
A l’Arras Film Festival, le formidable “Pupille” en avant-première
Le nouveau film de Jeanne Herry (Elle l’adore) a dévoilé ses éblouissantes qualités, et sa force, au public de l’Arras Film Festival 2018, au sein d’une salle absolument comble. Sa réalisation, ses acteurs et les thèmes qu’il porte font de lui un immanquable de la fin d’année, à la fois émouvant et plein de finesse et de justesse.
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L’itinéraire d’un bébé né sous X, confié à l’adoption en tant que “pupille de la Nation”, et entouré par des travailleurs chargés de l’aider à s’éveiller au mieux, et de lui trouver une famille : un thème dur à traiter, que ce nouveau film de Jeanne Herry empoigne avec grâce et intelligence. La finesse de Pupille réside avant tout dans sa réalisation : sa structure éclatée, chorale, vise à accorder une place égale à tous les personnages, peints au fil de scènes longues, qui prennent bien leur temps, et donnent autant à toucher du doigt des métiers et leurs enjeux, qu’à rencontrer des humanités.
Si le film interpelle, grâce aux situations qu’il décrit, il n’en demeure pas moins aussi doté d’un vrai scénario, qui avance au fil de scènes très bien écrites. Ce qui lui permet de toucher, en évitant tout pathos.
Scènes de vie et magnifiques acteurs
On reste marqué par ces séquences qui peignent, longuement, des taches ardues, ou des instants plus calmes, avec la même force : une jeune femme nouvellement mère (Leïla Muse, superbe) qui rencontre l’assistante sociale chargée de l’accompagner dans son choix à venir (Clotilde Mollet, à la fois toute ouïe et au garde-à-vous), la relation qui se tisse – mais doit finir un jour – entre le bébé confié à l’adoption et le travailleur qui l’accueille chez lui (Gilles Lellouche, très juste et très touchant), ou les dialogues entre une femme désireuse d’adopter (Elodie Bouchez, fragile et magnifique), à différents âges de son existence, et la conseillère chargée de mener cette démarche (Olivia Côte, intense), sont autant de grands moments.
Ces scènes sont incarnées par des interprètes tous chargés à bloc, qui semblent parfois plongés dans un état entre naturalisme cru, et tragique. On pense aussi à Sandrine Kiberlain, splendidement naturelle, à Julie Recoing, à la finesse de jeu toujours admirable, à Youssef Hajdi, tout en force, aux excellents Miou-Miou, Stéfi Celma, Thibault Vinçon, Servane Ducorps (tous deux dans une séquence triste et marquante) ou Amaury de Crayencour (au coeur de scènes un peu burlesques et très belles), ou encore à Jean-François Stévenin, qu’on retrouve, toujours aussi brillant, le temps d’une séquence. Sans oublier tous les bébés, touchants, qui incarnent le petit Théo, au centre de l’histoire. Tous composent un monde parfois très beau, parfois plus triste : le nôtre.
Maîtrisé et juste, Pupille parvient, grâce à tous les talents qu’il convoque, à rendre un magnifique hommage à ces métiers pas si connus, à toutes ces personnes qui entourent des enfants en difficulté, et tâchent de les mener vers le bonheur. Et le film fait fort bien sentir le temps que tout cela prend, et la dureté de ce travail, qui en vaut la peine. On souhaite à Pupille un succès en salles.
Pupille sortira dans les salles françaises le 5 décembre.
L’Arras Film Festival 2018 se poursuit jusqu’au 11 novembre, jour où les prix de sa Compétition Européenne seront remis. Infos et réservations : https://bit.ly/2e8uwYB
Visuels : © StudioCanal