Cinema
Cannes 2023 : une Semaine de la Critique au cœur des rapports entre les êtres

Cannes 2023 : une Semaine de la Critique au cœur des rapports entre les êtres

17 April 2023 | PAR Geoffrey Nabavian

Les longs-métrages sélectionnés cette année pour être montrés pendant la Semaine de la Critique embrassent des thèmes liés aux femmes, au couple, à la famille ou à la maternité. Le tout traversé par des essais de forme. Une sélection très cohérente.

La Semaine de la Critique révèle les films qui vont être projetés, mis à l’honneur et en lumière, pendant qu’elle se tiendra, entre le 17 et le 25 mai. Pendant le temps du 76e Festival de Cannes, elle va soutenir ces regards émergents, permettre des découvertes, et aider de nouveaux cinémas à offrir des points de vue passionnants sur le monde actuel et à venir. A noter qu’à ce titre en 2023, le Syndicat Français de la Critique de Cinéma lance le Fonds Critique et Création, pour mécènes et donateurs désireux de contribuer à promouvoir l’esprit critique des jeunes générations, et à accompagner aussi les talents émergents qui se révèlent au sein du cinéma du monde.

Homogénéité

On salue la très belle homogénéité des thèmes traités au sein des films que la sélection retenue au final rassemble, en cette année 2023. Au centre de leurs scénarios, on retrouve les questions liées aux femmes, au couple, aux rapports familiaux ou au fait d’être ou de ne pas vouloir être mère. On se sent invité à une traversée de problématiques actuelles via des points de vue artistiques paraissant déjà affirmés. Des points de vue qui semblent prêts, surtout, à inviter au voyage, au rêve et à la réflexion.

Parmi les sept films concourant pour les Prix, on trouve par exemple Lost Country, dans lequel Vladimir Perisic trace le portrait d’un garçon de 15 ans en 1996 en Serbie : les étudiants manifestent contre Milosevic, et sa mère à lui travaille comme porte-parole pour le parti de ce dernier. La peinture d’un déchirement, que le réalisateur mène en en appelant à la tragédie antique, a priori.

Présenté dans le même cadre, Tiger Stripes va, lui, jusqu’à prendre appui sur le quasi fantastique pour aider ses thématiques à jaillir : il se déroule en Malaisie, et suit une fille de 12 ans qui vit sa puberté avec une énergie proche de celle d’un tigre. Un long-métrage qui sera distribué en France par Jour2Fête, et est signé par la réalisatrice Amanda Nell Eu. Six femmes cinéastes sont cette année dans la sélection, qui reste composée de onze films au total. Parmi elles, on retrouve par ailleurs celle qui signe Ama Gloria le Film d’ouverture, Marie Amachoukeli : celle qui co-signa Party Girl s’attache ici à peindre les liens, quasi filiaux peut-être, existant entre une petite fille de six ans et sa nounou, originaire du Cap-Vert et devant rentrer auprès de sa famille. Un long-métrage qui sortira, lui, via Pyramide Distribution. A noter que le Film de clôture, également soutenu par le même distributeur, traitera lui aussi de liens filiaux : La Fille de son père s’attachera à un géniteur ayant eu sa fille très jeune et l’ayant élevé seul, qui se trouve face à un passé qui revient et doit s’y confronter avec elle. Avec à la réalisation, Erwan Le Duc (Perdrix), et dans les rôles centraux, les magnifiques Nahuel Pérez Biscayart et Céleste Brunnquell.

Rapports entre êtres et formes risquées

Dans toute la sélection court au final un tel mélange entre formes prenant des risques et thématiques liées aux rapports entre les êtres : ainsi, l’un des films qui feront l’objet d’une Séance spéciale est Le Syndrome des amours passées. Un titre qui désigne un mal touchant le couple au centre de l’histoire, ne parvenant pas à avoir d’enfant. Il n’a qu’un seul remède : ces deux protagonistes doivent recoucher une fois avec tou.te.s leurs ex. Signé par Ann Sirot et Raphaël Balboni (Une vie démente), ce film-ci sortira distribué par KMBO. L’autre long-métrage projeté lors d’une Séance spéciale sera Vincent doit mourir, dans lequel un homme se trouvera tout à coup en fuite car poursuivi par une foule de personnes voulant le tuer. Avec à la réalisation Stéphan Castang, Capricci comme distributeur et dans le rôle central, l’immense Karim Leklou.

Enfin, les cinq autres films choisis pour concourir pour les Prix apparaissent eux aussi sur ce fil entre formes risquées et thèmes portant sur les rapports humains, parfois compliqués, par les personnes elles-mêmes ou le cadre dans lequel elles vivent. Ces longs-métrages semblent tracer des ponts entre eux, et amener une énergie globale à circuler dans la sélection. On salue à ce titre pour ce travail la Déléguée générale de la Semaine de la Critique Ava Cahen, et le Comité de sélection Longs-Métrages : Marilou Duponchel, Damien Leblanc, Olivier Pélisson, Perrine Quennesson et Frédéric Mercier.

En lice pour les Prix, Sleep (ou Jam) du sud-coréen Jason Yu s’attache à l’angoisse d’une femme lorsqu’elle découvre son mari somnambule et se met à craindre pour leur bébé. Un long qui sortira distribué par The Jokers. Le Ravissement, lui, implique aussi un enfant en bas âge : celui qu’une jeune femme tient dans ses bras alors qu’elle recroise une conquête d’un soir. Or ce bébé n’est pas le sien, mais celui d’une amie qu’elle a aidée à accoucher. Le début d’un mensonge, puis d’une spirale. Un film qui paraît emprunter quelques codes façon thriller, et est signé par la réalisatrice Iris Kaltenbäck. Il sera amené dans les salles par Diaphana Distribution, et compte pour acteurs centraux les splendides Hafsia Herzi et Alexis Manenti.

Dans Inchallah un fils (ou Inshallah Walad), une femme tout juste veuve se bat pour assurer un héritage à sa fille, dans la Jordanie actuelle. Un procédé qui serait plus simple si son enfant était un garçon. Un long-métrage d’Amjad Al Rasheed, qui sortira lui aussi distribué par Pyramide. Au sein d’Il pleut dans la maison, ce sont un frère et une sœur pas encore majeurs mais livrés à eux-mêmes qui essayent de survivre malgré leur pauvreté, durant un été de canicule. Avec à la réalisation, Paloma Sermon-Daï. Enfin, dans Levante, une fille de dix-sept ans en lice dans un championnat de volleyball essaye de réajuster son avenir : se découvrant enceinte, elle cherche à avorter illégalement mais devient la cible de fondamentalistes, dans le Brésil d’aujourd’hui. C’est la réalisatrice Lillah Halla qui dirige ce film. Un film développé par elle au sein du programme Next Step, accompagnant de jeunes cinéastes dans leur passage du court-métrage au long, via notamment un accompagnement au sein d’ateliers par des consultants internationaux.

Jury et Prix

Ne reste au jury qu’à départager ces films. Présidé cette année par la réalisatrice Audrey Diwan (L’Evénement), il est composé également de Franz Rogowski (à voir notamment dans Disco Boy comme acteur), Rui Poças – directeur de la photographie au sein des films de Miguel Gomes, Lucrecia Martel ou Ira Sachs – Kim Yutani, qui est Directrice de la programmation du Festival de Sundance, et de Meenakshi Shedde, journaliste, critique et curatrice. Eux ont pour mission de décerner Grand Prix, Prix French Touch, allant à un geste de cinéma audacieux, et Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation, couronnant une ou un interprète. A leur charge également de choisir le gagnant du Prix Découverte Leitz Cine du court-métrage. Les partenaires de la Semaine de la Critique décernent par ailleurs des distinctions eux aussi : sont remis le Prix Fondation Gan à la Diffusion, le Prix SACD et le Prix Canal+ du Court-Métrage.

L’affiche retenue pour représenter cette Semaine de 2023 arbore un motif tiré d’Aftersun. L’une des qualités de ce film, projeté pendant la Semaine de la Critique en 2022, est d’avoir par la suite trouvé son public, lorsqu’il est sorti dans les salles de cinéma. On souhaite à plusieurs des œuvres présentées cette année de connaître une telle rencontre.

La Semaine de la Critique, en 2023, se tiendra entre le 17 et le 25 mai, pendant le temps du Festival de Cannes.

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Visuel / Visuel Une : affiche de la Semaine de la Critique 2023 © Les Bons Faiseurs / Sarah Makharine / AFTERSUN © Pastel

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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