Cinema

Catherine Deneuve ou l’éternelle aura princière du cinéma français

24 December 2010 | PAR Coline Crance

Catherine Deneuve est une nouvelle fois à l’affiche cet hiver. Resplendissante dans le dernier François Ozon, Potiche, elle rappelle qu’elle est bien cette reine indétrônable du cinéma français.

Propulsée en haut de l’affiche grâce à Demy, Polanski, Bunuel et Truffaut à l’âge de vingt ans, le phénomène Deneuve devient vite international. Le magasine américain Look avait écrit en 1968 au sujet de Catherine Deneuve «  the most beautiful woman of the world ». Gloire intouchable, affaire glacée comme un sacre trop vite offert à cette jeune fille blonde de vingt ans, Catherine Deneuve pourtant est loin de parcourir durant sa carrière une trajectoire linéaire. Enfant sacrée du cinéma français, elle joue néanmoins avec ses codes tout en préservant toujours une part de mystère.

En 1964, révélation, Catherine Deneuve est l’héroïne avec sa sœur Françoise Dorléac des Parapluie de Cherbourg de Jacques Demy. Elle devient son actrice. Jacques Demy ce faux moderne de la Nouvelle Vague, amoureux du cinéma classique, crée l’icône Deneuve. Agnès Varda dira plus tard dans Jacquot de Nantes qu’il ne parlait d’elle qu’en l’appelant «  Mademoiselle ». Elle était pour lui la demoiselle idéale, cette princesse à la blondeur hitchcockienne qui ouvrait la Nouvelle Vague tout en gardant toujours un œil ouvert vers le cinéma classique. Elle est Peau d’âne qui aurait délaissé ses robes d’un ancien temps pour revêtir un manteau de vison et s’installer en ville. Tangent toujours dangereusement sur la demi mesure, Polanski et Bunuel saisissent toute l’ambiguïté de la princesse Deneuve. Figée sur la pellicule, demoiselle idéale de Demy, elle est pour ces deux cinéastes, la Belle de jour timide mais décidée, princesse d’un bordel au pays de ses fantasmes de Bunuel et une jeune schizophrène en proie à ses pulsions sexuelles morbides dans répulsion de Polanski. Ils exploitent l’un après l’autre le caractère timide et introverti de l’actrice pour en faire la clef et l’exécutante de leur univers cinématographique.

Mais Catherine Deneuve n’est pas simplement le reflet en miroir d’un cinéma qui se contemple, elle en est le miroir informant et déformant. Star très vite consacrée, égérie d’Yves Saint Laurent , elle s’attache pour autant tout le long de sa carrière à brouiller les pistes. Certes, il est sûr que son classicisme ne la fait jamais tourner avec Jean Luc Godard. Mais dans les bras de Truffaut , elle ferme elle-même les regrets et les contradictions de cette Nouvelle Vague française. Bardot devait incarner l’héroïne de la Sirène du Mississipi mais Truffaut, fou d’Hitchcok , lui préfère la blondeur de Catherine Deneuve. A la fois héroïne libre, directement inspirée du cinéma noir américain, Catherine Deneuve est aussi Marion Steiner dans Le dernier Métro puissant requiem à la fin du cinéma classique que Truffaut tout en étant son détracteur chérissait tant !

De Demy à Truffaut, de Melville à Téchiné, Catherine Deneuve tourne, distend et déforme son image. De la jeune fille blonde de Peau d’âne à la Reine mère de 8 femmes ou de Potiche, elle a elle-même incarné cette critique moderne et acide du romanesque et travaillé le mythe du star-system de l’intérieur. Elle est à la fois l’héroïne de Fort Saganne, d’Indochine, de La Reine Blanche et aussi l’étrange Marie dans les Voleurs de Téchiné , la femme abandonnée dans Drôle d’endroit pour une rencontre de François Dupeyron, la compagne de Björk dans Dancer in the dark de Lars Von Trier. Mais Catherine Deneuve modifie-t-elle son image ? Elle opère plutôt un mouvement déplacement sous contrôle et créant toujours une distanciation entre elle et le regard de la caméra. Mais pour autant elle n’est jamais détrônée. Elle vieillit avec le cinéma en se préservant toujours une place de choix. Il n’est guère curieux que la nouvelle génération des années 90 la fasse tourner. Arnaud Desplechin dans Roi et Reine lui confie le rôle de la psychologue de Matthieu Almaric , le rôle de la mère matriarcale dans Un conte de Noël. Loin de la candeur troublante de ses débuts, Catherine Deneuve fixe et fige son image et entreprend cette conservation intacte et vivante de « l’image Deneuve. » , image que des cinéastes comme Demy, Truffaut puis Téchiné ont contribué à construire et que d’autres ont contribué à détourner.

François Ozon est l’un de ses grands détracteurs, celui qui accepte le paradoxe et l’impact mémoriel de « l’image Deneuve ». Elle est sa Gaby dans 8 femmes, femme bourgeoise, froide, fantôme de Marion Steiner dans le Dernier Métro et sa Suzanne Pujol qui retrouve son ancien amant Gérard Depardieu… Et si dans le cinéma français il y a bien une reine Deneuve il y a aussi un roi Depardieu, couple phare et mythique de l’écran noir.

Intouchable Deneuve ? Sans doute, même si elle se rebiffe, chantonne et rie beaucoup, elle reste l’égérie d’un cinéma français étrangement sans descendance ou trop nombreuses pour s’unifier. Toujours est-il qu’une nouvelle fois articles, critiques et spectateurs ont montré autour de Potiche que le cinéma a besoin de son couple et de ses mythes. Catherine Deneuve est « une actrice purement cinéma » comme le disait Truffaut, une actrice-icône impalpable dont la seule image glisse et vacille là où personne ne l’attend.

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Coline Crance

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