films font naturellement retour dans la mémoire, il convient de les revoir, d’autres reviennent ou arrivent par quelques détours de la réflexion. Et puis on commence à construire le programme comme un édifice où chaque film à la manière d’une pierre vient prendre sa place. Les continents eux dérivent et nous devons composer aussi avec ce que ces mouvements apportent. Ainsi l’Afrique est moins vigoureuse qu’elle ne l’a été dans les années 80 à quelques exceptions près, l’Asie elle ne cesse de s’étendre et son influence avec elle, l’Amérique latine est une succession de soubresauts, de vive mais confuse agitation.
Il y a un vrai plaisir à revoir et à vérifier tout en recevant en parallèle des suggestions à travers échanges et conversations. Et puis le livre que nous composions à plusieurs mains pour ce 40ème F3C servait aussi de guide ou plutôt de lieu de passage.

Y a t il un moment où le festival souffle précisément ses 40 bougies ?
En réalité, un festival souffle comme pour nous tous ses 40 bougies le jour de ces 41 ans. Les 40 années s’achèvent ce jour-là. La quarantième édition ouvre sur cette 40ème année d’existence. Nous sommes au seuil de cette nouvelle décennie.

En 39 ans quels sont les invités qui ont le plus marqué le festival ?
C’est difficile à dire. Il y a bien sûr les noms de Lino Brocka à Raj Kapur en passant Kiyoshi Kurosawa et Abbas Kiarostami, Wong Kar-wai, Hirokazu Kore-Eda, Jia Zhang-ke, Nelson Pereira dos Santos, Souleymane Cissé, Djibril Diop Mambéty et beaucoup d’autres et puis ceux qui ont su laisser une marque (parfois les mêmes) sur une édition ou plusieurs comme Hou Hsiao Hsien et Amir Nadéri ou récemment Arturo Ripstein et Ali Khamraev ou encore toute la petit équipe de la Milkyway Image de Johnnie TO présente aux côtés des films de la rétrospective. Il me semble que le passage encore récent, c’était le troisième fois qu’il venait à Nantes de IM Kwon-taek a été un grand moment.

Pour les films de la compétition quels sont les critères de sélection? 
Cette année, assez nombreux sont les films de la compétition passés par Berlin, Venise ou Locarno. Pas toujours mis en avant mais déjà découverts. Nous en avions vu certains avant d’apprendre leur sélection dans ces prestigieuses manifestations, dont nous connaissons l’existence bien sûr puisque deux d’entre eux sont passés par l’atelier Produire au Sud. Il n’y a aucun critère si ce n’est celui de la première française. Les films doivent nous interpeller, on doit avoir à notre tour avoir envie de les montrer, de les passer, de les rapprocher aussi d’éventuels distributeurs quand ils n’en ont pas encore. Il faut composer avec les films qui nous arrivent. Que nous voyons.

Votre jury est formidable, comment l’avez vous constitué ?
On y va un peu à l’intuition en s’orientant vers des gens qu’on a aussi envie de rapprocher les uns des autres. Cinq cinéastes cette année, certains sont aussi acteurs comme Anurag Kashyap, Noémie Lvovski et Shlomi Elkabetz. Le festival entretient avec les films de Mahamat-Saleh Harun une longue histoire. Lucie Borleteau est nantaise d’origine et une cinéphile curieuse. Anurag Kashyap présentait l’an passé un film en compétition, il m’a aussitôt fait part de son désir de revenir à Nantes l’année suivante. On s’était promis d’en reparler vite.

Les avantpremières sont toujours très pointues, le public nantais est il habitué ?
Le public du F3C, qui n’est pas exclusivement nantais, est formidable. Très curieux, disponible, impliqué et ouvert. Moins ils en savent plus ils ont envie d’en voir. Il faut donc trouver à se renouveler, à chercher hors des sentiers battus, notamment pour les rétrospectives, des films perdus de vue ou ignorés. Il en reste. Avec un horizon d’attente comme celui-là, on doit donc faire un effort du côté de la programmation tout en essayant de travailler au renouvellement puisque les fidèles nous sont fidèles. Et surtout, il ses réjouissent de voir de nouveaux spectateurs, chaque année plus nombreux et plus jeunes nous rejoindre.

Comment amenezvous le jeune public vers des cinémas d’autres continents ?
On essaye de ne pas distinguer. Les enfants et les adolescents vivent aujourd’hui dans un monde global, ultra-connecté, les distances sont moins des problèmes que des questions en partie réglées pour eux par les technologies. Ces trois continents dont nous avons notre passion cinéphile c’est aussi leur monde. Tout le leur rappelle, des informations qui circulent, aux vidéos qu’ils voient sur Youtube, aux migrants qui à Nantes s’étaient rassemblés autour du Square Daviais.

Quel est l’impact du festival sur les professionnels? 
Les distributeurs continuent de venir à Nantes y repérer des films, certains pour y accompagner la première française d’une récente acquisition. De même que la presse nationale et spécialisée couvre de manière importante le festival. Mais la partie professionnelle du festival est surtout concentrée sur l’atelier Produire au Sud et la formation aux outils de la coproduction internationale que nous y proposons pour six projets sélectionnés durant la semaine. Un travail de détail où le nombre de professionnels et experts invités à intervenir représente prés du double du nombre des participants. Et puis l’atelier a aussi lieu à l’étranger durant le reste de l’année (Sderot, Agadir, Durban, Bangkok, Taipei, d’autre projets sont en cours d’élaboration) où dans chaque pays nous proposons une version adaptée aux enjeux locaux. PAS n’est pas un modèle, plutôt un vrai laboratoire.

visuel : affiche du festival

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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