[Critique] Quai d’Orsay, Bertrand Tavernier dans les bulles du pouvoir
Bertrand Tavernier adapte la BD Quai d’Orsay avec un vrai sens du rythme. Dialogues percutants, acteurs en grande forme, fidélité totale à la BD… Tous les ingrédients sont réunis pour une excellente comédie. Sortie le 6 novembre.
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En fait, ce Quai d’Orsay n’a aucun défaut. Sinon celui de redoubler la BD, extrêmement réussie. Les spectateurs qui n’ont pas lu Quai d’Orsay seront forcément séduits par le film. Et les autres ? Eh bien, même ceux qui connaissent la BD par cœur ne pourront s’empêcher d’éclater de rire. Les dialogues sont quasiment identiques (Christophe Blain et Antonin Baudry ont co-écrit le scénario avec Bertrand Tavernier), mais la puissance d’incarnation des acteurs emporte l’adhésion.
En Ministre des Affaires Etrangères calqué sur Dominique de Villepin, Thierry Lhermitte impressionne et fait sourire. En jeune « responsable du langage » candide, dérouté et fasciné par le ministre, Raphaël Personnaz (qui a fait ses débuts à l’écran avec Bertrand Tavernier dans La Princesse de Montpensier, 2010) est parfait. Les rôles sont tous soignés, depuis Thierry Frémont, Julie Gayet, François Perrot ou l’excellent Thomas Chabrol jusqu’aux courtes et hilarantes apparitions de Jane Birkin ou Bruno le Maire (Le Ministre, Grasset, 2004, constituait d’ailleurs la chronique de son travail aux côtés de Dominique de Villepin). Et Niels Arestrup hérite du rôle que l’on remarque, celui de dir cab, comme Michel Blanc dans L’Exercice de l’Etat : alors oui, autant le dire, le film de Pierre Schoeller était plus nettement original, plus abouti que Quai d’Orsay. Mais l’ambition n’est pas la même non plus. Ici, nous sommes dans l’exercice de style brillant, distrayant, dans la comédie spirituelle d’excellente facture. L’Exercice de l’Etat est un grand film. Quai d’Orsay, un très bon film. Bertrand Tavernier et Pierre Schoeller ont en commun d’avoir mis en évidence l’importance de la vitesse dans la vie politique. Dans la veine du film politique plein d’humour, nous avons également préféré Pater d’Alain Cavalier, film profondément insolite et fou.
Mais pourquoi bouder son plaisir ? Ce Quai d’Orsay nous entraîne irrésistiblement dans les coulisses du discours de l’ONU, au milieu des tractations, petits coups bas, illuminations soudaines, sens tactique, etc. Thierry Lhermitte / Alexandre Taillard de Worms a l’art du résumé, de la formule, piochant allègrement dans Héraclite pour résoudre toutes les situations ! A côté de la plaque, bien souvent, et par moments frappé d’intuitions très justes, le ministre évolue à un rythme effréné. Rythme de BD, comme il le souligne lui-même très justement, comparant un bon discours politique à un bon Tintin. L’occasion de rappeler aux spectateurs que la lecture de la BD Quai d’Orsay, tome I et tome II, est indispensable !
Quai d’Orsay, de Bertrand Tavernier, d’après le premier tome de la bande dessinée de Abel Lanzac et Christophe Blain, 1h53, France, avec Thierry Lhermitte, Raphaël Personnaz, Niels Arestrup, Bruno Raffaelli, Julie Gayet, Anaïs Demoustier, Thomas Chabrol, Thierry Frémont, Marie Bunel, Alix Poisson. Sortie le 6 novembre 2013.
http://www.youtube.com/watch?v=YYv_Xjoph1g
Visuels: affiche, bande annonce et photos officielles du film