PIFFF : Journée du 10 décembre : Une grossesse, un hôpital psychiatrique et la fin des années 90

Deuxième jour pour nous pour couvrir le Paris International Film Fantastic Festival, qui se tient du 6 au 12 décembre 2022 au cinéma Max Linder Panorama. La journée de samedi nous a permis de voir deux films en compétition, et un hors compétition.

On sent que la jeune réalisatrice Michelle Garza Cervera est angoissée par l’accouchement et les responsabilités d’être mère, c’est peu dire. Trois ans d’écriture et treize différentes versions d’un seul et même scénario auront permis à Huesera de naître. Huesera, qui peut être traduit par « ossuaire » ou « celui qui s’occupe des os », se penche sur le cas de Valeria, jeune Mexicaine qui fait tout correctement avec son copain pour devenir mère. Mais une fois le processus enclenché, Valeria ne cesse d’avoir des hallucinations, de se sentir oppressée par la tâche qui lui incombe et de faire craquer ses os. Le film de Michelle Garza Cervera se concentre sur l’injonction à être mère et sur toutes les responsabilités qui en découlent, notamment puisque Valeria a longtemps vécu en marge du système (la réalisatrice revendique clairement l’influence de King Kong Théorie de notre Virginie Despentes nationale !). Servi par une belle photo, Huesera navigue en terrain connu, le spectateur arrivant à déceler plusieurs influences, notamment Rosemary’s Baby ou la body horror cronenbergienne. Vous n’entendrez plus craquer un corps de la même manière.

Le deuxième film de la compétition, Fixation, se révèle solide sur ses appuis (désolé nous étions obligés). Le jeune Dora est retenue en hôpital psychiatrique. Problème : elle ne sait pas depuis combien de temps, ni pourquoi. Au fur et à mesure que les tests physiques et psychologiques s’enchaînent, Dora en vient à douter : est-elle retenue ici pour une bonne raison ? Et le bâtiment dans lequel elle se trouve  est-il vraiment un hôpital psychiatrique ? Deuxième long métrage d’une réalisatrice remarquée pour son Spoonful of Sugar, Fixation croit fermement en son scénario à la Shutter Island, et y va à toute allure. On pourrait même rajouter qu’il y a quelque chose de La Belle époque de Nicolas Bedos, dans le fait de croire que revivre une expérience passée va déclencher un choc émotionnel. Si le film n’est pas exempt de défauts (une caméra qui tourne trop facilement autour de ses personnages, une couleur de photographie qui rappelle certains filtres Instagram), Fixation arrive à nous tenir par la main du début à la fin, grâce à une ambiance pesante et une actrice principale, Maddie Hasson, convaincante.

Le dernier film de la journée (après, dodo !) nous a totalement réjoui par son côté bric-à-brac. Produit par la plateforme de films d’horreur Shudder (l’équivalent outre-Atlantique de Shadowz), V/H/S/99 rejoint l’aventure de la série V/H/S qui devra compter d’ici quelques années 6 films, 2 spin-offs et une série. La recette ? Des longs-métrages qui se présentent sous la forme d’anthologies horrifiques, l’occasion de repérer certains réalisateurs montants dans le domaine du genre (David Bruckner et Ti West sont passés par l’ « école V/H/S »). Après un V/H/S Viral bien raté, ce nouvel opus renoue avec la tradition horrifique des précédents V/H/S, notamment en offrant une belle galerie de monstres (gorgone, fantôme d’une étudiante décédée, mortes-vivantes à peine rescapées d’un groupe de rock punk…). On a particulièrement été effrayé par les deuxième et troisième segments : le deuxième s’intéressant à une jeune fille qui se fait enterrer vivante pour rejoindre une sororité d’université, tandis que le troisième se concentre sur une famille vengeresse de la jambe cassée de leur fille lors du passage à une émission de télévision débile. V/H/S/99 a un côté bricolage totalement assumé, qui rend d’autant plus le film attachant et réaliste.

Huesera de Michelle Garza Cervera, Mexique/Pérou, 2022, 1h37
Fixation de Mercedes Bryce Morgan, Canada/Etats-Unis/Allemagne, 2022, 1h39
V/H/S/99 de Maggie Levin, Johannes Roberts, Flying Lotus, Tyler MacIntyre, Vanessa et Joseph Winter, Etats-Unis, 2022, 1h49

Illustration : Image du film V/H/S/99