Cannes 2022, jour 5 : le festival à son acmé, avec Mungiu et Östlund
Avec le retour du roumain Cristian Mungiu en Compétition, et celui de Ruben Östlund, qui gagna la Palme d’or en 2017, ce samedi Cannes est plein comme un œuf et le festival atteint son acmé.
Par Paul Fourier, Yohan Haddad, Yaël Hirsch et Geoffrey Nabavian
Ce samedi après-midi, Cannes 2022 nous avait ménagé une belle surprise : à 14h, on s’est embarqué pour découvrir l’australien The stranger, projeté au sein d’Un certain regard. On s’est trouvé face à un film à la mise en scène formelle, portant sur des êtres occupant leurs vies à des choses formelles : la cohérence était donc parfaitement au rendez-vous. Le vertige aussi : ce récit sur un homme bizarre et impénétrable suivi par d’autres qui le soupçonnent d’avoir commis l’innommable est conduit d’une main de maître, qui le laisse aussi parfaitement respirer, malgré montage parfois frénétique et son poussé au maximum. Et, enfin, on a pu goûter un film à la photo très grise où ce choix est justifié, et ne fait donc pas mal aux yeux ! Un long-métrage réalisé par l’acteur Thomas M. Wright, servi par l’interprétation remarquable de Sean Harris, tout en barbe broussailleuse et regard sans fond, et la présence Joel Edgerton, qui porte des lunettes noires mettant bien en valeur son visage massif.
On a pu ensuite vers les 16h30 se confronter au plus en demi-teinte Frère et soeur, d’Arnaud Desplechin, au sein duquel on a goûté les scènes opposant Marion Cotillard et Melvil Poupaud, écrites et conduites comme sur un fil aérien. On a pu être moins sensible, hélas, aux autres ressorts scénaristiques entourant ces deux personnages, davantage similaires à ce dont on se souvient des autres films du cinéaste, et finissant hélas par un peu tourner à vide. Un opus qui nous a fait regretter Roubaix, Une lumière, bien plus tenu.
Östlund et Mungiu, deux morceaux de choix en compétition
À 18h et à 21h30, en salle Louis Lumière, Ruben Östlund et Cristian Mungiu présentaient leurs deux derniers opus, Triangle of sadness et R.M.N.. On s’attendait à du lourd et on n’a pas été déçu !
Quand Ethan Hawke se penche sur le couple Woodward/Newman
Vers les 18h45, il était temps de retourner vers les Cannes Classics pour une projection de deux épisodes de la série documentaire, à sortir sur la plateforme HBO Max a priori, The last movie stars. Une traversée doc auscultant la relation amoureuse et professionnelle entre Paul Newman et Joanne Woodward, tous deux engagés sur une foule de films à l’apogée de leurs carrières à Hollywood. Une série documentaire réalisée par l’excellent Ethan Hawke, là pour la présenter. Avec une forme simple, tissée avec beaucoup d’extraits de films, et de photos présentées façon diapositives ou albums de famille, ainsi qu’avec des aperçus des séances de réflexion sur Skype menées par Hawke et ses interlocuteurs, façon work-in-progress, cette série pose ses contextes rapidement et sait parcourir avec agilité des thèmes multiples, sans se perdre. Avec, se taillant la part du lion dans le premier épisode projeté, le légendaire film Luke la main froide, évoqué dans ses détails.
Semaine de la Critique et Visions sociales
Au soir, la Semaine de la Critique organisait une fête dans le parc de la médiathèque Noailles. Sur son terrain pentu, on a pu siroter ainsi par exemple un cocktail à base de très forte et bonne vodka glacée, tandis qu’une foule se pressait pour danser sur les rythmes distillés par deux DJs experts, balançant mesures groovy et chansons pop menant dans une bulle de légèreté.
C’est ce samedi soir que s’ouvrait aussi le festival Visions sociales, festival de cinéma sous l’angle des combats et des représentations de la société, au Château des Mineurs, Domaine d’Agecroft, à Mandelieu-La Napoule, en présence de Aïssa Maïga, marraine de cette 20e édition qui a présenté son film Marcher sur l’eau. De nombreux films cannois sont également à voir à Visions sociales, en libre accès. Jusqu’au 18 mai seront à rencontrer lors de cette 20e édition, parmi les invités internationaux, Xavier De Lauzanne, réalisateur de 9 jours à Raqqa, Thomas Gathy et Raphaële Taquard, Alejandro Loayza Grisi, réalisateur de Utama (Bolivie-Uruguay), Jean-Gabriel Périot, réalisateur de Retour à Reims (Fragments), Fanny Molins, réalisatrice de Atlantic Bar (notre critique ici) ou Maria de Medeiros, réalisatrice de A nos enfants.
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Visuels : © Geoffrey Nabavian