Cinema
Into The Abyss de Werner Herzog ; immersion au coeur du Texas et de la violence américaine

Into The Abyss de Werner Herzog ; immersion au coeur du Texas et de la violence américaine

23 October 2012 | PAR Francois Colombi

Après avoir exploré les travers d’une caverne dans La Grotte des rêves perdus, Werner Herzog se penche avec son nouveau documentaire sur l’Amérique et les profondeurs de l’âme humaine. À 7O ans, il semble être le plus grand cinéaste allemand vivant.

Synopsis :
Le 24 octobre 2001, dans la petite ville de Conrie Texas, Jason Burkett et Michael Perry, en quête d’une voiture volée, abattent de sang-froid Sandra Stotler, son fils Adam et l’ami de ce dernier Jeremy. Retrouvés puis arrêtés, les deux jeunes hommes, âgés d’à peine 19 ans, sont condamnés : pour Burkett, la prison à perpétuité, La peine capitale pour Perry.
Herzog retourne sur les lieux du crime et interroge tous les enquêteurs, les victimes et les criminels. Non pour juger, mais pour essayer de comprendre.

Cela fait trois ans que Werner Herzog a mis de côté le cinéma au profit du documentaire, et on s’en réjouit. Avec Into the Abyss, il livre un documentaire édifiant sur une société oubliée des Etats Unis. Dans ce comté du Texas, avoir fait un séjour en prison est aussi commun que d’acheter une baguette de pain. L’illettrisme et la violence font aussi partie du quotidien des habitants.

C’est donc  là bas qu’Herzog interroge tour à tour les protagonistes d’une tuerie qui a défrayé la chronique il y a plus de dix ans déjà. La qualité première de ce film n’est pas du ressort cinématographique, mais tient de l’humain qui se dégage de cette plongée dans l’abysse. La mise en scène d’Herzog est si l’on peut dire banale. Il interviewe en plan fixe et n’utilise aucun élément de mise en scène. Seul le montage des séquences semble vraiment travaillé. Mais c’est la justesse, le tact et la douce persévérance d’Herzog lors des interviews qui magnifient le documentaire (surtout lorsqu’il demande à la femme d’un des deux condamnés de parler de sa grossesse).

Plusieurs acteurs débattent de la peine capitale. Fred Allen, ancien capitaine de la « Tie Down Team » (l’équipe qui attache le condamné à la table d’exécution) était fervent défenseur de la peine de mort et a pratiqué une centaine d’exécutions jusqu’au jour ou il en a eu assez et a démissionné, faute de ne plus adhérer à ce système. Sa décision lui a fait perdre son fonds de retraite. La fille de la victime, Lisa Stotler se dit quant à elle soulagée après avoir assisté à la condamnation de Michael Perry.

Herzog lui ne se prononce pas… C’est tout de même à Fred Allen que revient le privilège de clôturer le film par ces mots : Regardez ce que font les oiseaux… Les oiseaux, les canards…Pause… Pourquoi y en a t’il autant ?

Le réalisateur se défend d’émettre un avis sur les deux hommes pour ce qu’ils ont commis : « Je n’ai pas à juger de la culpabilité ou de l’innocence de qui que ce soit. Les tribunaux sont là pour ça. Le film ne vise pas non plus à excuser les crimes commis. »
Bien que l’avis de Herzog soit tranché sur la peine de mort, c’est avec pertinence qu’il interroge les deux condamnés : « Je n’exprime aucune colère de militant, même si ma position est claire. Je ne verse pas dans le sentimentalisme, ni dans aucune forme de camaraderie. »

Le film d’Herzog est grand car il donne la parole à des gens qui ont commis des actes monstrueux, sans jamais tomber dans le misérabilisme. C’est donc face caméra, une semaine avant sa mort que Michael Perry lance au réalisateur avec la plus grande maitrise de soi et avec sérénité qu’il sera mort dans sept jours. Grace à de simples interviews, il arrive à dépeindre toute une société qui est en perte de ses valeurs et même en perdition totale. Le titre est donc parfaitement choisi. Dans celui ci, Herzog nous invite à découvrir un monde loin du notre, plongé dans le noir et les ténèbres.

Il confesse tout de même “qu’il y a une solidarité naturelle qui se manifeste à l’égard des détenus… Et par dessus tout il y a ce sentiment fort que ces individus sont des être humains.”

Sortie du film le 24 octobre (11 ans jour pour jour après la tuerie…)

Visuel : © IFC Film


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Francois Colombi

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