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“Ema” : la sublime folie de Pablo Larraín

“Ema” : la sublime folie de Pablo Larraín

02 September 2020 | PAR Alice Martinot-Lagarde

Après deux biopics, le réalisateur chilien Pablo Larraín est de retour avec Ema, un drame puissant autour d’une jeune femme traumatisée par une adoption qui a mal tournée. Un film troublant à la photographie sublime qui prend par les tripes, sélectionné à la Mostra de Venise 2019.

Ema est très jeune lorsqu’elle se marie avec Gastón, le chorégraphe qui dirige sa troupe de danse. Apprenant qu’il est stérile, ils décident d’adopter un petit garçon, Polo. Son comportement devient vite violent et la famille n’arrive pas à trouver son équilibre. La situation tourne mal et ils se voient obligés de se séparer de l’enfant qui devra trouver de nouveaux parents. Ce sont de ces blessures dont souhaitait parler Pablo Larraín, ces adoptions “ratée” qui marquent à jamais les corps et les esprits de ceux qui sont passés par là. 

Le spectateur débarque alors que tout est déjà détruit, la famille a éclaté, si on peut supposer qu’elle ait réellement existé momentanément. Ema est perdue, prise dans sa colère et sa culpabilité qui l’amènent à vouloir se venger. Elle élabore donc un plan, une folie. L’imbrication des scènes dans un ordre qui ne suit pas la chronologie de l’histoire ne nous permet pas, dans un premier temps, d’en comprendre tout à fait les ressorts. Puis, au fur et à mesure que la tension monte, animée par une musique semblable à un rythme cardiaque qui s’envole, les pièces du puzzle se forment et l’on comprend que la jeune femme est entrée dans une logique autodestructrice et vengeresse. 

Attention, rien d’ostensiblement violent, tout y est subtil et sublime d’émotions, en particulier dans les plans face caméra qui plongent dans l’intimité de ce couple avec une troublante intensité. Mais ne vous attendez pas à une histoire d’amour, ici c’est elle le cœur de l’histoire. Mariana Di Girolamo incarne Ema avec magnétisme et révèle une incroyable présence à l’écran. À la fois manipulatrice et terriblement sincère, elle est un personnage déroutant avec son air tout aussi candide que provocateur dont on ne peut détourner les yeux. Elle joue littéralement avec le feu, dans lequel on y voit sa douleur et sa sensualité, tout autant qu’on y retrouve la même folie pyromane que son fils. 

Une photographie magnifique vient ajouter à cette ambiance à la fois glaciale et fiévreuse, ponctuée par les scènes de danse et une tension sexuelle qui monte crescendo. Le film est d’une liberté provocante et réussie, brisant les frontières au point de créer un malaise déplaisant. Si l’érotisme y est parfois excessif et l’idée de la danse surement trop peu exploitée, Pablo Larraín livre ici un petit bijou. 

 

 

Ema de Pablo Larraìn, avec Mariana Di Girolamo, Gael Garcìa Bernal. 2019. 1h42. Sortie au cinéma le 2 septembre. 

 

Visuel : © Fabula 

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Alice Martinot-Lagarde

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