Festival de Deauville 2022 – God’s Country : Thandiwe Newton dans un thriller paranoïaque enneigé
Présenté en avant-première au Festival de Deauville, God’s Country illustre l’invasion d’un territoire et la violence qui s’ensuit au cœur des montagnes étasuniennes.
Au cours d’une cérémonie clinquante, où Thandiwe Newton reçoit les applaudissements nourris du public de Deauville, une vidéo hommage revient sur sa carrière riche en rôles marquants, passant aussi bien par la case du film d’auteur que par les nombreux blockbusters dans lesquels elle a tournée, à l’image du décoiffant Mission Impossible II et de ses ralentis improbables, symboles du cinéma de John Woo. Pourtant, force est de constater qu’elle s’est toujours cantonnée à des seconds rôles, parfois marquants (Collision) et parfois beaucoup moins, presque anecdotiques (Solo : A Star Wars Story).
Le tir est rectifié avec God’s Country, thriller paranoïaque signé Julian Higgins, prenant place au coeur des montagnes du Montana. Thandiwe Newton y incarne une professeur d’université qui va être confrontée à l’hostilité de deux chasseurs qui viennent accaparer son territoire afin de mener leurs projets.
Ce postulat de départ rappelle grandement une autre sortie marquante de cette année 2022 : As Bestas, le thriller psychologique de Rodrigo Sorogoyen, qui explore également cette thématique de l’invasion, du racisme ambulant et la violence physique qui vient progressivement s’installer. Pourtant, malgré quelques fulgurances, God’s Country peine à réellement s’imposer comme un grand thriller psychologique. Dès le départ, le film s’affirme comme un thriller lent, qui tient à coeur de montrer une violence progressive menant vers un déchaînement soudain. Sur 102 minutes, le film se perd rapidement dans des séquences un brin trop contemplatives, où le personnage de Thandiwe Newton promène son chien ou se remémore les souvenirs de sa mère, que l’on voit être incinérée durant les premières images du film.
Au-delà de cet aspect, qui dérange mais qui justifie les intentions du film, c’est sa narration tronquée qui fait ici son plus grand défaut. Le film s’attache à raconter trois histoires à la fois : la première sur cette invasion et cette escalade de la violence, la deuxième sur le souvenir de l’être cher définitivement perdu, et la troisième, beaucoup plus étonnante, sur la carrière universitaire du personnage principal. Elle est victime d’un racisme non-prononcé et des plaintes d’une collègue en proie aux intimidations de l’un des pontes de la faculté. Si l’idée est toujours pertinente et importante à rappeler, elle intervient au beau milieu du récit, entre deux scènes de tensions, donnant l’impression d’être entré dans une histoire complètement différente, au coeur d’une parenthèse désenchantée qui nous éloigne de la trame principale du film. Le résultat y est donc parfois passionnant, mais trop disparate pour convaincre.
Il est toutefois important de saluer la présence électrisante de Thandiwe Newton, qui trouve ici le meilleur rôle de sa carrière, sortant des stéréotypes de femme fatale sexy qui a parfois défini sa carrière. Elle est tour à tour froide, sournoise, et finalement dévastatrice, comme le montre ce dernier quart d’heure extrêmement efficace, à la photographie impeccable et à la violence inouïe et soudaine.
Visuel : © COLD IRON