J-3 La Mostra des Grands et des nouvelles promesses
3.9.2013. Notre troisième excursion dans les salles du Lido, nous apporte des étonnantes découvertes, des déceptions, du plaisir mais aussi des moments de profonde tristesse. A quelques mètres du red carpet où Scarlett Johansson défilera quelques heures plus tard, la matinée commence très tôt avec la version intégrale du nouveau Kim Ki-duk. Après le lion d’or gagné l’année dernière avec Pietà, l’attente des visiteurs du Lido est fébrile. Under the skin avec la belle Scarlett est aussi source de curiosité. Parmi les films présentés par la semaine de la critique, Zoran, il mio nipote scemo est surement l’un de ceux qui mérite le plus d’attention.
Moebius et la nouvelle excursion dans la douleur humaine de Kim Ki-duk
On se demande si toute cette cruauté était nécessaire : la brutalité que Kim Ki-duk nous impose est une véritable agression. Elle inflige une gêne qui est avant tout physique et à la sortie de la salle les blessures continuent à brûler. Pas un seul mot tout au long du film, comme si l’absence de la parole pouvait faire mieux ressortir les cris déchirants d’une douleur exténuante. Moebius, présenté ce matin en avant première au Lido, est un film qui dépasse même les frontières du tragique et déborde dans le grotesque : les contours du plaisir et du chagrin se fondent dans un seul unique gémissement désespérant. Comme le ruban de Moebius qui perd ses deux cotés pour s’étaler sur une seule surface compacte, la réalité tragique décrite par le cinéaste sud-coréen ne peut jamais se renverser. Ainsi que le crayon qui passe d’un coté à l’autre du ruban sans jamais toucher les bords, le regard de Ki-duk blesse la pellicule en créant un socle toujours plus profond, toujours plus torturant. C’est une tragédie sans trame, puisque l’événement tragique se passe au tout début et il n’y a jamais une véritable évolution. Le film ne représente que la répétition infinie d’un crime initial qu’on ne pourra plus jamais effacer : la castration d’un garçon de la part de sa mère. Le silence total intensifie les regards désespérés de tous les personnages pendant qu’ils s’infligent les douleurs les plus affreuses. Aveuglés par ce manque sexuel qui les bouffe, ils recherchent une forme d’assouvissement sans forme et cette quête ne fait plus la différence entre plaisir et torture. Un film hallucinant dont la violence est insupportable, mais qui touche au génie dans l’expression de ce silence assourdissant et chargé d’un vide insoutenable.
Pendant la conférence de presse le metteur en scène clarifie que son cinéma n’a aucune référence à la tragédie grecque et au mythe œdipienne. Sa conception, il nous explique, est entièrement inspirée par l’observation de la société coréenne, de ses dépravations et de ses fantasmes. Si on l’accuse de faire du cinéma violent, il répond qu’il ne fait que mesurer la température qu’il ressent dans la société coréenne. Il fait passer toute cette matière à travers son corps et son âme et puis il la traduit dans un cinéma qui reste beaucoup plus apprécié en Europe qu’en Corée.
Zoran, il mio nipote scemo : enfin du cinéma italien !
Le film du jour est sans doute un made in Italy : Zoran, il mio nipote scemo. Sélectionné par la 28ème Semaine de la critique de la Mostra de Venise, le film raconte l’histoire de Paolo (Giuseppe Battiston), un homme de 40 ans qui habite dans un petit village près de Gorizia, en Trentino Alto Adige, dans un territoire à la frontière entre l’Italie et la Slovénie. Cuisinier dans une crèche, Paolo passe son temps à harceler son ex-femme, qui l’a quitté à cause de son égoïsme et son inconstance, et dans la petite osteria du village, buvant du bon vin et attendant que ‘son moment’, arrive. Un jour comme les autres, la nouvelle de la mort d’une de ses tantes en Slovénie interrompt la monotonie et la torpeur alcoolisée de la vie de Paolo pour constituer un tournant : malheureusement pour lui, il ne touchera aucun héritage, mais il gagnera un neveu un peu bizarre qui a appris l’italien à travers deux romans inconnus du dix-neuvième siècle. Ses habilités principales sont très particulières : il parle un italien très soutenu et il joue divinement aux fléchettes. Il est capable de placer, sans se tromper une seule fois, ses fléchettes toujours dans la bulle au centre de la cible, sauf qu’il le fait même quand le but est celui de viser les autres secteurs ! Au départ, Paolo ne semble point enthousiaste à l’idée de s’occuper de l’extravagant garçon; au contraire, sa colère verbale semble trouver un magnifique bouc émissaire chez le jeune Zoran. Lui, les yeux bas, ne donne de son coté que des répliques drôlement hors propos : ses phrases sont tellement raffinées qu’elles font ressortir, par contraste, la cocasserie de Paolo. La trame de l’histoire est simple mais à aucun moment elle n’est prévisible et l’ironie des dialogues se maintient toujours aiguë et très spontanée. D’ailleurs, comme il l’avoue lui-même, le premier propos du jeune metteur en scène Matteo Oleotti est de décrire le quotidien de ce petit village de l’Italie du nord, un quotidien fait de vin, injures, goulasch, petits chiens en porcelaine. Ces petits ornements apparemment insignifiants vont créer en réalité des personnages et des atmosphères vrais, crédibles, à la fois drôles et éloignés de toute caricature. Pendant le film, il nous arrive souvent d’arrêter notre attention sur des petits passages musicaux, des motifs discrets mais délicieusement joués par les cordes de Sacri cuori et qui vont tisser, avec tous les autres détails, le tissu d’un film saisissant. A la fin de la séance à la salle Darsena du Lido, la joyeuse équipe se réunit sur le plateau autour de Matteo Oleotti : ça fait du bien aux yeux de les regarder tout souriants et de s’amuser avec eux en parcourant à nouveau quelques étapes de la création de Zoran, il mio nipote scemo et de cet univers humain aux contours profondément honnêtes.
Il terzo giorno di Toute la Culture al festival comincia con un’escursione nel dolore della tragedia muta di Kim Ki-duk. Mentre di fianco al red carpet i fan aspettano trepidanti l’arrivo di Scarlett Johansson, nella Sala Grande del Palazzo del Cinema si sta compiendo il massacro più crudo e violento del cinema del regista sud coreano. Vincitore dell’ultimo Leone d’oro, Kim Ki-duk presenta al Festival di Venezia 2013 Moebius, un film sulla castrazione e sull’incesto, un film in cui i contorni di piacere e dolore si dissolvono e si fondono. Il silenzio è assordante, le urla e i pianti strazianti. Ci chiediamo se tanta crudeltà non sia fin troppo caricaturale. Per la Settimana della critica selezioniamo Zoran, il mio nipote scemo, il fim d’esordio di Matteo Oleotti, giovane regista di cui riconosciamo immediatamente il talento. Il film è semplicemente bello, la realtà che descrive autentica, la colonna sonora azzeccata: siamo nelle campagne vicino a Gorizia, in un territorio di confine tra l’Italia e la Slovenia. Paolo, quarantenne dedito al vino e ai pettegolezzi, è il ritratto riuscito di uomo italiano di mezza età nato e cresciuto in una piccola realtà di paese dell’Italia del nord: egoista e vagamente cinico si è abituato a rimandare di giorno in giorno le sue aspirazioni. Perennemente insoddisfatto e aiutato dai fumi del vino, la sua ironia pungente è fatta d’insulti e parolacce. Un bel giorno si ritrova a doversi occupare di un nipote di cui non conosceva nemmeno l’esistenza. Ma Zoran non è un nipote come gli altri: parla un italiano letterario forbito e sconosciuto a quel piccolo pugno di viticoltori, ha 2 occhiali che lo rendono un personaggio vagamente fumettistico e gioca divinamente al tiro al bersaglio. Quale sarà il risultato dell’incontro tra Zoran e la realtà di Paolo, a prima vista così incompatibili? La risposta non è scontata, né prevedibile. Il film è onesto e sincero la musica dei Sacri Cuori lo aiuta a diventare poetico.