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“Residue”, lutter pour sa communauté

“Residue”, lutter pour sa communauté

05 January 2022 | PAR Lucine Bastard-Rosset

Residue n’est pas un film fait pour passer inaperçu. Residue est un film résolument basé sur une volonté de montrer, de mettre au premier plan ce qui est trop souvent laissé de côté. Pour répondre à un des questionnements de son réalisateur Merawi Gerima, Residue est un film qui peut avoir de l’écho en dehors de Washington D.C., qui sera vu par des Noirs mais aussi par des Blancs.

Un premier long-métrage, un témoignage

En réalisant son premier long métrage, Merawi Gerima se place dans la lignée de ses parents, le célèbre cinéaste éthiopien Haile Gerima et la réalisatrice Shirikiana Aina. Tout deux ont fait partie du “L.A Rebellion”, un mouvement cinématographique constitué de réalisateurs afro-américains déterminés à proposer un cinéma noir de qualité dans un pays où le racisme règne.

Tout comme eux, Merawi Gerima témoigne du monde qu’il a connu et qui a marqué son enfance. Son récit se base sur un quartier de Washington D.C. que retrouve Jay (incarné par Obi Nwachukwu) après une longue absence. Ce quartier renvoie immanquablement au lieu où Gerima a passé son enfance et qu’il a également dû quitter à la suite d’un déménagement.

Finalement, parler d’un quartier est un moyen pour Gerima de parler d’une communauté noire qui doit faire face aux “colonisateurs blancs”. A travers son film, il témoigne de cette population qui tente coûte que coûte de se faire une place mais qui se retrouve malgré tout confronté à l’ethnocentrisme blanc. Residue est pour Gerima “un témoignage de l’existence de sa communauté pour survivre aux ravages du déplacement des suprémacistes blancs”.

Une lutte perpétuelle

“Tu as apporté la seule arme que tu avais : une caméra”. Ce sont sur ces paroles que le film débute. Des paroles qui marquent cette volonté de lutter, de ne pas se faire écraser. Le personnage de Jay incarne cette lutte, il est cette personne qui revient sur son lieu de naissance une fois qu’il a les bonnes armes en main. Jay est un émissaire, tout comme l’est Gerima.

En réalisant son film, Gerima se donne pour mission de lutter par l’intermédiaire de l’art contre une société occidentale qui noie les cultures qui ne lui correspondent pas. Dès les premières images on ressent sa volonté de produire un film en marge, qui sort des normes cinématographiques classiques. L’image est floue, le son prédomine de façon anormale, la caméra est souvent portée à l’épaule et en mouvement. Rien n’est dans les normes, pas même l’histoire qui ne se trouve pas au centre du film. Certes, on suit un personnage qui n’arrive pas à trouver sa place : à la fois rejetant les Blancs et rejeté par les siens. Mais en même temps les péripéties n’existent pas vraiment. Gerima ne cherche-t-il pas plutôt à montrer, à s’exprimer, qu’à raconter ?

Par les choix de mise scène, la lutte que vivent les personnages est mise au premier plan. La violence des situations est surlignée par un traitement sonore et visuel osé. Dans chaque séquence, chaque plan, des éléments perturbent le regard ou l’ouïe du spectateur. Parfois c’est un mouvement de caméra. Parfois c’est un son, un bruit qui prend le pas sur l’image. Parfois c’est le choix du cadrage qui enferme les visages par des gros plans, qui fait suffoquer car il n’est pas possible d’y échapper. Aucun repos n’est envisageable pour les personnages comme pour celui qui regarde.

Dans les résidus réside la vie

Le titre du film suffit en lui-même pour exprimer la volonté de son réalisateur. Les résidus sont toutes ces petites choses que doivent laisser les Noirs derrière eux lorsqu’ils font fasse aux difficultés de leur vie, lorsqu’ils sont poussés à quitter leur lieu de résidence. Elles portent une valeur symbolique et témoignent de la vie de ces communautés.

Aller voir Residue, c’est aller voir un film engagé, un film qui laisse la place aux Noirs de D.C qui ne sont pratiquement jamais représentés à l’écran. Residue est aussi un film qui se détache des habitudes cinématographiques et qui propose un traitement graphique et sonore tout à fait singulier.

“Je voudrais que mon public sache que c’est normal d’être en colère.” Merawi Gerima

Visuel : Affiche

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Lucine Bastard-Rosset
Après avoir étudié et pratiqué la danse et le théâtre au lycée, Lucine a réalisé une licence de cinéma à la Sorbonne. Elle s'est tournée vers le journalisme culturel en début d'année 2022. Elle écrit à la fois sur le théâtre, la musique, le cinéma, la danse et les expositions. Contact : [email protected] Actuellement, Lucine réalise un service civique auprès de la compagnie de danse KeatBeck à Paris. Son objectif : transmettre l'art à un public large et varié.

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