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[Critique] du film documentaire « À voix haute » Le 93 célèbre la prise de parole de ses étudiants

[Critique] du film documentaire « À voix haute » Le 93 célèbre la prise de parole de ses étudiants

12 May 2017 | PAR Gilles Herail

À voix haute est un conte documentaire optimiste de Stéphane De Freitas et Ladj Ly sur les petits miracles engendrés par un concours d’éloquence. Qui offre à une poignée d’étudiants du 93 l’occasion de prendre la parole et de défier les stéréotypes dont ils sont victimes. Un poil consensuel mais résolument positif.

[rating=3]

Extrait du synopsis officiel : Chaque année à l’Université de Saint-Denis se déroule le concours “Eloquentia”, qui vise à élire « le meilleur orateur du 93 ». Des étudiants de cette université issus de tout cursus, décident d’y participer et s’y préparent grâce à des professionnels (avocats, slameurs, metteurs en scène…) qui leur enseignent le difficile exercice de la prise de parole en public. Au fil des semaines, ils vont apprendre les ressorts subtils de la rhétorique, et vont s’affirmer, se révéler aux autres, et surtout à eux-mêmes. Munis de ces armes, Leïla, Elhadj, Eddy et les autres, s’affrontent et tentent de remporter ce concours pour devenir « le meilleur orateur du 93 ».

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À voix haute poursuit depuis un mois une jolie carrière en salles (déjà 100.000 entrées), grappillant des écrans supplémentaires chaque semaine grâce à d’excellents retours spectateurs. La sortie en pleine élection présidentielle n’était pas anodine, offrant un témoignage alternatif sur le département du 93, traditionnellement associé à une image “problèmes de banlieue”. Les réalisateurs Stéphane De Freitas et Ladj Ly nous racontent une histoire qui relève autant du conte que du documentaire. En suivant le parcours d’une poignée de participants talentueux au concours d’éloquence organisé par l’Université de Saint-Denis. La narration reprend les codes des films sportifs, en jouant autour du suspens créé par les différentes étapes de qualification. Jusqu’à l’affrontement final d’orateurs en herbe dont on a suivi les immenses progrès réalisés en seulement quelques semaines.

À voix haute est un film résolument positif, qui a l’immense mérite de participer à l’écriture d’une autre histoire de la Seine-Saint-Denis. Un département plus divers que l’on ne le croit, entre territoires très urbains et zones quasi rurales, quartiers politique de la ville et zones pavillonnaires pour classes moyennes. Les deux cinéastes ont su trouver de vrais personnages de cinéma avec des profs charismatiques (le provocateur, le grand frère, etc.) et des élèves attachants aux parcours très divers. L’approche “feel-good” fonctionne parfaitement et provoque tendrement les rires et larmes escomptés. Un aspect consensuel qui fait aussi la limite d’un film (et d’un concours) qui réduit l’art oratoire et l’éloquence à une performance théâtrale individuelle. En ôtant sa dimension polémique, argumentative, et donc politique.

Une séquence montre en particulier cette difficulté des participants à défendre un point de vue construit sur une question générale. Lorsqu’un étudiant se retrouve incapable de se détacher de ses automatismes scéniques pour assumer une opinion réfléchie sur la réouverture des maisons closes. Le concours d’éloquence n’emmène pas les élèves en dehors de leur zone de confort et les invite plutôt à parler de leur parcours individuel et de leurs questionnements identitaires. Renforçant, malgré lui, l’idée que les jeunes des quartiers ne peuvent parler que d’évolution personnelle, de religion, de culture, de genre, sans aborder des questionnements politiques ou philosophiques qui ne les concernent pas directement. Oubliant que l’éloquence est avant tout une arme intellectuelle au service de la construction de notre propre pensée sur le monde qui nous entoure.

Gilles Hérail

A voix haute, la force de la parole, un documentaire français de Stéphane De Freitas et Ladj Ly, durée 1h39, sortie le 19 avril 2017 

Visuels : © affiche et bande-annonce officielles du film
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Gilles Herail

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