[Critique] Louloute, plongée dans la Normandie des années 1980
Avec ce nouveau film, Hubert Viel rend compte à hauteur d’enfant des difficultés des agriculteurs laitiers des années 1980.
Un monde hostile
Louloute, c’est cette petite fille aux joues rondes, mais aussi cette adulte mal dans sa peau. Deux facettes d’un même personnage qui, à plusieurs années d’intervalle, témoigne d’une même difficulté d’être au monde et d’une même propension à la rêverie.
Pour ce nouveau long-métrage, Hubert Viel nous emmène en pays d’Auge, dans une famille d’éleveurs laitiers des années 1980. Les mauvaises nouvelles des journaux télévisés et les appels de la banque rythment en effet le quotidien des parents de Louloute, contraints progressivement de vendre leur lait à perte. Aussi les suivons-nous dans une inquiétude que le film, malgré un scénario tragique, parvient à nous rendre légère.
Le rêve comme remède
Cette légèreté est tout d’abord le fait des parents : sans infantiliser leurs enfants, ils ont le pouvoir de s’amuser de tout. Laure Calamy, qui joue la mère de Louloute, campe parfaitement cette femme joyeuse mais sérieuse. Elle nous propose ici un personnage bien différent de la Noémie de Dix pour cent ou de l’Antoinette qui se perdait, l’été dernier, dans les Cévennes : ici, l’entrain n’empêche pas la gravité et l’actrice gagne ainsi en nuances.
Mais c’est surtout le personnage de Louloute et, avec elle, la construction du film, qui est porteuse de cette légèreté. Pour s’évader d’un monde trop dur, la petite fille s’enfuit dans des rêves qui sont autant de contes merveilleux. La structure du film, qui repose sur un entrelacs de flashbacks et flashforwards entre Louloute enfant et adulte, et la pellicule 16 mm participent de cette déréalisation du monde : le spectateur se perd avec délices dans cette temporalité confuse.
À la manière d’un album de photos en sépia, Louloute nous invite à un voyage empreint d’une nostalgie douce et nous engage à réenchanter le monde.
Visuel : affiche du film