Dvd : Jaffa, la mécanique de l’orange, d’Eyal Sivan
En France, on avait découvert le réalisateur Eyal Sivan à travers son documentaire “Un spécialiste”, qui faisait le portrait d’Adolf Eichmann à travers des images d’archives de son procès à Jérusalem en 1961. Fidèle à son engagement extrêmement critique vis-à-vis de l’État d’Israël, dans son dernier documentaire, “La mécanique de l’orange” (2009), le cinéaste déconstruit le mythe sioniste des oranges de Jaffa pour montrer que celles-ci étaient en fait pendant des siècles le fruit du travail des Palestiniens avant 1948 . “La mécanique de l’orange” est disponible en Dvd chez Momento, la société de production d’Eyal Sivan.
L’orange de Jaffa est devenue un des symboles clés du sionisme, avec l’idée que les juifs revenus à une terre promise et aride ont réussi à la faire fleurir. A travers des témoignages, des documents photographiques et vidéos des 19e et 20e siècle, Eyal Sivan montre comment ces agrumes étaient en fait depuis longtemps le fruit du travail des nombreux paysans palestiniens vivant dans le port de Jaffa. Au début du 20e siècle, c’est ensemble et sans grande tension que les palestiniens et les juifs, mais aussi des ouvriers venus d’Égypte, de Syrie et du Liban exploitaient ensemble ces orangeraies. Après la Nekba (la catastrophe de 1948) et le départ précipité de la majorité des palestiniens expropriés de Jaffa par barque, l’État Israélien a transformé les oranges de Jaffa en marque symbolisant la force d’un sionisme capable de faire fructifier l’État des Juifs… alors même que les orangeraies ne se situaient plus à Jaffa, port détruit par la guerre de 1948 et remplacé par celui de Tel-Aviv…
Réalisant un remarquable travail d’archives et toujours aussi doué pour retrouver les spots publicitaires, les photos ou les chansons sionistes ou palestiniennes adequates, Eyal Sivan déconstruit un autre mythe sioniste avec une élégance qui lui a valu le prix du meilleur montage au festival international du film documentaire de Palerme (2009), et le prix du meilleur documentaire du Filmmaker de Milan (2010). Dans cette élégance formelle et ce travail de déconstruction historique, la virulence de l’engagement politique est omniprésente, jusque dans le titre qui cligne de l’œil vers la barbarie décrite par Stanley Kubrick dans son fameux film de 1971. Du point de d’administration de la preuve, les images choisies frappent, avec raison, il est juste dommage que les personnes interviewées ne soient ni présentées, ni nommées. Mais l’engagement qui porte le film, crée une tension passionnante et rend avide d’apprendre et d’en savoir plus.
Le Dvd des Oranges de Jaffa propose le film dans sa version TV (52 minutes), augmentée de suppléments (90 min), et propose également un interview d’Eyal Sivan et le matériel iconographique animé (cartes et photos).
“Jaffa, la mécanique de l’Orange”, un documentaire d’Eyal Sivan,52/88 mintes, VOST allemand, anglais, arabe, espagnol, français, hébreu, italien et turc, 26 euros.