Interview de Niels Schneider et Monia Chokri, acteurs du dernier film de Xavier Dolan, Les Amours imaginaires
Laboiteàsortie a rencontré les deux jeunes acteurs, Niels Schneider et Monia Chokri des Amours imaginaires (voir notre critique) deuxième film du jeune prodige canadien, Xavier Dolan. Ce deuxième film, après le très beau J’ai tué ma mère , entame une réflexion sur le rapport amoureux. Francis et Marie, meilleurs amis, sont tous deux amoureux du beau Nicolas. S’en suit alors un duel amoureux, où le fantasme, l’obsession prennent la part belle sur la réalité et leur amitié. A la fois tendre et cruel , ce film est une belle promesse pour ce jeune cinéaste qui tournera son troisième film en février prochain avec Louis Garrel dans le rôle principal.
Mais d’abord retour sur la genèse et les coulisses des Amours imaginaires ….
Qu’est ce qui vous a poussé a accepter ces rôles ?
Niels Schneider : Je n’ai pas eu à l’accepter. Il me l’a proposé. C’est un cadeau. J’avais envie de travailler une nouvelle fois avec Xavier Dolan. J’ai une confiance totale en lui, de plus j’ai adoré le scénario. Je pense de toute façon qu’il m’aurait demandé de jouer n’importe quoi, je l’aurai accepté. J’ avais vraiment envie de travailler avec lui.
Monia Chokri : Pour moi c’était comme une évidence , il l’avait écrit pour moi. Et puis nous sommes très liés , jouer et être dirigée par Xavier Dolan est toujours un plaisir.
Est-ce facile de travailler avec Xavier Dolan ? Surtout quand vous êtes amis ?
Niels : Absolument, c’est très agréable. Il se soucie de tout le monde, que ce soit le chef opérateur, le script, les acteurs, la costumière … Il arrive à créer une ambiance très conviviale sur le plateau. Tout le monde se sent bien , à l’aise et détendu. De plus comme il est lui-même acteur , c’est très agréable d’être dirigé par lui.
Monia : Il vrai qu’étant amis, cela aurait pu être difficile de travailler ensemble. Mais moi et Xavier nous avons une relation très proche. Nous sommes liés par une réelle complicité artistique qui est en plus complémentaire. Entre lui et moi, je peux presque parler d’une relation amoureuse platonique. Peut-être qu’un jour, cela pourrait poser problème , mais pour le moment c’est vraiment très bénéfique pour nous deux. C’est une réelle émulation artistique. Lui et moi, nous avons le même goût du jeu , nous admirons les mêmes acteurs, nous aimons les mêmes films… Ce film, certes parle beaucoup d’amour , mais je dirai finalement qu’il parle toujours et avant tout d’amitié. Cette amitié entre ces deux personnages atypiques, Francis et Marie.
Quelle est la part d’improvisation que Xavier Dolan vous donne dans votre interprétation ?
Niels : Il nous laisse assez libre. Sur les grandes lignes des personnages, il laisse part à nos propres inspirations. Par contre ce qui est marrant chez Xavier, c’est son goût pour le détail. Par exemple, sur les gestes, les mains …Il peut refaire plus de vingt fois une prise, s’il juge qu’un mouvement ou un geste ne lui convient pas. Il est très perfectionniste sur la façon dont se place les acteurs, leurs gestes et leurs corps. Il y a un réel souci esthétique chez Xavier. Mais pour autant , il reste toujours à l’écoute et est très attentif à tout ce qui peut se passer sur le plateau.
Monia : Nous nous connaissons tellement bien qu’il me laisse dans mon jeu une énorme part de liberté. Il me fait pleinement confiance. Je comprends ses attentes et il comprend les miennes.
Comment Niels, vous avez réussi a jouer ce rôle, à trouver votre place au milieu de ce duel amoureux ?
Niels : A la lecture du scénario , je l’ai perçu directement comme un enfant. Il joue et il n’est pas méchant. Pour moi , ce n’est pas un calculateur. Il aime être admiré, regardé. Il est inconscient de son charme, il blesse des cœurs sans s’en rendre compte. Peut-être qu’il refuse de le voir aussi. Il préfère vivre dans le monde de l’insouciance et de l’enfance. Mais dans l’histoire il n’a pas que le beau rôle. Quand Marie et Francis se battent pour lui dans la forêt, la perversité reprend le dessus. Il comprend, et il ne s’en amuse pas. Au fond , il est juste le « trophée » pour qui Marie et Francis se battent. Il n’alimente pas le duel. Ce qu’il veut, c’est être aimé par ses amis. Et quand il comprend leur manège, il s’attriste. Au dernier plan, quand Marie et Francis ne le regardent plus, il souffre. Il perd son inconscience et comprend alors qu’il n’existe que par le charme qu’il dégage.
Avez vous déjà été confronté à ce genre de situation qui est abordé dans ce film de façon très littéraire par Xavier Dolan ?
Niels : je pense que tout le monde a été confronté à ce genre de situation. Tout le monde s’est déjà fait rejeter un jour ou l’autre. Certes ici, Xavier Dolan joue avec les références littéraires , cinématographiques. Mais même au quotidien , le sentiment amoureux se nourrit avant tout de fantasmes et d’images. On aime l’idée d’une image mentale que l’on se crée. Le sujet est certes suranné , mais ce que j’aime chez Xavier c’est qu’il sait brasser les références. Il lui redonne toute sa modernité. Il cite et utilise autant Les fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, que Musset , Marivaux , Dalida , Indochine , Cocteau. Il met en évidence le côté atemporel de ce thème dans son film. Il y a une phrase qui m’a beaucoup plue et qu’il a dite lors d’un interview : « On progresse en tout, en mathématique, dans la médecine , en sport, mais on ne progresse jamais en amour, on fait toujours les mêmes erreurs. »
Monia : Moi je n’ai jamais été confronté à ce genre de situation, enfin pas à ce niveau. Peut-être parfois entre filles se crée plus facilement une rivalité. Mais pour moi, cela appartient plutôt au domaine de la fiction , de la littérature. D’ailleurs , les personnages vivent et font leur propre fiction.
Comment décririez- vous vos personnages ?
Niels : Nicolas est enfantin. Il est beaucoup plus honnête que Marie et Françis. Lui, il ne joue pas un rôle. Au moment des déclarations respectives, il ne joue pas un jeu , il répond franchement. Certes à sa manière il est cruel, mais c’est aussi parce qu’il met fin à leur espérance , il leur dit la vérité. Pourquoi lui en vouloir ?
Monia : Pour moi , Marie est avant tout quelqu’un de fragile. Elle essaye de créer une carapace sociale. Elle est une sorte de personnage caustique, extrêmement mal dans sa peau.. Les personnes qui ont l’air le plus sûres d’elles sont les plus fragiles. On le voit dans le film. Quand elle se regarde dans le miroir, elle se juge en permanence. De plus , elle est tout le temps en décalage, même sur le plan amoureux. Elle est très romantique. Cela transparaît à la fois par le nombre de cigarettes qu’elle fume et avec les hommes avec lesquels elle couche. Elle donne l’impression d’être extrêmement dure et froide , mais une tristesse infinie se lit dans son regard.
Avez -vous pris part dans le choix des costumes , de leur façon de s’habiller des personnages, notamment celui de Marie , très années cinquante ?
Niels : Pour les costumes , il y a une plus grosse recherche du côté de Marie que de mon côté. On est allé ensemble au village des valeurs qui est l’équivalent d’Emmaüs ici. On a un peu fouillé et on a trouvé des trucs géniaux. Xavier ne voulait pas que Nicolas soit un excentrique. Il devait avoir une garde robe assez simple. On a choisi les vêtements, mais il avait une idée très précise de ce qu’il voulait.
Monia : Xavier m’a proposé un certain nombre d’habits que j’ai essayés. On avait décidé de lui donner d’emblée ce look très années cinquante. Cela lui donne immédiatement ce côté rigide, cette carapace sociale. Ce qui est drôle avec Xavier c’est ce souci du détail. On est allé aux puces certes , mais s’il voulait une paire de chaussures précises pour un plan particulier, il n’hésitait pas le soir à aller dans un magasin de chaussures de luxe… Il voit la beauté partout et il sait la capter.
Pensez vous que quelque part , si ces personnages sont autant poussés vers le fantasme, et l’amour platonique , c’est qu’ils se pensent incapables d’aimer ?
Niels : oui c’est une jolie interprétation. Marie et Francis sont presque un couple. Quand deux personnages aussi excentriques se rencontrent , ils ne se lâchent plus. Mais chez eux, c’est un amour à sens unique qui se développe. Il se complaisent dans la déraison et le fantasme. Mais je crois qu’ils sont vraiment amoureux de Nicolas. Mais je ne pourrai pas dire si cette obsession est une « excuse » pour eux..
Monia : Probablement , l’interprétation est très juste. C’est une manière pour eux de ne pas s’engager. En amour , on veut toujours attraper ce qui nous échappe. Si Nicolas avait été intéressé par l’un ou par l’autre on aurait fait un court-métrage. Francis et Marie ne s’aiment pas beaucoup eux-mêmes. D’ailleurs dans ce film , il n’y a pas d’amour. Il y a tout ce qui tourne autour de l’amour, la tendresse , l’attente, le sexe, le désir, la rêverie, le rejet … Mais l’amour est un sentiment qui se crée à deux. C’est très juvénile et très commun comme rapport à l’amour. Jeune, on se fait élever par des images de princes charmants etc … Xavier joue avec cet univers collectif et fictionnel sur lequel est basé notre rapport à l’amour.
La musique porte le film chez Xavier Dolan , avez -vous pris part au choix de certains morceaux ? vous-ont-ils inspiré dans la construction de vos personnages ?
Niels : A la lecture du scénario, des musiques avaient été déjà choisies. Je ne connaissais pas toutes les musiques choisies. Certaines on les avait écoutées lors de voyages. Dalida a été imposée dès le début. C’est Monia qui l’a proposée , et Xavier a eu un coup de cœur. Tout le rythme du film part de cette chanson. Lorsque nous tournions les scènes en ralenti , il nous mettait Dalida. La musique est quelque chose de très présent chez Xavier Dolan. En amour comme en amitié , nous sommes liés par des musiques. Toutes les histoires amoureuses sont associées à des musiques. La musique porte en elle la charge émotionnelle de la relation amoureuse.
Monia : Je lui ai proposé certaines musiques dont Dalida et France Gall. Nous sommes très mélomanes tous les deux. La chanson de the knife , nous l’avons écoutée plusieurs fois en voyage. Mais Dalilda a fait l’unanimité. On la mettait lors des ralentis pour trouver le rythme et la danse de nos pas.Surtout lors de ce face à face un peu « western » qui oppose Marie à Francis.
Niel cela vous dérange-t-il que l’on vous compare , et même dans ce film de façon explicite avec Louis Garrel ?
Niels : Au début je trouvais cela drôle , mais maintenant je ne comprends pas trop ; Louis Garrel non plus d’ailleurs. Je ne pense que l’on ait la même énergie à la vie ou à l’écran. Certes Xavier Dolan dans ce film en joue. Mais quand il filme Louis Garrel à la fin, c’est plus une démarche de cinéaste qui marche vers son prochain film avec son nouvel acteur principal. Je ne sais pas pourquoi on fait cette comparaison. C’est peut-être l’association d’idée, Xavier Dolan est comparé à Christophe Honoré, et moi à Louis Garrel , bon ok pourquoi pas , mais je n’en crois rien …
Quels sont vos projets , films ? Aimeriez vous tourner une nouvelle fois avec Xavier Dolan ?
Niels : Nous avons d’abord la promotion pour les Amours imaginaires. Puis en début d’année prochaine , j’entame deux tournages, l’un avec Bernard Bellefroid le réalisateur du film la régate , puis l’autre avec Christophe Charrier.
Monia: Nous avons la promotion du film , puis en février j’entame le tournage du troisième film de Xavier Dolan dans Lawrence anyways avec Louis Garrel.
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Commentaire(s)
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laurent
Coline je te déteste, tu as trop de la chance. Raaaahhh.
;) L
coline
eh oui ! ils sont super sympas en plus ! super après midi en leur compagnie.