
Cannes 2022, Compétition : Les Nuits de Mashhad, thriller entre classicisme et touches marquantes
Transposant une véritable affaire criminelle survenue en Iran au début des années 2000, ce film aux ressorts scénaristiques classiques, parfois chaussé de gros sabots, se distingue par des détails frappants qui émaillent sa réalisation, son travail sur le son, son rythme, et que l’on ressent dans la durée de ses scènes et le jeu de ses interprètes.
Dans la ville de Mashhad, en Iran, un tueur en série assassine des femmes qui se prostituent. Il passe des coups de fil, à chaque fois, pour revendiquer ses actions, affirmant d’une voix nerveuse qu’il se sent investi d’une mission menée contre le vice. Une journaliste, Rahimi (interprétée par la très expressive Zar Amir Ebrahimi) vient mener une enquête sur ce cas.
Le réalisateur iranien vivant depuis longtemps au Danemark Ali Abbasi, Prix Un certain regard au Festival en 2018 pour Border, sait pimenter la forme du nouveau film qu’il livre avec des éléments qui marquent, et qui, s’ils tombent à certains moments dans le trop-plein, n’en restent pas moins souvent cohérents.
Si les ressorts scénaristiques qu’il emploie sont classiques, on aime la manière dont il traite lumières, son et scènes de terreur : les scènes de nuit sont y conduites sous un éclairage qui change peu, dans l’atmosphère des quartiers peu riches de cette ville où tout le monde court, même la nuit, tandis que, de temps à autres dans cette ambiance, l’univers sonore se trouve tout à coup amplifié. Ou alors c’est une scène violente, où les gros plans sont employés, qui vient amener sa poussée de tension. Parfois, ces effets tombent dans le grossier, mais en bien d’autres endroits, leur but apparaît de donner accès à l’intériorité des personnages, même les moins reluisants.
Ceux-ci prennent chair et corps à l’écran, le plus souvent, et n’apparaissent pas comme de simples fonctions : au premier rang à ce titre on trouve Saeed le père de famille (excellent Mehdi Bajestani). Bien que le film ait un but esthétique affiché, il se concentre surtout sur ses personnages. Du même coup, tout l’aspect engagé et politique passe par eux : lorsque l’héroïne se trouve aux prises avec un policier, qui objectivement a totalement tout pouvoir sur elle, c’est le côté très humain des personnages – renforcé par un contexte ici, dans un pays précis, l’Iran en l’occurrence – qui amène l’effroi, en premier lieu.
Pour ce qui est des scènes du jugement, à la fin, et des réactions des habitants de la ville, c’est à cet endroit la capacité du réalisateur à donner la durée parfaite à ses scènes qui fait que l’on reçoit tout, sans trop de lourdeur. Le rythme apparaît ici alerte et tout passe donc avec fluidité. Avec une dernière scène très corrosive et très universelle, qui pourrait bien valoir au film un Prix le samedi 28 mai.
Les Nuits de Mashhad sortira dans les salles de cinéma françaises le 13 juillet.
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