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19es Journées Cinématographiques Dionysiennes : un festival qui tisse des liens, plus que jamais

19es Journées Cinématographiques Dionysiennes : un festival qui tisse des liens, plus que jamais

08 February 2019 | PAR Geoffrey Nabavian

Après des éditions sous le signe des films censurés, ou du cinéma au féminin, les Journées Cinématographiques Dionysiennes reviennent en 2019, avec pour thème le voyage. Un voyage à la rencontre de l’Autre, surtout : une soirée passée au Festival donne toute la mesure de sa capacité à tisser des liens vers les artistes.

Alors que leur vingtième anniversaire se rapproche, les Journées Cinématographiques Dionysiennes célèbrent une 19e édition qui promet du mouvement, sur le thème des voyages. Y sont attendus l’invité d’honneur Katsuya Tomita, réalisateur japonais de Saudade et Bangkok Nites, ou encore Tony Gatlif, Jacques Rozier, l’artiste sujet à controverses Antoine d’Agata, le philosophe Jean-Luc Nancy, ou une table ronde autour de “L’exotisme colonial”, le 10 février. Sans oublier le collectif de marcheurs Le Voyage Métropolitain, qui propose sa promenade d’exploration le samedi 9 février.

Lorsqu’on se rend au Festival, un soir, pour découvrir le film de Youssef Chahine Alexandrie pourquoi ? (1978) – film ressorti en salles en novembre 2018, à l’occasion de la rétrospective des œuvres de Chahine à la Cinémathèque, qui se poursuit jusqu’au 28 juillet – on constate à quel point il parvient plus que jamais à offrir des rencontres marquantes avec les artistes, au moyen de procédés simples. Ce jeudi soir, avant que le film ne démarre, nous sommes accueillis par Amal Guermazi, co-commissaire de l’exposition “Youssef Chahine” qui se tient à la Cinémathèque (jusqu’au 28 juillet aussi) en même temps que la rétrospective. Elle entend nous parler avec passion des grands axes de l’oeuvre du réalisateur égyptien : et pour ce faire, elle donne tout simplement un concert.

Youssef Chahine en images et en musique live

Évoquant les films-phares de l’homme, elle interprète au passage quelques chansons qu’ils contiennent, en usant de sa voix et de son violon, qu’elle manie avec talent tous deux. Avec elle, les très talentueux musiciens Nidhal Jaoua (à la cithare) et Malik Shukeir (au tambourin) font merveille, tandis que le charismatique chanteur Mounir Zouita transporte à sa suite, par sa voix et sa gestuelle, dans les atmosphères des films évoqués. Ces trente minutes simples, poétiques et passionnées, font découvrir un passionnant univers de cinéma.

Idéal pour aborder Alexandrie pourquoi ?, film signé par Youssef Chahine en 1978, qui adopte une forme de chronique au souffle plutôt entraînant. Situé en 1942 dans la grande cité égyptienne, il accroche l’attention dès le départ par son versant autobiographique : Yahia, jeune homme rêveur et fonceur, apparaît vite comme représentant le jeune Chahine. Les points de vue multiples offerts par le film donnent un peu le tournis au départ. Mais le rythme du récit finit par le rendre prenant : on s’attache à ces figures hautes en couleur d’habitants d’Alexandrie, alors que la caméra navigue entre ceux qui restent intègres (et pauvres), ceux qui profitent de la guerre (alors que l’armée nazie se rapproche, et que la bataille d’El Alamein se profile), ceux qui désirent intriguer pour faire partir pour de bon les colons anglais (qui font régner l’ordre durement), ceux qui traîne parmi les jeunes soldats anglophones…

Ces différentes trajectoires sont traitées avec une personnalité forte, qui vise à la fois à l’esthétique et à l’humain. Et les différents degrés du film (à la fois sentimental, historique, léger, politique…) cohabitent bien. Devant tant d’énergie, on se questionne aussi : quelle est la part d’imaginaire injectée par Youssef Chahine dans ce récit de faits réels ? Le film peint en tout cas une ville cosmopolite et accueillante, dans les années 40. Et en cette soirée, les Journées Cinématographiques Dionysiennes donnent à rencontrer un réalisateur (mort en 2008), à travers son oeil esthétique, des éléments de son existence, la musique de ses films, et encore d’autres détails qui composent un portrait marquant. On souhaite d’avance un bon anniversaire à ce Festival humain qui réfléchit, encore et toujours, et qui est né avec le siècle, pour une bonne cause.

Les Journées Cinématographiques Dionysiennes 2019 se poursuivent jusqu’au mardi 12 février, au cinéma l’Ecran à Saint-Denis. Programme ici : https://bit.ly/2Gh9dSb

Cette séance autour de Youssef Chahine était proposée en partenariat avec le Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient, qui célébrera sa prochaine édition du 2 au 20 avril 2019.

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Visuel : affiche des 19es Journées Cinématographiques Dionysiennes

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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