Cinema
Festival International du Film d’Aubagne, jour 5 : Questions à Laurent Cantet, Chinese Man et Trois films de la compétition

Festival International du Film d’Aubagne, jour 5 : Questions à Laurent Cantet, Chinese Man et Trois films de la compétition

24 March 2018 | PAR Yaël Hirsch

Toute La Culture couvre le Festival International du film d’Aubagne. Un rendez-vous annuel qui se concentre sur la musique de films à travers des projections, un marché, des rencontres, des masterclasses et des concerts…

C’est par un grand soleil que nous sommes arrivés à Aubagne et son souriant panorama de montagnes. Alors que les festivaliers bronzaient sur des chaises longues, devant l’espace des Libertés, nous avons récupéré notre accréditation et des entrées pour les films de la journée. Nous arrivons pour couvrir la fin de cette 19e édition et avons manqué la présence du compositeur Gabriel Yared mais comptons bien rattraper bien des films de la compétition. C’est au cinéma Le Pagnol, que nous voyons le premier, le film tunisien Benzine de Sara Abidi, présenté par son compositeur : Omar Aloulou à qui l’on doit déjà la musique de Heidi (lire notre chronique) et qui dit que la réalisatrice l’a choisi pour son art minimal et presque imperceptible de sonoriser les images. Brûlant d’actualité, porté par deux acteurs sublimes (Sondos Belhassen et Ali Yahyaoui) cette histoire de parents qui ont perdu la trace de leur fils parti tenter sa chance en Europe (ou mort en mer) propose une photographie magnifique pour décrire un quotidien impossible dans la campagne. Même en 2011, au lendemain de la Révolution, quand les parents sont obligés de faire de la contrebande d’essence pour vivoter, il n’est pas étonnant que la génération suivante ait envie d’autre horizons. Malgré le danger et le rejet. Parfois appuyé mais toujours sensible, le film donne à voir un quotidien aussi terrible pour les familles des migrants sans nouvelles de leurs procès. Un beau moment où la musique joue discrètement et parfaitement son rôle de catalyseur d’émotion.

Dans le deuxième film en compétition vu aujourd’hui, l’émotion était plus téléphonée. Présenté par ses deux compositeurs Dürbeck et Dohmen, Fremde Tochter de Stéphane Lacant était aussi mélodramatique que son titre (la fille étrangère). Un drame identitaire ou Léna, 17 ans, guerrière blonde de banlieue rencontre Farid 19 ans doux et musulman. Elle est pleine de préjugés sur l’Islam mais tombe amoureuse et reproduit le destin d’une maman déchiquetée. Malgré le jeu excellent de Elisa Schlott, ce Romeo et Juliette allemand est cousu de fil blanc : l’amour jeune et impossible, la séduction de l’Islam, l’achoppement sur la famille et le code de l’honneur sont autant de clichés traités visuellement comme tels (jusqu’aux images très appuyées des ablutions et de la récitation de la Shahada). La musique est à l’avenant avec des mélopées orientalistes pour souligner les moments clés où le spectateur doit ressentir le poids du destin. Un mauvais film sur un sujet si brûlant, c’est toujours dérangeant…

A 18:45, toujours au cinéma le Pagnol, Laurent Cantet est venu présenter en invité d’honneur son adaptation d’une nouvelle de Joan Carol Oates, Fox Fire.Une épopée dans les années 1950 américaines où quelques filles se mettent ensemble pour révolutionner l’ordre patriacal des choses. Tout en finesse et en ambiguité, cette histoire de communauté au féminin reste toujours politique et ne vire jamais dans le voyeurisme de filles jeunes et jolies. Ayant présenté la manière dont il travaille la musique de ses films (tard) en introduction, le réalisateur s’est prêté à un jeu de questions et réponses avec le public à l’issue de la projection.

A 21h30, dernier film de la compétition avec une autre histoire de radicalisation islamique. Porté par le toujours et tout le temps excellent Vincent Rottiers, La Part sauvage de Guérin van de Vorst, se passe à Molenbeek et suit Ben à partir du moment où il a fini de purger 5 ans de prison et retrouve un travail de mécanicien à Bruxelles. Alors qu’il fréquente de plus en plus un groupe d’islamistes, il se bat pour pouvoir voir son fils de dix ans, Samir… Sur le fond rien de très nouveau dans ce film sur la paternité et la responsabilité, mais la forme travaillée et l’omniprésence du charismatique Vincent Rottiers parviennent à créer l’émotion. De plus, le suspense reste entier, jusqu’à la fin. Un film qui sort bientôt sur nos écrans chez Loco films.

Alors que la nuit plutôt très froide est tombée sur Aubagne, nous sommes arrivés à temps pour entendre les deux derniers sets de la soirée Chinese Man Records, à l’espace des Libertés bien rempli. Nous avons malheureusement raté les concerts de Matteo et surtout Saro, mais avons été galvanisé par l’énergie rayonnante et l’accent british de Youthstar tandis que Baja Frequencia a plutôt placé la barre et le nombre de décibels très très hauts. Une fin de soirée vibrante et haute en couleurs et en joie vivre qui a bien soigné la légère angoisse créée par les sujets graves de la compétition du jour. A demain à Aubagne, notamment pour la clôture et le concert des étudiants en masterclass cette semaine avec Stephen Warbeck (Shakespeare in Love, Mon roi…).


visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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