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[Interview] La Garenne/Tout Court, un festival qui sensibilise aux conditions de production de courts-métrages en France

[Interview] La Garenne/Tout Court, un festival qui sensibilise aux conditions de production de courts-métrages en France

08 April 2015 | PAR Yaël Hirsch

La deuxième édition du Festival du film de courts métrages indépendants de la garenne a lieu les 11 et 12 avril. Pendant deux jours, les spectateurs pourront découvrir de nouveaux réalisateurs, à travers ce format rare est passionnant qu’est le cour-métrage. Les fondateurs de La Garenne/Tout Court, Sidney Goyvaerts et Maxime Delayat expliquent leur programmation et le rôle de ce festival dans un contexte où produire des courts-métrage est un grand challenge.

Depuis combien de temps avez-vous en tête le projet de La Garenne\Tout Court ?
Monter un festival de courts métrages fait partie de nos projets depuis la création de l’association 2euxième Acte en 2006. Nous étions alors étudiants en cinéma, et nous voulions une structure pour réaliser nos courts métrages. Pour la sortie de notre premier long métrage en salles en juillet 2013 (Peut-être qu’on n’a pas le même humour, de Thomas SEBAN), nous avons créé une société de production et décidé de garder l’association pour organiser le festival La Garenne\Tout Court.

Quelle est la tradition du cinéma à La Garenne, pourquoi ce lieu ?
Le festival La Garenne\Tout Court renoue avec une histoire qui lie la ville au cinéma. Des studios et plusieurs salles dont le cinéma Le Voltaire, décor du tournage de « la Dernière Séance » présenté par Eddy Mitchell, étaient implantés à La Garenne-Colombes. La ville accueille aujourd’hui SIS (studio de montage et de mixage) ainsi que de nombreux tournages de films et de sériés télévisées. Pour quoi ce lieu, c’est aussi et surtout parce que nous en sommes originaires et que nous pensons qu’il est important d’y élargir l’offre culturelle.

A part les chaines de télévision et les aides du CNC quels sont les autres moyens de financement d’un court métrage ?
Il existe trois sources principales de financement du court métrage en France : le CNC, les chaînes de télévision et les collectivités territoriales (régions, départements). Le GREC (Groupe de Recherches et d’Essais Cinématographiques) apporte une aide aux premières œuvres originales. La PROCIREP (Société de producteurs de cinéma et de télévision) aide les sociétés de production qui présentent au moins deux courts métrages. Dans le secteur privé, certains réalisateurs de longs métrages et quelques entreprises peuvent s’investir dans le format court, mais cela reste rare. Des sociétés comme l’Adami, la SACD, la Scam et la Sacem octroient des bourses d’aide à la création. C’est aussi le cas de fondations privées. Le financement participatif (ulule, kisskissbankbank) est quant à lui de plus en plus fréquent. D’une manière générale, les budgets étant très limités, on réalise un court métrage grâce à une grande énergie, à la débrouille et en payant les participants en dessous du tarif syndical, quand on peut les payer.

Certaines chaines de VOD ou équivalent netflix marquent-elles de l’intérêt pour la production de courts ?
Certains sites de VOD assurent la promotion et la diffusion du court métrage : mouviz, lovemyvod, vodmania.

Est-ce plus difficile pour un film (notamment court) autoproduit de trouver de l’attention auprès des festivals ?
On évalue à 2000 le nombre de courts métrages réalisés en France chaque année. Parmi eux, 500 reçoivent un visa d’exploitation. Le même nombre environ bénéficie d’une diffusion télévisuelle. Et s’il y a plus de 300 festivals en France, on y retrouve souvent les mêmes films, avec un mode de production semblable, à savoir CNC et/ou chaine de télé. Avec le numérique, réaliser un film est devenu beaucoup plus accessible, mais le goulet se resserre toujours autant à la diffusion. C’est de ce constat qu’est né La Garenne\Tout Court, dans le but d’offrir un espace à des œuvres singulières, tant dans le processus de fabrication que dans le contenu.

Certains festivals comme Angers ou Belfort passent systématiquement un court métrage de la compétition avant un long de la compétition, que pensez-vous de cette technique pour amener le grand public au court ?
Projeter un court avant un long est une très bonne technique pour sensibiliser le public au format court et pour aider la diffusion des courts métrages. Ce n’est pas sans nous rappeler une bien belle époque où la législation française imposait le passage d’un court métrage en début de séance. Cela n’aura duré que 13 ans puisque la loi a été supprimée en 1953, soi-disant parce que les films étaient trop fréquemment publicitaires. Mais qu’a-t-on aujourd’hui avant un long-métrage ? De la pub.

Pourquoi avoir choisi de donner immédiatement une dimension européenne au festival ?
Proposer des films venus de toute l’Europe nous paraissait une évidence dès la création du festival. Pour le public, c’est l’occasion de voir ce qui se fait ailleurs qu’en France, de s’ouvrir à une autre culture, de regarder un film dans une autre langue. Bien souvent aussi, les sujets ou problématiques peuvent faire écho à ce que l’on vit sur notre territoire. Les pays européens ont une histoire commune et le cinéma n’a pas de frontière. D’autre part, cela permet également aux réalisateurs invités d’échanger avec leurs confrères européens.

Mais pourquoi alors projeter les français d’un côté et les autres européens de l’autre côté ?
Faire deux sélections distinctes permet d’offrir deux prix. Elire un film parmi 18 est déjà difficile, alors un sur 36 double encore la difficulté ! Par ailleurs, faire une sélection particulière pour les films européens est une façon de les mettre en valeur, d’insister sur cette sélection qui sans cela serait noyée dans la programmation.

De qui espérez-vous l’attention avec le festival pour que cela puisse donner un coup de pouce aux courts ?
Notre volonté est de sensibiliser les gens aux courts-métrages de manière générale, mais plus particulièrement encore aux conditions de productions dans lesquels ils sont réalisés. Diffusés des films plus fragiles, c’est aussi tenter de mettre le pied à l’étriller de jeunes talents originaux qui ne se conforment pas à des dossiers. Les professionnels jouent donc un rôle important pour établir des relations, et initier éventuellement de nouveaux projets. Les médias ont également une place fondamentale car c’est grâce à eux qu’un événement tel que le nôtre à des chances de s’épanouir et donc grâce à eux que ces courts-métrages auront une chance d’avoir une visibilité. Enfin notre idée et aussi de mettre en garde les pouvoirs publics contre une certaine uniformisation due à ces modes de financements institutionnels et sans lesquels il est pourtant si difficile d’exister.

Comment avez-vous fait la sélection de la programmation pour les petits ?
La sélection des films pour enfants s’est déroulée de la même façon que celles des deux compétitions. Nous sommes une dizaine, chacun fait d’abord une présélection de son côté, puis nous regardons les films présélectionnés tous ensemble avant de procéder aux votes. Bien évidemment, pour cette section, nous avons en tête le public visé, mais ce sont avant tout de bons films, qui ont su plaire aux adultes que nous sommes devenus et aux enfants que nous sommes restés.

Quel est le rôle du jury de lycéens ?
Le jury de lycéens remet un prix pour récompenser un film parmi les 36 films présentés cette année, compétitions française et européenne confondues. Il nous paraissait important d’impliquer la section audiovisuelle du Lycée Albert Camus de Bois-Colombes, d’une part parce que ce sont peut-être de futurs réalisateurs, mais aussi parce que nous étions dans cette classe il y a maintenant 13 ans. Le travail de transmission avec les scolaires nous tient à cœur, c’est aussi pour cela que nous avons mis en place un atelier entre ces mêmes lycéens et des classes de CM1 tout au long de l’année. Cet atelier a permis la réalisation d’un film qui sera diffusé pendant la séance pour enfants.

Quel est le film de cette sélection qui vous a le plus surpris/ému ?
Parmi les films qui ont retenus particulièrement mon attention, je noterais peut-être Aïssa, de Clément Tréhin-Lalanne, pour la précision de sa mise en scène, pour la dureté de son sujet et la justesse avec laquelle il le traite. En Europe, je relèverais Colera, de Artiz Moreno, pour son efficacité et pour son propos qui est, sans en avoir l’air, bien plus profond et plus intelligent que sa seule chute finale.

Tout le programme du festival, ici. 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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