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“Billie” de James Erskine : Qui était vraiment Billie Holiday ?

“Billie” de James Erskine : Qui était vraiment Billie Holiday ?

30 September 2020 | PAR Alice Martinot-Lagarde

En sélection officielle à Deauville, Billie raconte la vie de la chanteuse américaine Billie Holiday, décédée en 1959 à l’âge de 44 ans. Un documentaire brûlant réalisé par James Erskine qui permet de redécouvrir le parcours de l’une des plus grandes voix du jazz à travers le récit d’un destin douloureux entre addictions, violences et racisme, qui font un drôle d’écho aux problématiques contemporaines.

Des enregistrements inédits

Linda Lipnack Kuehl, journaliste américaine, a passé les huit dernières années de sa vie à écrire sur Billie Holiday et à interroger les personnes de son entourage dans le but de faire une biographie de la mythique chanteuse de jazz. Mais son travail ne verra jamais le jour, car elle est retrouvée morte le 6 février 1978 dans une rue de Washington D.C. où elle s’était rendue pour un concert de Count Basie. Tombée du 3e étage, la police conclut à un suicide et classe rapidement l’affaire, mais sa famille n’y croit pas et les réelles circonstances de sa mort restent inconnues.

Ce sont plus de 200 heures d’enregistrements d’entretiens avec des personnes qui ont côtoyées Billie Holiday jusqu’à la fin de sa vie, récoltés tout au long des années 70 par Linda Lipnack Kuehl, qui ont servis de base au film. Ces cassettes, véritables mines d’or, avaient été oubliées depuis presque 50 ans. Les voix de Charles Mingus, Sarah Vaughan, Tony Bennett, Count Basie, de ses beaux-parents et amis d’école, ses compagnons de cellule, avocats et même les agents du FBI qui l’ont arrêtée, viennent ponctuer le récit et tenter de mettre en lumière la personnalité fascinante de cette Lady Day au destin tragique.

Portrait de femmes

Défenseuse des droits des femmes, Linda Lipnack Kuehl s’était attachée au personnage de Billie Holiday et voulait qu’on retrouve son authenticité dans les lignes de son livre, si bien que le manuscrit ne fut jamais achevé. La chanteuse était aussi très engagée, dans la lutte pour l’égalité raciale. Il était ainsi évident pour le réalisateur James Erskine de mettre en parallèle leur vision et leur combat : “Nous avions donc entre nos mains l’histoire de deux femmes et de leurs luttes pour dire la vérité sur le monde tel qu’elles le voyaient”. Le message passe et le film, en double hommage, n’en est que plus beau.

Billie Holiday a connu la prostitution, le viol, les violences conjugales et raciales, en plus d’avoir été dépendantes aux drogues et à l’alcool toute sa vie. On ressent pour autant une entière volonté à simplement vouloir faire entendre sa voix et être elle-même dans sa passion, malgré le fait qu’elle ne soit jamais arrivée à se défaire de ses démons. Elle n’a cherché qu’à raconter son histoire dans ses chansons, à la manière de Strange Fruit, réquisitoire contre les violences faites aux Noirs américains, qui lui donne, au travers d’une interprétation puissante, le rang de symbole de la lutte contre la ségrégation qu’elle a elle-même terriblement subit dans chaque étape de sa carrière.

Portraits de femmes qui se sont battues pour qu’on les écoute tel qu’elles le voulaient, Billie retrace la vie de la chanteuse qui a bouleversé le cours du jazz et d’une époque ségrégationniste, mais qui a aussi subit les conséquences de sa sincérité. Le documentaire, par les voix de ceux qui ont fait sa vie, s’écoute tout autant qu’il se regarde et plonge dans les abîmes d’une société à jamais imparfaite.

Billie de James Erskine, documentaire, Royaume-Uni. 1H38. En salles le 30 septembre 2020.

Visuel : Affiche du film

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Alice Martinot-Lagarde

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