Cinema
[Cannes 2021, Compétition] Les Intranquilles, un drame vibrant et fin où Damien Bonnard éblouit

[Cannes 2021, Compétition] Les Intranquilles, un drame vibrant et fin où Damien Bonnard éblouit

17 July 2021 | PAR Geoffrey Nabavian

Nouveau film réalisé par Joachim Lafosse, ce portrait de famille avec père bipolaire a du souffle, de la finesse au sein de son scénario, et un Damien Bonnard éblouissant dans son rôle central.

Vivant de leurs passions respectives, au vert, et souvent visités par leurs amis, Damien, Leïla et Amine affichent l’image de la famille aimante parfaite. Quand Damien ne peint pas ses séries de tableaux, plutôt bien côtées, il cuisine sans cesse, répare motos et vélos dans le jardin pour des promenades, nage et fait du bateau avec son fils ou fait rigoler les amis de ce dernier. Mais en réalité, ces phases euphoriques sont très longues et font qu’il lui arrive de ne pas dormir, plusieurs nuits de suite. Damien est bipolaire, et il refuse de prendre son lithium pour se soigner, arguant que “tout va”.

On le sait, Joachim Lafosse sait signer des drames, avec de l’intensité et de la profondeur, lorsqu’il se confronte à des sujets durs et peu abordés en restant bien concentré sur ses personnages, en ne s’éparpillant pas. Ici, on constate qu’il n’a pas perdu la main en la matière. Son scénario gagne en force de surcroît, par le fait qu’il donne d’abord à voir une longue suite de scènes solaires – où tous s’inquiètent néanmoins, autour de Damien – avant de mettre au centre la question de l’absence de nuits de sommeil et du lithium à prendre. En conséquence, les séquences n’apparaissent pas attendues, la maladie est véritablement donnée à ressentir, et le piège de l’alternance répétitive entre scènes heureuses et tragique est évité. Lorsque Leïla se trouve face à son mari et doit réussir à faire qu’il prenne son médicament, la séquence n’en a que plus de force dramatique : l’horreur du problème est tout à coup donnée à voir frontalement, et en résulte un bel effet de contraste. Une impression qui monte en puissance le lendemain, lors de la très longue scène de panique intervenant alors que Damien prend le volant, scène dont la durée s’oppose aux séquences courtes et solaires du début. Scène qui laisse bouleversé.

Un tel rôle devait être servi par un acteur d’exception : Damien Bonnard se montre à ce titre immense, totalement habité. Il traverse toute la palette d’émotions qu’un tel personnage nécessite, sans rien forcer. Face à lui, Leïla Bekhti émeut souvent, et l’on est heureux de retrouver Patrick Descamps, si naturel, dans un rôle de père âgé lui aussi dépassé par son fils malade. Faisant naître une émotion absolument pas forcée, le film dégage au final une belle humanité, et de la finesse, qui se manifeste notamment dans les scènes de bonheur du début, lorsqu’un détail soudain vient inquiéter et troubler le climat joyeux qui se déploie à l’écran.

Les Intranquilles est présenté au Festival de Cannes 2021, en Compétition pour la Palme d’or. Il sortira dans les salles de cinéma françaises le 6 octobre, distribué par Les Films du Losange.

Retrouvez tous les films du Festival dans notre dossier Cannes 2021

*

Visuel : © Les Films du Losange

[Cannes 2021, Compétition] Nitram, drame nébuleux signé Justin Kurzel
Le Lavoir Numérique, le nouveau lieu culturel de Gentilly
Avatar photo
Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration