Cinema
Cannes 2019, sélection officielle : « Once upon a time … in Hollywood » de Quentin Tarantino : entre frénésie et ennui

Cannes 2019, sélection officielle : « Once upon a time … in Hollywood » de Quentin Tarantino : entre frénésie et ennui

23 May 2019 | PAR Paul Fourier

L’arrivée du cinéaste américain et de ses acteurs a déclenché mardi soir une hystérie des grands jours. Mais, le film est une belle déception.

Quentin Tarantino aime faire des films sur le cinéma et jouer de ce monde où l’artifice est la clé des plus belles créations. Il nous plonge cette fois dans le Hollywood des années 60, ses plateaux de tournage, ses stars, ses westerns, ses séries débiles et ses films de série Z. Presque comme un documentariste, il décrit, par le menu, cet univers impitoyable dans lequel évoluent deux pauvres diables et des personnages au faîte ou à l’orée de la gloire comme Steve Mc Queen ou Sharon Tate, femme du réalisateur Roman Polanski. Il montre également la fin d’un monde cinématographique où des gentils et des méchants grotesques s’affrontent à grands coups de courses poursuites et de face-a-faces virils.

Nous convier à suivre les pérégrinations et tournages de Rick Dalton et de son compagnon Cliff Booth est un plaisir primaire que l’on goûte d’autant plus goulûment que ces deux ont les traits de Leonardo di Caprio et de Brad Pitt. Caméléon dépressif pour l’un, (très) beau mâle qui gère virilement les questions d’intendance pour l’autre, on retrouve avec jubilation les deux stars en caricatures d’elles-mêmes. On se régale de la scène fondatrice et savoureuse dans laquelle Al Pacino (géant de cabotinage) en agent rompu explique à Dalton son sort de méchant maudit et planifie de l’envoyer faire des westerns spaghetti. On constatera plus tard que savoir jouer d’un lance-flamme pour carboniser d’autres méchants peut présenter des avantages non négligeables qui vous ouvrent la porte des vraies stars.

On savoure aussi la scène où Sharon Tate, plus starlette bêtasse que star glamour semble apprécier au premier degré son propre film et les réactions des spectateurs.
Pour autant, si le récit de leurs aventures s’avère souvent drôle, offrant notamment des petites pépites de tournage, il devient laborieux sur la longueur et l’ennui finit par nous saisir. Car, on a du mal à comprendre où nous emmène le réalisateur comme si lui même hésitait, pour nourrir la fin qu’il a concoctée, entre deux récits et deux mondes dont celui des hippies qui forment la secte de Charles Manson. Ce faisant, décrire n’est pas raconter et une série de saynètes si brillantes soient-elles ne suffit pas à faire un film qui vous passionne.
La vacuité, le bavardage, Tarantino savait, par le passé, les détourner en les parant d’étincelles grâce à une mise en scène éblouissante.

Cette fois-ci, on ne peut pas se raccrocher aux interminables dialogues ou aux scènes virtuoses, marques de fabrique du réalisateur. Seule la visite dans le ranch occupé par les hippies, transformé en beau moment de suspense, éveille un moment notre œil de cinéphile.

Et, il y enfin cette conclusion où la réalité rejoint la fiction mais où la fiction triche avec la réalité (et que la production a demandé de ne pas spoiler). On se pliera à cette injonction mais cela semble un peu vain lorsqu’il s’agit de montrer que les minables ont des pouvoirs magiques pour changer la fin des choses. Et, lorsque Tarantino, à l’instar de ce qu’il faisait dans Inglorious Bastards, réécrit l’histoire en triturant le fait divers horrible de l’assassinat de Sharon Tate par Charles Manson et sa bande, on reste perplexe sur son propos et ses motivations.
Ce film joue des interférences entre le cinéma et la vraie vie, propose des beaux moments de plaisir mais n’apporte rien de nouveau ni de jubilatoire. Quand Tarantino commence à s’encalminer dans ses propres procédés, on se demande s’il n’est pas lui même atteint du mal de Rick Dalton, ce cabotin qui peine à évoluer et se satisfait des compliments énamourés d’une petite fille conquise par la virtuosité.

“Once upon a time in Hollywood”, de Quentin Tarantino, avec Leonardo di Caprio, Brad Pitt, Dakota Fanning, Margot Robbie, USA, sortie française le 14 août 2019.

visuels : photo officielle (c) Sony Pictures France

“Rêves de jeunesse”, Estelle Meyer, Yoann Zimmer et Salomé Richard nous parlent du film qui a ouvert l’ACID
Cannes 2019 : “Yves” clôture la Quinzaine des réalisateurs avec un humour doux-amer
Paul Fourier

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration