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[Critique] “Fritz Bauer, un héros allemand” dans la caméra de Lars Kraume

[Critique] “Fritz Bauer, un héros allemand” dans la caméra de Lars Kraume

03 April 2016 | PAR Yaël Hirsch

Après le Labyrinthe du silence, c’est le deuxième film allemand de l’année à se pencher sur un personnage tout à fait fascinant de l’histoire de l’Allemagne du 20e siècle, Fritz Bauer. Vu à travers la caméra de Lars Kraume (le réalisateur de Tatort), Fritz Bauer est non seulement celui qui a lutté pour que les “procès d’Auschwitz” viennent parachever dans les années 1960 une justice que Nuremberg n’avait que partiellement rendue, mais également un anticonformiste et un  marginal en habit bourgeois. Un film d’atmosphère présenté cet été à Locarno et qui sort en salles en France le 13 avril 2016.

[rating=3]

Francfort, 1957. Le procureur général de Hesse, Fritz Bauer (excellent Burghart Klaussner qu’on a vu notamment dans Un héros ordinaire) se bat pour que les enquêtes menées sur d’anciens officiers nazis avancent et puissent aboutir sur des procès très attendus. Sauf qu’il est un peu seul dans a tâche , dans un pays qui préférerait garder ses nazis en poste, oublier le passé et vivre pleinement le miracle économique. Il faut dire qu’en tant que juif, Bauer a quitté l’Allemagne pour le Danemark pendant la guerre et qu’il a choisi de revenir au pays avec en tête une mission de justicier.

Lorsqu’il apprend qu’on aurait retrouvé Eichmann en Argentine, il comprend vite que les autorités supérieures l’arrêteront dans son enquête, et que même les Etats-Unis préféreraient qu’on oublie l’ancien responsable de la Solution Finale. Il se décide donc à rencontrer secrètement le Mossad, en espérant que l’Etats Israélien ira jusqu’au bout de l’enquête. Espérant que le procès se fera en Allemagne, il risque ce faisant d’être accusé de haute trahison. Et les services secrets israélien lui demandent de citer ua moins deux sources avant de suivre sa piste… Heureusement, Fritz Bauer n’est pas totalement seul dans sa quête puisque le jeune juriste Karl Angermann (interprété par l’incontournable acteur allemand Ronald Zehrfeld) le suit. Il se peut que ces deux hommes de justice aient aussi en commun une marginalité mal vue dans la société bourgeoise allemande des années 1950 …

Se concentrant sur la traque de Eichmann, vue par Bauer depuis l’Allemagne, le film de Lars Kraume parvient à instaurer une atmosphère digne de Mad Men. Costumes et intérieurs sont très étudiés et font un parfait effet empesé et bourgeois. Le dialogue et la lutte pour la justice se font à demi-mot tandis que ce qui se dit est très politiquement correct et étroit. Un film qui dresse une photographie étouffante de l’Allemagne de la fin du début des années 1950 et du début des années 1960 et qui, à sa manière très posée et marquée, est le digne héritier de la critique à la Fassbinder d’une société gangrenée par 20 ans de totalitarisme et un culte du paraître que le miracle économique ne fait qu’amplifier.

Fritz Bauer, un héros allemand de Lars Kraume, dialogues : Lars Kraume et Olivier Guez, avec Burghart Klaussner, Ronald Zehrfeld, Allemagne, 1h46, arp seletion. Sortie le 13 avril 2016.
visuels : photos officielles du film.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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