Cinema
Deauville 2020, la compétition; “Uncle Franck”, de Allan Ball : un drame de l’acceptation et de la quête de soi et des autres qui touche en plein coeur

Deauville 2020, la compétition; “Uncle Franck”, de Allan Ball : un drame de l’acceptation et de la quête de soi et des autres qui touche en plein coeur

09 September 2020 | PAR Loïs Rekiba

Pour cette édition 2020 du Festival du film américain de Deauville, le réalisateur, acteur et scénariste engagé pour les droits LGBT et père de la série Six Feet Under, Allan Ball, présente Uncle Frank; son troisième long-métrage.

Ce film est le récit dramatique de l’acceptation, de la quête de soi et des autres de Franck, un professeur de littérature homosexuel et réputé de la NYU qui, à l’occasion de la mort de son père, va devoir revenir dans son village reculé du Sud des États-Unis et affronter sa famille à laquelle il a menti des années durant à propos de sa véritable identité.

La séance commence par le propos liminaire du réalisateur, résolument engagé et plaçant le film sous les auspices de valeurs sociétales progressistes. En effet, Allan Ball déclare face à sa webcam (son absence étant due au protocole sanitaire adopté par les EU) que son film Uncle Frank est dédié “à tous les hommes ainsi qu’à toutes les femmes qui ont dû se battre contre leur famille, leurs origines ou leur culture, pour affirmer et assumer leur homosexualité”.

Dans les années 70, Beth (brillamment interprétée par une Sophia Lillis, avec un mélange de candeur et de maturité) est une jeune adolescente vivant à Creekville, un village reculé de la Caroline du Sud. Elle ne supporte plus qu’on la prenne pour une enfant. Elle se sait et se sent différente des autres membres de sa famille, austère, populaire et conservatrice, avec laquelle une bonne partie de ses intérêts, notamment la littérature, divergent. Un jour, elle obtient une bourse au mérite et quitte sa cam­pagne natale pour aller étu­dier à l’Université de New York. Là bas, son oncle Frank enseigne la littérature. La jeune fille découvre rapi­de­ment l’homosexualité de son oncle, ainsi que la vie cachée qu’il mène depuis pas mal de temps avec son compagnon Wally; une rela­tion qu’il a tou­jours voulu gar­der confidentielle auprès de ses proches . Mais le jour où Mac, son père, une figure tutélaire de la famille de Beth décède, Frank est alors contraint de retour­ner sur ses terres d’origine pour assister à l’enterrement. Durant le trajet le ramenant sur le lieu familial du non-dit, accompagné de Beth et de Wally, Frank sera amené à affronter les amers fan­tômes du pas­sé et à se préparer au tragique face-à -face familial.

À travers le road-trip, un regard acerbe sur l’Amérique conservatrice 

Le film dépeint avec réalisme et violence le conservatisme de la famille de Beth et de Frank. Tout deux deux ont pour point commun d’être des individus que l’on dit différents et qui, eux-mêmes, se qualifient comme tel. La caméra filme avec une subtile délicatesse l’intimité de Frank et de sa nièce, avec l’importe accordée aux jeux de regards, lieux de complaisance et de compréhension mutuelle, une sorte de barrière face au conservatisme familial ambiant, et destructeur pour l’un comme pour l’autre. Beth est assignée au destin d’une ménagère sans ambition d’émancipation financière et son oncle Frank est “l’original” et l’éternel incompris de la famille, celui qui ne fait pas comme tout le monde. Son départ à New-York lui a permis de tourner le dos à sa famille et de vivre pleinement son homosexualité sans soucis des représailles et des préjugés les plus rances, notamment celui de son père, dont l’explication de la nature de cette relation très particulière occupe une place importante du film. 

Uncle Frank dépasse toutes les attentes. On pouvait s’attendre à un film mièvre recyclant le topos américain du road-trip comme quête d’accomplissement de soi et d’acceptation de l’autre, mais ce n’est pas le cas ici. Allan Ball nous surprend avec un film lumineux et esthétique sur la difficulté d’être homosexuel aux États-Unis dans les années 70, et plus généralement sur la difficulté universelle qu’il y a à se légitimer aux yeux de l’autre alors qu’on est sans cesse assigné à la case de la différence. De l’indifférence, au fond. On peut toutefois regretter que certaines scènes de confrontations familiales soient, de manière récurrente, traitées sur le mode du flash-back alors même que des scènes de dialogues auraient peut-être été beaucoup plus engageantes et marquantes.

 

Uncle Frank, un film d’Allan Ball, date de sortie encore inconnue sur la plateforme Amazon.

 

 

 

Étrange Festival 2020 : “Piège pour Cendrillon” éblouit par sa singularité et sa maîtrise
“Jun”, s’exprimer par la musique
Loïs Rekiba

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration