[Critique] « Le Chant de la mer », et les visages de la terre : un dessin animé émouvant
Sous le crayon du réalisateur Tomm Moore, la nature vit, a des visages multiples, et nous sourit. Convoquant quelques légendes irlandaises, il compose un récit émouvant et drôle, qui touche par sa capacité à parler de nos tristesses.
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Dans Le Chant de la mer, tout est adorable : Ben, petit garçon grognon mais aventureux ; Jo, son gros chien ; Maïna, sa soeur, qui ne parle pas ; leur père ; leur vieille grand-mère touchante… Il n’y a pas jusqu’à la Sorcière aux hiboux, « méchante » du film, sans l’être vraiment, qu’on ne trouve mignonne. Ajoutez à cela un bestiaire d’êtres bien croqués – petits esprits musiciens, phoques rondouillards… – et vous obtiendrez un univers tout mignon.
Mais chez l’auteur de Brendan et le secret de Kells, « adorable » ne veut pas dire niais. Plutôt merveilleux. Un merveilleux émouvant, pas vide et artificiel. Qui s’obtient par un travail. Ainsi les caractères de nos personnages sont-ils ambivalents, et pas manichéens. Ainsi les légendes irlandaises sont-elles au coeur du scénario. Et en constituent même l’armature : tout part de la disparition de la mère de Ben, qui, en fait, était… Chut. Le fantastique surgit quasiment de manière naturelle, au départ. Et le film sait conserver un côté profondément humain.
Dans cet univers, hommes et puissances de la nature coexistent. Et cette dernière a un visage. Ou plutôt, de multiples visages. Tomm Moore et Adrien Mérigeau, le directeur artistique du film, ornent chaque caillou et chaque rocher de formes. Qui finissent bien souvent par lui offrir une tête… La lumière est aussi très présente, et source de nuances. La mer, ou la maison de la sorcière, sont composées de mille motifs. Le graphisme est émouvant et magnifique.
Et bizarrement, Le Chant de la mer apparaît comme un film simple. Son scénario, parsemé de quelques rebondissements – la petite Maïna est en fait un être magique – se résume très facilement. Mais cette simplicité touche. Le temps de quelques scènes, les caractères attachants des personnages et la beauté graphique discrète atteignent à l’épique. On pense à Hayao Miyazaki… quelques secondes. Car les légendes convoquées par Tomm Moore sont plus terriennes. Et peut-être plus oubliées… Dommage : elles savent très bien parler de nous, et de nos tristesses…
Le Chant de la mer, un film de Tomm Moore. Dessin animé irlandais. Durée : 1h33. Sortie le 10 décembre.
A noter, également, la sortie aux éditions Glénat et P’tit Glénat du roman du film, et d’un livre illustré accompagné d’un CD, où l’histoire est racontée et chantée par Nolwenn Leroy, interprète des chansons du Chant de la mer.
Visuel : © Cartoon Saloon, Melusine Productions, The Big Farm, Superprod, Norlum