Cinema
[Deauville, jour 2] Stanley Tucci et les divers rythmes de la compétition

[Deauville, jour 2] Stanley Tucci et les divers rythmes de la compétition

04 September 2016 | PAR Yaël Hirsch

La journée a commencé sous un grand soleil chaleureux. Et un premier film en compétition que l’on avait vu en section Un Certain Regard à Cannes et qui divise autour du beau Viggo Mortensen : Captain Fantastic (lire notre critique).

Apres cette fable sur l’éducation entre nature et brusque retour à notre culture, le deuxième film en compétition n’était pas beaucoup plus facile d’accès et a au moins autant divisé. Acclamée au Festival du film américain pour Night Moves, la réalisatrice Kelly Richards était très attendue à Deauville, pour Certain Women. Avec trois actrices aussi extraordinaires que Laura Dern, Michelle Williams et Kristen Stewart, cette adaptation littéraire lente et très picturale de nouvelles mettant en scène des femmes avec un certain caractère dans des paysages époustouflants du Montana, le film laisse place au silence, à la lenteur et esquisse juste une rencontre possible. Mais pour une partie du public, il manque à cette oeuvre au féminisme suggeré un vrai propos: certains sont sortis sous le charme, d’autres en ayant l’impression de n’avoir rien compris (Lire notre article).

Le dernier film de l’après-midi, Collide du britannique Eran Creevy a fonctionné  comme un petit réveil de fraîcheur. Mélo amoureux germano-américain sur fond de course de bagnoles, ce film sans prétention et à l’image justement très “clipesque” fait la part belle à Cologne et à deux jeunes acteurs beaux et pétillants (Felicity Jones et Nicholas Hoult), tandis que Ben Kingsley et Anthony Hopkins jouent des bandits caricaturaux et jouissifs. Côté voitures : Coccinelle, Mercedes, Aston Martin et pour le cocorico une citroen bordeaux se succèdent en des cascades assez réussies. L’humour est aussi au rendez-vous et on se laisse divertir avec plaisir…

Le tapis rouge ce soir était plus sage que celui de l’ouverture, mais tout aussi élégant. Ce samedi 3 septembre, c’est le new-yorkais Stanley Tucci (récemment vu dans Le Diable s’habille en Prada, Avengers, Captain America…) qui était mis à l’honneur. Il était là, radieux, invité régulier du Festival de Deauville enfin superstar sous les projecteurs normands. Le président du jury, Frédéric Mitterrand lui a dédié un discours long, bilingue et plein de références, notamment à la cuisine puisque l’acteur est à l’origine de livres de recettes; Tucci a répondu par un discours plus classique, mettant en avant le poids politique de acteurs et du cinéma…

C’est sans transition et en l’absence de membres de l’équipe du film que nous sommes passés à l’avant première de la fresque historique du réalisateur de Hunger Games, Gary Ross : Free State of Jones. Avec un visuel mélangeant esthétique de carte postale et rigueur de reconstitution du Mississipi, le film retrace longuement – de la guerre de secession à l’aube du Civil Rights Movement- le destin de Newton Knight et de sa descendance. Déserteur hors la loi des armées de la confédération, l’homme a pris la tête d’une véritable armée de déserteurs, de femmes, d’enfants et de noirs, qui refusaient de continuer à se battre pour les grandes familles esclavagistes du Sud. Après avoir libéré trois comtés, et avoir été rejetés par les armées du nord assez circonspects sur le professionnalisme d’une telle armée des ombres, ces révoltés ont suivi Knight dans la création d’un état égalitaire, y compris avec les anciens esclaves. Légaliste, après la guerre, Knight accepte la République Fédérale pour créer une ferme utopique où – dans les limites terribles d’une loi que l’état du Mississipi ne cesse d’amender ou de nier dans le sang pour maintenir l’esclavage – noirs et blancs sont libres et égaux. Si la structure du film pêche à convaincre complètement, si certaines lourdeurs sont dommageables et si quelques longueurs existent, cet épisode de “Commune” dans le Sud des États-Unis nous est livré dans un bel écrin visuel. En Robin des bois moderne, Matthew McConauguey est magnifique: hirsute, autoritaire et charismatique, il joue à la perfection l’utopiste.

C’est la pluie qui nous a fait revenir au 21e siècle après cette jolie épopée, dans une nuit deauvillaise qui s’est passée plutôt en intérieur, entre le bar du Normandy animé par une chanteuse “à l’ancienne” et les sets endiablés de la Villa Kiehl’s.

‘Visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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