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[Cannes, Un certain regard] « White God » : Kornel Mundruczo se met au niveau du chien
Le virtuose du cinéma hongrois nous offre un drôle de conte, qu’on trouve abscons jusqu’aux deux tiers. Jusqu’à ce que…
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Le début de White God est tout simplement sublime. Un père (le magnifique Sandor Zsoter), également contrôleur des viandes dans les boucheries, récupère sa fille, très jeune, pour quelques temps. Celle-ci a, pour l’accompagner, un chien nommé Hagen. Dans leur immeuble, une voisine âgée et désagréable (l’excellente Lili Monori) leur précise qu’ils doivent payer une taxe, avec un tel chien. C’est un bâtard… en Hongrie, ça n’est plus accepté… Ironie, absurde, et stylisation discrète du quotidien. On en redemande.
Après vingt minutes de jeu de qui perd gagne, Hagen est abandonné dans la rue. Et le film suit dès lors deux trajectoires : celle de Lili (remarquable Zsofia Psotta), la jeune fille, trompettiste qui courbe l’échine en permanence ; et celle… d’Hagen. Rencontrant d’autres chiens, il échappe aux équipes des fourrières (menées par l’enragé Gergely Banki), est attrapé par un clochard (Janos Derszi), puis vendu à un patron de kebab (Kornel Mundruczo lui-même), qui organise par ailleurs des combats de chiens clandestins. Hagen est ensuite acquis par l’un des participants qui le dresse à tuer, puis finalement envoyé au chenil…
Vous l’aurez compris : les acteurs de Kornel Mundruczo sont sublimes. Vous aurez sans doute également saisi ou imaginé l’étendue de sa maîtrise technique. En termes de cinématographie, on en mangerait. Par contre, quelque chose vous trouble peut-être : quel est le sens de cette fable ? Car c’en est une. Une histoire de chien visible, au départ, par les enfants, à la limite, mais plus à la fin. Donc, qu’est-ce, White God ? Eh bien, après l’évasion des chiens du chenil, suivie de la mise à sac, durant une demi-heure, de Budapest par une meute, on a l’impression d’avoir saisi : en fait, cette image des chiens représente soit des immigrés, soit des rebuts de la société. Des refusés en Hongrie, en tout cas. Leur révolte renverse tout sur son passage, les trafics clandestins aussi bien que la police. Et aussi, une figure de chef d’orchestre à la sensibilité proche de l’extrême droite… Oui, la situation actuelle dans certains lieux culturels hongrois nous éclaire.
Et Lili, dans tout ça ? elle incarne l’artiste. Chargée de mener ses semblables. De les amener, par l’art, et non par la violence, à se mettre au niveau de l’autre, et à le regarder dans les yeux. Clair, pertinent, et plutôt bien pensé. Reste que l’image du chien apparaît un peu naïve… L’animal aurait-il un sens que nous ne connaissons pas, pour les hongrois ? A vérifier, avant d’apprécier le contenu métaphorique du film. Tissé de métaphores pas naïves, du moins en ce qui concerne leur représentation cinématographique, brillante.
White God, un film de Kornel Mundruczo, avec Zsofia Psotta, Sandor Zsoter, Lili Horvath, Tamas Polgar. Drame hongrois, 1h59.
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