A l'affiche
[Critique] du film « La mécanique des flux » documentaire révolté contre l’Europe forteresse

[Critique] du film « La mécanique des flux » documentaire révolté contre l’Europe forteresse

04 September 2016 | PAR Gilles Herail

Nathalie Loubeyre signe un documentaire militant, révolté, dénonçant la politique migratoire brutale et déshumanisée de l’UE et de ses États membres. La mécanique des flux, (soutenu par la Cimade et Amnesty International) met en parallèle l’action de Frontex et des polices aux frontières avec les témoignages de vie de ceux qui risquent leur peau pour fouler le sol européen. Un cri d’alarme plus que jamais d’actualité. Notre critique.

[rating=4]

Extrait du synopsis officiel : Aux frontières de l’Europe, des hommes et des femmes, déterminés, se battent pour surmonter les barrières que l’UE leur oppose. Avec pour seules armes la force de leurs rêves et leur vitalité, ils affrontent une violence qui ne dit pas son nom, décidant ainsi de leurs vies, envers et contre tout. Un autre regard, à la fois proche, sensible et cinématographique, sur cette réalité.

La cinéaste Nathalie Loubeyre s’était déjà attaquée à la problématique des migrations dans deux précédents documentaires. No comment décrivait le quotidien des migrants de Calais, six ans après la fermeture de Sangatte. A contre courant revenait sur l’initiative Boats4People dénonçant le cimetière méditerranéen. La mécanique des flux adopte un regard plus global sur l’Europe forteresse, de la Croatie à la Grèce en passant par l’Italie. Une politique migratoire déshumanisée, de contrôle des “flux”, qui oublie le respect des droits humains les plus élémentaires. Le film débute du point de vue de Frontex et des polices aux frontières des États membres. Le montage illustre l’aspect mécanique d’une politique déshumanisée en insistant sur la technologie, le vocabulaire administratif et sécuritaire et du contrôle des frontières. La musique lancinante de Gaspar Claus accompagne des séquences de patrouilles, aux côtés des policiers, où les migrants n’apparaissent jamais. Et la cinéaste trouve une idée de mise-en-scène très forte pour illustrer cette idée : diffuser des images de caméras thermiques, filmant de nuit des “cibles” qui ne sont que des ombres et des fantômes à peine perceptibles.

Le reste du documentaire confronte la politique de Frontex et des services de sécurité étatiques aux témoignages de vie de ses victimes. Nathalie Loubeyre n’utilise pas de voix-off, ne se met pas en scène, et prend le temps d’écouter. Le récit de vie d’un homme qui a fui la guerre. Les cris révoltés d’un homme enfermé dans un centre de rétention. Les histoires de transports en camion, sous une chaleur écrasante, avec un air irrespirable. La brutalité des relations entre les migrants pris au piège. Les conflits sur l’enterrement de cadavres dont personne ne veut. L’horreur des traversées en bateau, la non-assistance en danger de naufragés sur le point de se noyer. Les dispersions/destructions de camps de fortune détruits par la police. Les tentatives de passage, quotidiennes, accroché sous un camion, en espérant ne pas être repéré par les chiens. La mécanique des flux partage ces témoignages, leur brutalité, leur dureté, leur cruauté. Remet des visages sur les statistiques, rend hommage aux morts, rappelle la diversité des nationalités, des parcours et des individualités.

Le documentaire redonne aussi une dignité à des migrants capables d’exercer un regard critique sur le cadre politique du contrôle des frontières. Qui analysent la radicalisation de l’opinion publique européenne, débattent de l’impact de la crise économique et s’interrogent sur les interventions militaires occidentales à géométrie variable. Nathalie Loubeyre signe un pamphlet dense, qui revendique son ambition politique et artistique tout en se focalisant sur l’écoute. A découvrir dans les trop peu nombreuses salles qui projettent le film depuis mercredi (à Paris,  l’Espace Saint Michel, La Clef, et l’Escurial).

Si la question vous intéresse, à voir également :
Méditerranea de Jonas Carpignano
Nulle-part en France de Yolande Moreau

Gilles Hérail

La mécanique des flux, un documentaire français de Nathalie Loubeyre, soutenu par la Cimade et Amnesty International, durée 1h23, sortie le 31/08/2016

Visuels : © affiche et bande-annonce officielles du film

[Deauville, jour 2] Stanley Tucci et les divers rythmes de la compétition
[Deauville 2016]”The Bandit” Burt Reynolds et Hal Needham, une amitié indestructible
Gilles Herail

One thought on “[Critique] du film « La mécanique des flux » documentaire révolté contre l’Europe forteresse”

Commentaire(s)

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration