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[Critique] du film « Tout, tout de suite » Richard Berry retrace le calvaire d’Ilan Halimi

[Critique] du film « Tout, tout de suite » Richard Berry retrace le calvaire d’Ilan Halimi

14 May 2016 | PAR Gilles Herail

Richard Berry signe un film sobre et brutal sur le calvaire d’Ilan Halimi, jeune juif de 24 ans retenu en otage, torturé puis assassiné en 2006 par Youssouf Fofana. Tout tout de suite prend le point de vue des membres du gang des barbares pour analyser une violence insoutenable et banalisée, une jeunesse paumée devenue froidement insensible, alimentée par une inculture crasse et des fantasmes antisémites tenaces. Un témoignage pertinent, éprouvant, qui fait froid dans le dos. Notre critique du film.

[rating=3]

Extrait du synopsis officiel : Des portes explosent. Les policiers casqués, armés font irruption de nuit dans des appartements, cris, coups : défilent à l’écran les visages des interpellés. Des beurs, des blacks, des blancs. Tous ont moins de vingt ans. Ceux que la presse appellera les « barbares ». On est en février 2006. La police quelques heures plus tôt a trouvé le corps moribond d’Ilan (Halimi) sur le bord d’une route à Sainte-Geneviève-des-Bois, nu, brûlé à 80 %. Kidnappé, il a été séquestré pendant 24 jours. Il était juif. Et donc supposé avoir de l’argent.

Alexandre Arcady avait réalisé un premier film sur l’affaire Halimi en 2014, adapté du livre de la mère d’Ilan. 24 jours était un film en colère, souvent maladroit, vent debout contre les erreurs de la police, réduisant l’affaire à son caractère antisémite et à la figure monstrueuse de Fofana. Richard Berry adopte une approche très différente en partant de l’ouvrage de Morgan Sportes qui s’attachait au contraire à comprendre le profil de l’ensemble des complices du gang des barbares. Le scénario tisse trois fils narratifs qui retracent le fait divers dans toute sa complexité, alternant des séquences sur le calvaire d’Ilan et ses relations avec les geôliers, des scènes sur l’avancée de l’enquête et les négociations avec le père, et des reconstitutions d’interrogatoires.

Richard Berry n’esquive pas la question de l’antisémitisme qui apparait clairement et de manière répétée dans les préjugés, les mots haineux et les accès de violence de deux des membres du gang (pour qui le caractère antisémite a été retenu par les jurés comme circonstance aggravante). Le réalisateur garde en revanche ses distances avec la vision plus manichéenne d’Arcady pour comprendre l’affaire Halimi dans sa globalité et dresser un portrait désabusé de la déliquescence sociale d’une partie de la jeunesse. Les scènes de torture sur un corps nu, gelé, et terrifié sont filmées sans voyeurisme mais restent insoutenables. L’incapacité de la police à gérer l’affaire, faisant reposer sur le père une pression irrespirable, apparait toujours aussi révoltante. Mais le plus inqualifiable reste finalement la banalisation d’une violence gratuite, impliquant, à différents niveaux de complicité, une vingtaine de jeunes, hommes, femmes, blancs, arabes, perses, africains, convertis ou non à l’Islam, avec ou sans boulot, mineurs ou majeurs, etc.

Richard Berry et Morgan Sportes se sont plongés dans les verbatims des interrogatoires pour comprendre leurs “motivations”. Expliquer comment tout le monde a participé à l’horreur, avec des niveaux d’antisémitisme variables, différents degrés de sadisme, un sentiment de culpabilité plus ou moins lourd (l’un des “veilleurs” quittera son poste au bout de quelques jours). Illustrer le parcours de jeunes paumés, qui cherchent de la thune, se dédouanent derrière le groupe, souhaitent sauver leur peau ou sont même froidement indifférents aux exactions qu’ils couvrent. Des post-ados déconnectés de tout sens moral, qui parlent avec décontraction d’actes immondes, tout en faisant parfois preuve de résurgences d’humanité. Tout tout de suite nous met face à cette réalité brutale, qui pose des questions très contemporaines sur la désintégration sociale de certains jeunes, à la merci des extrémistes de tous bords.  Un témoignage puissant, malgré ses quelques lourdeurs.

Gilles Hérail

Tout tout de suite, un drame français de Richard Berry et avec Richard Berry, Steve Achiepo, Marc et Ruchmann, durée 1h51, sortie le 11/05/2016 

Visuels : ©  affiche et bande-annonce officielles du film

 

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