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Biarritz : “Huesera” film d’horreur social sur la liberté de choix

Biarritz : “Huesera” film d’horreur social sur la liberté de choix

29 September 2022 | PAR Olivia Leboyer

On sait, depuis Rosemary’s baby, que la représentation de la grossesse peut être très angoissante. Michelle Garza Cervera livre ici un beau portrait de femme, contradictoire et fort. Un film d’horreur qui est avant tout un film libre.

Inquiétant, le prologue nous montre une jeune femme montant les marches d’un temple, sous un soleil de plomb, pour déposer son obole devant une grande vierge dorée. A ses côtés, sa femme lui trace un signe sur le ventre. L’intention est claire : Elle a formé le vœu de tomber enceinte. La caméra s’éloigne et, peu à peu, nous voyons les humains tout petits et la divinité immense se découper sur le vert sombre de la forêt. La séquence est oppressante.

Valeria semble heureuse, avec son compagnon, dans leur grand appartement lumineux. Ne leur manque qu’un enfant. Le jour où le miracle se produit, leur bonheur éclate. Mais, sensiblement, Valeria respire moins bien, dort moins bien et, surtout, se met à avoir d’étranges visions noires. Le début du film installe un climat d’angoisse palpable, par petites touches. Natalia Solian, à fleur de peau, nous touche directement par son jeu expressif et fin. Pourquoi se sent-elle à ce point déphasé, elle qui rêvait tant de maternité ?

Peu à peu, le film nous livre des pistes, au bon moment. Nous comprenons alors que la grossesse de Valeria l’oblige à faire face à d’anciens désirs, refoulés très loin. Il y a des années, la jeune femme parfaite était punk, et elle aimait une femme. Pour ses parents, pour sa famille brisée par un drame, elle a choisi de bifurquer et de se conformer à tous les codes de la bourgeoisie classique. Son compagnon est issu d’un meilleur milieu, grâce à lui, elle fait figure de jeune femme modèle. Mais est-ce si limpide ?

Lors du festival de Biarritz 2017, le superbe film brésilien As boas maneiras, film fantastique sur une grossesse monstrueuse et un amour lesbien nous avait enthousiasmé (voir notre critique). Ce Huesera est moins réussi, car il demeure plus explicite. Et les visions horrifiques, ces corps rampants sans visage qui se disloquent bizarrement, font un peu sourire. Dès qu’elle panique, Valeria fait craquer ses os (le Huesera du titre).

Mais l’histoire de Valeria contient un germe d’angoisse universel, très frappant. Que transmet-on ? Que porte-t-on ? Les scènes les plus belles et les plus effrayantes sont les simples scènes de famille. Dans les réflexions mesquines, dans les petites piques insidieuses des parents ou de la sœur, toute l’horreur est concentrée, venimeuse et destructrice.

Michelle Garza Cervera réussit à nous instiller le poison trouble de l’horreur quotidienne. A côté, les pratiques occultes relèvent, au contraire, du folklore rassurant. La tante un peu marginale, la bande de sorcières sont ici des adjuvants. C’est bien le conformisme qui est le plus repoussant.

Une jolie manière de célébrer le désir authentique et la liberté de choisir ses attaches.

Huesera de Michelle Garza Cervera, Mexique-Pérou, 93 minutes, avec Natalia Solia, Alfonso Dorsal, Mayar Batalla, Mercedes Hernandez, Sonia Couoh, Aida Lopez, Anahi Allué. Festival de Biarritz Amérique latine. En compétition.

visuel: photo officielle du film.©

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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