
Elia Suleiman, des films marquants
Le style d’Elia Suleiman, singulier et libre, interpelle nécessairement.
Cinéaste palestinien, Elia Suleiman place la question israélo-palestinienne au cœur de ses films, qui demeurent magnifiquement universels. Le point de vue, toujours juste et intelligent, lui permet de se situer un peu à côté de ce qu’il montre, comme en différé. L’absurde surgit, règne en maître, ponctue inlassablement les scènes. L’effet de répétition, comme chez Tati, est proprement sidérant. Suleiman, avec son beau regard énigmatique, observe sans ciller une réalité qu’il se refuse à juger explicitement.
Son second film, Intervention divine (2002), avait secoué la Croisette. Il avait été perçu comme violent, dérangeant. On se souvient de ce ballon rouge figurant Arafat et partant au hasard se dégonfler au loin. Suleiman assume son style profondément personnel et ne cherche pas à séduire à coups de poésie facile. Dans son dernier film, Le Temps qu’il reste (2009, Prix du Jury à Cannes), le temps de la narration est un personnage central, contre le pouvoir duquel on ne peut sans doute pas grand-chose. Incarné par le Père, le temps s’étire, se condense, se revit, se prête aux interprétations et aux mythes. L’image du réalisateur-acteur sautant à la perche par-dessus le Mur possède une vraie force, précisément pour son ambiguïté : voilà ce que l’on peut faire avec une caméra et de l’imagination.