A l'affiche
[Critique] du film « Soy Nero » Rafi Pitts, aux frontières du rêve américain

[Critique] du film « Soy Nero » Rafi Pitts, aux frontières du rêve américain

26 September 2016 | PAR Gilles Herail

Rafi Pitts aborde la question méconnue des green-card soldiers, résidents clandestins qui tentent d’obtenir le droit de séjourner aux Etats-Unis en s’engageant dans l’armée. Soy Nero affirme une vraie vision d’auteur et dépasse son sujet politique pour questionner plus généralement la notion de frontière. Une bonne surprise. (Voir également notre critique cannoise ici)

[rating=4]

Synopsis officiel: Nero a 19 ans, il a grandi aux Etats-Unis puis s’est fait déporter au Mexique. Etranger dans le pays de ses parents, il est décidé à repasser la frontière coûte que coûte.Il parvient enfin à retrouver son frère, Jesus, qui vit à Los Angeles.Pour échapper à la vie de misère à laquelle le condamne sa condition de clandestin, sa dernière chance pour devenir américain est de s’engager dans l’armée.  Nero rejoint le front des green card soldiers.

Soy Nero se penche sur le destin méconnu des “green-card soldiers”, qui rejoignent l’armée américaine dans l’espoir d’obtenir le droit de séjourner aux États-Unis. Près de 65.000 clandestins engagés en Irak ou en Afghanistan, qui pour certains finiront quand même expulsés, malgré leur statut de vétéran (source: reportage de CBS). Le cinéaste iranien Rafi Pitts utilise cette question sensible pour aborder de manière plus large la question des frontières. A travers le portrait d’un jeune mexicain, obligé de rentrer au pays après avoir passé une partie de son enfance en Californie. Et qui souhaite à tout prix revenir à Los Angeles et devenir américain, quitte à passer par la case GI. Le sous-texte est évidemment politique mais Soy Nero est un film plus symbolique que pédagogique, mystérieux que didactique. Le scénario repose sur des ellipses brutales et une gestion audacieuse de la narration, tenant pourtant son fil rouge grâce à la thématique de la frontière, barrière symbolique ou physique, infranchissable ou mobile, qui détermine les parcours de chaque personnage.

Soy Nero multiplie les parallèles, entre le Mexique, les États-Unis, l’Afghanistan. Déclinant la notion de frontière, aussi bien dans ses dimensions sociale, qu’ethnique ou nationale. Le script fonctionne sur des ruptures de ton permanentes, une instabilité qui déconcerte et permet à chaque séquence de se renverser. Après avoir été pris en stop dans la voiture d’un américain moyen dont on ne sait s’il a le cœur sur la main ou cache un psychopathe en puissance. En retrouvant un frère qui a semble-t-il réalisé son rêve américain mais dont le succès soudain intrigue. Au milieu des montages afghanes, entouré de deux soldats afro-américains qui dissertent 2Pac et Notorious Big en rejouant le conflit mythique entre West Coast et East Coast. Rafi Pitts perd parfois en rythme avec une dernière partie un peu longue mais l’exercice est en permanence stimulant. Un film étonnant, qui ose surprendre son spectateur tout en affirmant une vraie vision d’auteur sur son sujet.

Gilles Hérail

Soy Nero, un drame de Rafi Pitts avec Johnny Ortiz, Rory Cochrane et Aml Ameen, durée 1h57,  sortie le 21/09/2016

Visuels : © affiche et bande-annonce officielles du film

 

“Hergé” au Grand Palais : grosse déception
“Du rêve que fut ma vie”: Camille sculpte la matière, les mots, la lumière
Gilles Herail

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration