Cinema
A l’Étrange Festival 2017, “Les Garçons sauvages” : un sommet de bizarrerie, une question de goût

A l’Étrange Festival 2017, “Les Garçons sauvages” : un sommet de bizarrerie, une question de goût

10 September 2017 | PAR Geoffrey Nabavian

Ce premier long-métrage de Bertrand Mandico, connu pour ses courts par les cinéphiles amateurs d’étrangetés, se distingue, clairement, par son esthétique hors des normes. Son scénario façon récit d’aventure sur mer, ses actrices déguisées en garçons, ses visions troublantes, aboutissent à un climat fantasmatique qui transporte littéralement certains spectateurs. Mais aussi, à une mise en perspective sur les sexes, qui en stimule d’autres… A revoir le vendredi 15 septembre à L’Étrange Festival 2017, 23e édition d’un événement qu’on est ravis de retrouver, année après année

[rating=3]

36398-les_garcons_sauvagesDans ce livre d’images très original, très avant-gardiste, que constitue Les Garçons sauvages, un noir et blanc splendide côtoie des filtres bigarrés. Le récit du film, plutôt aisé à suivre, lance les spectateurs à la suite de cinq jeunes gars aux allures de voyous début vingtième siècle, emmenés en voyage de correction sur la mer par un capitaine vêtu de cuir vers une île toute de sensualité. Cinq garçons joués par des femmes, des actrices magnifiques, qu’on a envie de féliciter : Vimala Pons, Pauline Lorillard, Mathilde Warnier, Diane Rouxel .et Anaël Snoek. La maîtrise technique du film laisse admiratif. Tout comme son rythme, prenant, et supporté par une voix-off intrigante, ses essais de forme, et son côté risque-tout. Le talentueux Bertrand Mandico, bien connu des cinéphiles amateurs d’imaginaires avant-gardistes, a son univers, et sait le traduire avec maestria.

Au sein de ces visions, tout est très sexualisé, érotisé. A terre, les garçons du titre se permettent d’être vilains, avec leur professeure de lettres. Une cour les punit. Le capitaine qui les visite leur amène des « fruits poilus », pour les enjoindre à partir en mer avec lui. Sur le bateau – étonnant décor – il leur passe des cordes au cou, et les tire comme il l’entend. Sur l’île où ils débarqueront, la végétation sera vivante, et des fluides couleront. Très vite, au sein de l’œuvre, un climat fantasmatique s’installe, que d’aucuns trouveront très beau. Les fantômes d’Un chant d’amour, film signé Jean Genet, ou de Querelle, adapté par Rainer Werner Fassbinder, se manifestent. Oups, on va comparer, ça nous vient en tête pendant le film. Mais ce sera pour ouvrir des perspectives : côté fond, certains peuvent préférer l’art d’un Derek Jarman, aux outrances plus élégantes et moins soulignées (quoiqu’un peu vieillies), d’un John Waters, pour son humour plus direct (quoiqu’un peu vieilli)… ou tout simplement, d’un Antony Hickling, signataire du grand film de L’Étrange Festival 2016, le magnifique Where horses go to die, qui donnait à voir sur l’écran des identités réelles, tirées d’une réalité crue, avant de rêver sur elles. La chair, pudique, y précédait le rêve.

Sauf que, dans les alentours de la fin, une dimension très intéressante se fait jour dans ces Garçons…, lorsque les cinq gars commencent, au sein de l’île, à devenir des femmesUne réflexion sur le sexe que l’on porte, et que l’on doit faire advenir, s’ouvre. Et la dernière phrase, le dernier « conseil », résonne fort : « mesdemoiselles, ne soyez jamais vulgaires ». Envoûté, avant toute chose, par le grand mystère des cinq principales interprètes, on sort stimulé, aussi, par cette dernière partie. Et par la divinité de l’île qui apparaît au grand jour, et qu’incarne avec fougue une grande performeuse, présente au sein de toutes les aventures avant-gardistes, la belle Elina Löwensohn.

A L’Etrange Festival 2017, qui se tient au Forum des images à Paris jusqu’au 17 septembre, Les Garçons sauvages repasse le vendredi 15 septembre à 19h15. Étrange Festival 2017, qui constitue la 23e édition de la manifestation.

Les Garçons sauvages, un film de Bertrand Mandico. Avec Vimala Pons, Pauline Lorillard, Diane Rouxel, Mathilde Warnier, Anaël Snoek, Sam Louwyck, Elina Löwensohn. Sortie prévue pour février 2018. Interdit aux moins de 16 ans. Durée : 1h47.

Visuel : © UFO Distribution

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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