Cinema
Arras Film Festival : “Day 2” Leto et Funan marquent les esprits

Arras Film Festival : “Day 2” Leto et Funan marquent les esprits

06 November 2018 | PAR Hugo Saadi

Il y a certain Lundi qui sont moins difficiles que d’autres. À l’image de ce lundi 5 novembre qui marquait notre second jour au festival du film d’Arras. Au programme : deux films passés à Cannes, un film d’animation sur les khmers rouges et une comédie grinçante sur l’Italie actuelle. On vous raconte.

C’est sous un ciel radieux que nous nous rendons à la première projection du jour dans la section Cinéma du Monde pour découvrir le nouveau film de Jia Zhangke présenté au dernier festival de Cannes : Les éternels. Le réalisateur chinois reste fidèle à son cinéma et continue de traiter la Chine en pleine mutation économique à travers le destin de plusieurs personnages qui s’étire comme une fresque romanesque sur de nombreuses années. On y retrouve en personnage central, Zhao Tao, sa muse (et accessoirement sa femme), qui ne quitte quasiment jamais l’écran. Elle interprète le rôle de Qiao, la petite amie de Bin, chef de la pègre locale, prête à tout pour lui, y compris prendre sa défense lors d’une attaque par une bande rivale en tirant des coups de feu en pleine rue. Résultat : elle est emprisonné pendant 5 ans, et à sa sortie, les choses ont bien changé. Jia Zhangke étale cette histoire d’amour de 2001 à 2018 en prenant bien soin de mettre en avant la modernisation de l’économie chinoise. Comme avec A Touch of Sin ou Mountains may Depart, il dépeint de façon très réaliste et passionnante cette mutation tout en flirtant avec le film noir. Celui-ci est assez froid et bien que l’histoire aux diverses ramifications se suit avec envie, on reste cependant un peu sur notre faim. À voir au cinéma le 13 février 2019

Autre film cannois découvert à Arras dans la section « Visions de l’Est », Leto (L’été en russe) de Kirill Serebrennikov. Il nous compte le parcours de Viktor Tsoï, chanteur d’un groupe new wave et idole des jeunes dans la Russie de Brejnev. Serebrennikov ne fait pas un biopic à proprement parler, et heureusement. Effectivement, il ne le met pas au premier plan, mais au second, dans l’aile de Mike Naumeko, un autre chanteur plus méconnu, leader d’un groupe de musique underground à Leningrad. Pendant plus de deux heures, le spectateur est embarqué au sein de ce groupe aux influences rock anglais et américain. Iggy Pop, David Bowie, Bob Dylan, les Stones, les Beatles, cette jeunesse russe n’a d’yeux que pour eux. Et souvent, durant le film, on oublie qu’il se passe en pleine Russie des années 1980, période de la pérestroïka. On se croirait en Angleterre, mais quelques éléments nous rappellent à l’ordre (la censure, l’interdiction de danser ni crier pendant les concerts, les événements à la télé, la radio). Le réalisateur russe calibre parfaitement son film à l’énergie débordante. Une énergie amoureuse, liée à la jeunesse, à l’envie de liberté et à la musique. Un film qui respire également l’ingéniosité. Serebrennikov s’autorise des coups de maître en terme de réalisation. Si le film est en noir & blanc, quelques passages vont se coloriser, souvent en lien avec la musique, mais surtout il intègre dans son intrigue un narrateur qui va casser le 4ème mur et montrer ce qu’aurait été le punk russe si ces jeunes avaient eu la liberté de s’exprimer. Que ce soit dans un train ou un bus, les voilà qui se mettent à chanter Psycho Killer ou The Passenger avec en bonus des incrustations animées qui étonnent et surprennent. Une chronique vibrante et un film sur la liberté donc. Un paradoxe sachant que le réalisateur est assigné à résidence depuis deux ans… Sortie le 5 décembre prochain.

Après une pause repas méritée sous le chapiteau du festival, place à Funan, un film d’animation de Denis Do. Une histoire personnelle mise en scène par le français qui raconte le périple de sa famille au moment de la prise de pouvoir des Khmers rouge au Cambodge dans les années 1970. Funan ne se focalise pas spécialement sur la révolution, mais celle-ci sert de contexte. Denis Do a voulu mettre l’accent sur son côté humain. On découvre donc sa famille, une famille séparée, endeuillée et contrainte au travail forcé comme la plupart des habitants de la région. Le film aux traits doux et remplis de réalisme offre une palette de personnages assez large. Car si Funan est avant tout centré sur l’histoire de Chou, jeune mère séparée de son fils de 4 ans et prête à tout pour le retrouver, c’est toute la famille qui est dépeinte, de la grand mère qui doit s’occuper du jeune garçon au cousin éloigné qui a rejoint les rangs révolutionnaires en passant par la nièce confrontée au désir d’un officier gradé. Denis Do se focalise sur la famille, seul espoir pour tenir et espérer à un destin meilleur, mais il souligne également l’humanité de certains khmers. Un premier film touchant grâce à une histoire émouvante et une animation réaliste, sans oublier de mentionner un casting de voix bien senti (Louis Garrel, Bérénice Béjo). Il faudra patienter jusqu’au 13 mars pour découvrir Funan, déjà récompensé au festival du film d’animation d’Annecy.

Enfin, nous avons terminé la journée sur une note un peu plus drôle avec Sono Tornato, Je suis de retour de Luca Miniero. Un humour noir puisqu’il ne s’agit pas du retour de n’importe quel personnage historique, celui de Benito Mussolini dans la capitale romaine actuelle. Si l’idée avait déjà été pensée avec Hitler dans un autre film, ici Miniero cherche à questionner la conscience politique des italiens et il livre une comédie politiquement incorrect. 80 ans après sa mort, le voilà donc de nouveau à arpenter Rome. S’il attirent les regards, dans un premier temps tout le monde pense à un comédien, y compris Andrea Canaletti, un jeune réalisateur qui décide de tourner un documentaire sur le dictateur. À travers, la télévision et les réseaux sociaux, le Duce redevient populaire et pense déjà à reconquérir le pays. Sono Tornato montre avec humour la montée de l’extrémisme dans le pays et dans le reste du monde également. Si le propos peut parfois devenir un peu grossier, c’est principalement pour faire réfléchir. Heureusement, le film met en avant les horreurs de Mussolini, bien que celles-ci soient trop souvent reléguées au dernier rang. Enfin, le film pointe du doigt la société, mais également l’extrémisme de la population qui a été à certains moments filmée en caméra cachée. Si les visages sont dissimulés, les signes fascistes sont bien visibles à l’écran. Glaçant.

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Hugo Saadi

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