Arts
Une ballade d’amour et de mort : Focus sur la photo pré-répahaélite au musée d’Orsay

Une ballade d’amour et de mort : Focus sur la photo pré-répahaélite au musée d’Orsay

10 March 2011 | PAR Yaël Hirsch

Alors que les peintres pré-raphaélites protestant contre les conventions de la RoyalAcademy au milieu du XIX e siècle sont très connus ( John Everett Millais, dante gabriele Rissetti, Hilman Hunt et Ford Madox Brown) les photographes de la même époque Roger Fenton, Henri White, William J. Stillman, Colmonel Henry Stuart Wortley, Lewis Caroll, George Frederic Watts, Julia Margaret Cameron) sont moins connus. Et pourtant, eux aussi disciples de John Ruskin, et travaillant souvent main dans la main avec les peintres, ces artistes expérimentaient alors un art tout nouveau (la photographie est née en 1829). En 4 salles, le musée d’Orsay propose une jolie ballade dans l’art de ces pionniers. Jusqu’au 29 mai 2011.

Tout commence avec l’historien et critique d’art pointu et redouté, John Ruskin (1819-1900). Fasciné par tout ce que l’œil ne peut voir nu, celui qui a soutenu contre tous académismes les peintres pré-raphaélites lance en parallèle de ses idées et de ses dessins toute une série d’expériences avec la première technique photographique : le daguerréotype. Celle-ci expose directement une surface en argent à la lumière et fonctionen sans négatif comme un miroir. 3.

Ruskin envoie  deux de ses domestiques prendre des centaines de clichés d’éléments naturels et volontiers de roche. dans le sillage de l’auteur des “Peintres modernes”(1843) plusieurs artistes se mettent à expérimenter cette nouvelle technique, et l’emploient en premier lieu pour déchiffrer la sauvage nature britannique. Certains sont des amateurs, d’autres sont des peintres reconvertis, mais tous se lancent dans l’étude des phénomènes naturels par la photo, et essaient de peaufiner cette technique qui accroche directement la lumière en image. Souvent, des paysages faisant l’objet d’ aquarelles ou de peintures sont également saisies par ces photographes. Ainsi de la Bolton Abbey par Roger Fenton et John William Inchbold. Les changements atmosphériques sont aussi au cœur de cette quête photographique et “Une ballade d’amour et de mort” montre un certain nombre de photos immortalisant un coucher de soleil sur la mer étale.

La deuxième partie de l’exposition se glisse dans la vie mondaine victorienne, et montre comment la photographie était aussi sociale. Lewis Caroll,par exemple, l’auteur d'”Alice au pays des merveilles”, était un portraitiste reconnu et usait de son appareil photo pour rencontrer des comédiens ou des intellectuels qui l’intriguaient. Les grands photographes préraphaélites sont aussi et surtout des femmes. Prenant le contre-pied du souci de précision originel de son art, et immortalisant la haute société de son époque, l’extraordinaire Julia Margaut Cameron était la chef de file de ce courant. Ses clichés tels “Tristesse” (portrait de la grande  tragédienne Ellen Terry, 1864)  sont des chefs d’œuvre d’émotion trop peu célébrés. L’exposition montre également comment peintres et photographes collaboraient :  derrière le fameux portrait de sa muse Jane Morris par Rossetti, qu’elle expose et utilise en affiche, “Une ballade d’amour et de mort” montre les coulisses de la vie sociale à travers la série de clichés de la même muse réalisés par John Robert Parsons. Rossetti s’est d’ailleurs probablement inspiré des photos de Parsons pour saisir une perfection qui échapperait à l’œil nu.

La dernière partie de l’exposition creuse l’imaginaire pré-préraphaélite et juxtapose clichés et tableaux de cette confraternité éclatée  inspirées de grands thèmes mythologiques et de légendes du Moyen-Âge.

Si la technique en elle-même n’est pas toujours très bien expliqué, “Une ballade d’amour et de mort” est une exposition exceptionnelle à plu- sieurs titres : d’abord elle donne à voir des oeuvres peu connues du public français, ensuite elle éclaire le balbutiement de la photographie, enfin, ce qu’elle montre en dit long sur la société victorienne.

 

Visuels :

Home : Dante Gabriel Rossetti, Jane Morris, la robe de soie bleue, 1868 © Kelmscott Manor Collection, By Permission of the Society of Antiquaries of London
Grand format : Julia Margaret Cameron, Le tournesol, 1866-1870 © National Gallery of Art, Washington
1) John Ruskin, Roches et fougères dans un bois à Crossmount, Perthshire, 1847, © Reproduced by courtesy of Abbot Hall Art Gallery, Kendal, Cumbria, England
2)John Robert Parsons, sous la direction de Rossetti, Jane Morris posant dans la maison de Rossetti, été 1865 © V&A Images / Victoria and Albert MUSEUM, London

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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