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[Reprise] “Jubilee” poème élégiaque de Derek Jarman

[Reprise] “Jubilee” poème élégiaque de Derek Jarman

25 June 2017 | PAR Olivia Leboyer

jubilee

Ce mois-ci, Malavida réédite 4 films du cinéaste anglais Derek Jarman, qui ressortent en salles : Sebastiane, Jubilee, La Tempête et The last of England. D’une violence douce, presque élégiaque, ces films nous apparaissent comme des méditations lancinantes sur l’amour et la mort. A découvrir depuis mercredi 21 en salles.

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Jubilee se présente comme un poème urbain, un peu épique, mais plein de réserve et de mystère. Une petite ville anglaise grise et triste, où les âmes errantes se cherchent au fil de discussions abruptes sur la politique, l’amour et l’art. Rien de pédant dans ce déroulement tranquille d’images syncopées, au rythme punk-cool d’une tristesse tenace. « Moi ; je préférerais un monde mort, c’est quand même plus propre » lance l’un des personnages. « Il n’y a que les prisons qui ouvrent la nuit, dans ce pays ». Les fenêtres sont rares, dans ce climat étouffant où un petit groupe ressasse ses obsessions, politiques et sexuelles, avec un dédain marqué pour le progrès et tout ce qui va avec. Les sentiments et les espoirs ont déserté, sauf pour ceux qui se lovent dans un cocon rassurant, comme les deux frères-amants Angel et Sphinx.

Derek Jarman capte, en super 8, des images d’un rouge désolé, pour imprimer dans notre rétine la perte du sens. « L’armée, c’était une arnaque. Ça servait à lutter contre le chômage avant qu’ils abandonnent. On y mourait plus de cirrhose que par balles », ou « Dommage que le socialisme et la liberté n’aient pas été compatibles » martèle un type qui cultive des coquelicots dans une minuscule arrière-cour. Rentranchés, attristés, les figures se croisent et se répondent sans se comprendre. Derek Jarman introduit toujours, d’un film à l’autre, des références à Shakespeare, qui a pratiqué l’art du collage bien avant tout le monde, Derek Jarman ou Godard. “On pourrait penser que Richard III est méchant, mais c’est faux” affirme-t-on, et l’on imagine bien Lars Eidinger balader sa longue silhouette chez Jarman, entre deux anges morts et une reine Elizabeth mélancolique, qui se soigne à la célandine. Ici, on s’interroge « Voir ou ne pas voir », et si l’esprit n’est plus qu’un collage terni, un être aux yeux d’or danse malgré tout autour du silence. Pour défier les lois de la gravité et nous adresser un dernier signe.

Jubilee, de Derek Jarman, Royaume-Uni, 1977, 1h57, avec Jenny Runacare, Ian Charleson, Karl Johnson, Toyah Wilcox, Adam Ant. Sortie le 21 avril 2017.

visuels: affiche et photo officielles du film.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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