Harragas de Merzac Hallouache
Harragas est le dernier film de Merzac Hallouache réalisateur algérien qui s’était fait remarquer par son premier film en 1976, Omar Gatlato qui peignait déjà un tableau acerbe de la société algérienne. Le film sort en salle le 24 février 2010, il a été présenté en avant-première dans le cadre du festival “Un état du monde… et du cinéma” au Forum des Images.
“Harragas” signifie celui qui brûle, c’est -à dire le migrant clandestin qui prend la mer depuis la Mauritanie, l’Afrique du Nord, le Sénégal avec des embarcations de fortune pour rejoindre l’Europe vue comme une terre promise, un eldorado. Merzac Allouache d’une certaine manière ne fait que filmer un problème qui existe depuis bien longtemps. Lors de son premier film en 1976,Omar Gatlato, il filmait déjà une Algérie post-coloniale perdue dans les méandres de ses avenirs possibles qui posait déjà les jalons de cette misère sociale et morale filmée avec justesse par Merzac Hallouache dans son nouveau film, Harragas. Sorte de docu-fiction contée par l’un des protagonistes de l’histoire, le cinéaste montre tous les rouages de cette entreprise désespérée presque suicidaire. Cela commence par des rencontres dans les quartiers pauvres d’une ville côtière d’Algérie , l’achat d’un GPS , le contact pour avoir une barque de fortune, le suicide du meilleur ami qui lui avait déjà perdu tout espoir suite à une traversée manquée … Mêlant à la fois des passages qui s’apparentent à la forme documentaire à des passages qui appartiennent exclusivement à l’univers du cinéma, le flic qui au dernier moment les rejoint dans la barque en les menaçant de son revolver, Merzac Allouache réussit à véritablement former et filmer une microsociété algérienne à la dérive sur cette malheureuse barque ….
Seulement face à cette odyssée impossible, ce n’est plus la société algérienne qu’il filme, mais des hommes poussés à bout, muent par un espoir fou, qui malgré tout ne peuvent rien faire pour contrer leur destinée : mourir ou errer à la dérive dans cette barque , échoués sur les plages d’Espagne réussir à se sauver ou bien se faire directement réexpulser en Algérie… Leur rêve d’eldorado ne leur appartient pas, leur seul chance d’évasion, c’est la possibilité de cette perspective.! La sensibilité de ce film vient peut-être du fait que Marzac Allouache avant toute chose s’est concentré sur ce rêve fou, suicidaire par le choix de la fiction. Ici, la fiction contrairement au documentaire permettait de ne pas tomber dans des partis pris, en analysant par exemple les difficultés politiques , administratives que ces fuites entraînent, ou bien la misère sociale qui sévit en Algérie. Merzac Allouache certes ne cache rien, il filme l’Algérie sale et miséreuse, mais il se fait aussi avant tout le conteur d’une histoire malheureuse, celle de ces « harragas », de ces brûleurs de frontières envers et contre tout, qui se convainquent entre eux, et cela, malgré les nombreux disparus , que dans leur fuite, ils trouveront un avenir meilleur. Merzac Allouache dans ce film ne s’engage pas, il se fait juste le témoin d’un problème irrémédiable face à ces traversées de l’impossible. Il se fait l’oeil d’un monde à part dont les rangs se remplissent de plus en plus chaque jour en Algérie….