Paris + ouvre au Grand Palais : Paris est une fête !
Dans l’enceinte du Grand Palais éphémère et avec une extension lumineuse sur le Champ-de-Mars, la Foire d’art contemporain de Paris prise en main par le mastodonte international Art Basel est évidemment le lieu où se rendre du 20 au 23 octobre. La veille de l’ouverture au grand public, nous étions quatre journalistes de Toute La Culture à suivre chacun et chacune nos obsessions dans un joyeux climat de réunion, de couleurs chatoyantes et de très grands noms de l’art. Suivez vos guides !
Par Amélie Blaustein, David Hanau, Yaël Hirsch et Lucia Wainberg
Paris + : une FIAC augmentée
Après 47 ans de FIAC, donc, c’est au tour d’Art Basel (après Bâle, Miami et Hong Kong) de porter la semaine où Paris rayonne à travers le monde. Et l’aura internationale de la foire, rebaptisée Paris +, fonctionne parfaitement : avec Art Basel et son foisonnement (lire nos articles déjà publiés ou à venir sur Paris +, AKAA, Asia Now, Chambre à part, l’exposition Les militantes chez Guerlain, le POUSH Manifesto ou encore l’ouverture du hangar Y à Meudon) dans un contexte post-Brexit, il semble bien que Paris se positionne avant Londres aux yeux des artistes, galeristes et collectionneurs.
Paris +, ce sont 156 galeries du monde entier qui se sont donné rendez-vous au Grand Palais éphémère. Ce sont des sites dans la ville où les artistes brillent dans l’espace public (des sculptures aux Tuileries et au musée Delacroix, l’installation d’Alicja Kwade place Vendôme, et le travail du vidéaste Omer Fast à la chapelle des Petits-Augustins des Beaux-Arts). Au Bal de la Marine, Paris + propose également de prometteuses conversations organisée par Pierre-Alexandre Mateos et Charles Teyssou.
Dès ce mercredi 19 octobre de preview pour les professionnels, ce sont des dizaines d’œuvres déjà vendues, un Grand Palais éphémère où l’on fait joyeusement attendre les visiteurs à l’entrée car il y a trop de monde. Et c’est une énergie folle. Lorsqu’on regarde dans le rétroviseur une douzaine de mois en arrière, il faut bien avouer, sans opportunisme aucun, que le contraste est saisissant.
La dernière édition de la FIAC nous avait laissé un petit goût amer, que nous ne pouvions pas alors identifier comme une fin de règne. C’est un Grand Palais éphémère gonflé à bloc d’enthousiasme et d’énergie que nous avons retrouvé, comme nous ne l’avions pas vu depuis longtemps. Avec Paris +, tous les superlatifs semblent être au rendez-vous. Des œuvres plus grandes et plus chères, exposées dans une scénographie plus ouverte et plus spacieuse, où les meilleures galeries mondiales se sont donné rendez-vous pour attirer un public plus nombreux et très international.
Tout, décidément, semble avoir augmenté sous la houlette du symbole “+” qui agit bel et bien comme un catalyseur de positif. Et si la place de Paris comme marché mondial de premier plan s’en trouve sans nul doute renforcée, on peut tout de même se demander si la démarche contribue réellement à favoriser la diversité artistique.
Les grandes tendances de Paris +
Alors que le monde entier (ou presque, la Chine notamment étant encore absente) peut enfin passer par Paris pour faire voir et surtout acheter des œuvres, cette grande foire d’art internationale cuvée 2022 joue la carte de la vitamine : beaucoup d’œuvres pop aux couleurs fortes et joyeuses, aussi bien chez Perrotin que chez Pace. Tom Wesselmann est en majesté chez Almine Rech, Anish Kapoor chez Continua et Fontana chez Tornabuoni choisissent le vert pistache ou fluo, Jean Arp est jaune chez Zlotowski et Christoph Weber, qu’on peut aussi voir au jardin des Tuileries, est à voir en mode fluo chez Jocelyn Wolff. Annette Messager, elle, nous fait retomber dans les couleurs de l’enfance chez Marian Goodman.
Alors que triomphent à Paris Munch, Kokoschka et Garouste, ce sont les toiles qui ont la part belle à ce Paris +, grandes et exclamatives, comme les fresques de la Renaissance : on découvre ou redécouvre Kehinde Wiley chez Templon, Ashley Hans Scheirl chez Loevenbruck, Michel Blazy chez Art : Concept et le Picasso des années 1960 chez Helly Nahmad. Vivent les peintres, donc, les vrais, et il y a peu de vidéo (vous en trouverez une en tête de nos coups de cœur), mais ne manquez pas le projet assez étonnant de Liv Schulman chez Anne Barrault.
Ensuite, la toile n’est pas le seul matériau, c’est à un festival de poils, de tentures, de broderies et de secondes peaux que la foire nous convie : Sheila Rock chez Massimo Minini ou la tapisserie de Zineb Sedira chez Kamel Mennour.
Enfin, dernière grande tendance : le diptyque. Pourquoi n’acheter qu’une œuvre quand deux peintures colorées encadrent si bien l’espace ? Les toiles marchent comme nos jambes à Paris + : par deux. Chez Eva Presenhuber,
Les galeries émergentes
Seize galeries consacrées à la présentation d’artistes émergents se partagent l’espace qui leur est consacré pour l’édition 2022 de Paris + par Art Basel. La sélection des artistes a reposé cette année sur une exigence qualitative très élevée et une diversité remarquée en terme de media utilisés et de nationalité des artistes présentés. Cinq de ces galeries ont particulièrement retenu notre attention :
1. La galerie libanaise Marfa présente Caline Aoun pour son travail réalisé à partir d’encre violette apposée sur papier. Caline Aoun (née en 1983 à Beyrouth) est une artiste visuelle dont le travail aborde des questions liées à l’urbanisme, à l’architecture, à l’espace publicitaire imprimé et numérique. Aoun invite le public à considérer et à questionner un ensemble d’éléments qui ouvrent sur des notions plus larges de surconsommation, d’excès et de saturation.
2. La galerie berlinoise Heidi présente l’artiste américain Akeem Smith qui a grandi entre New York et la Jamaïque. Pour sa présentation à la foire 2022, l’artiste a créé trois nouvelles œuvres inspirées de ses travaux précédents Black Queen où se mêlent matériaux de récupération et affichettes de fêtes et foires jamaïcaines.
3. La galerie polonaise Dawid Radziszewski présente l’artiste Agnieszka Polska. Née en 1985, elle a étudié à l’université de Lublin (2004-2005), à l’Académie des beaux-arts de Cracovie (2005-2010) et à l’université des arts de Berlin (classe de Hito Steyerl, 2008-2009). Lauréat du prix de la National Gallery (2017), elle vit et travaille à Berlin. Les œuvres présentées consistent en une réflexion sur le temps et l’écologie que l’artiste suggère de manière subtile.
4. La galerie américaine Chris Sharp de Los Angeles présente l’artiste britannique Sophie Barber. Née en 1996, elle a étudié à l’université de Brighton et au Sussex Coast College de Hastings dont elle est diplômée en 2017. Lauréate du prix CVAN South East Platform Graduate Award, elle vit et travaille à Hastings. Les œuvres présentées sont des compositions surréalistes et folkloriques qui mettent en abîme des personnalités du monde artistique.
5. La galerie chinoise Antenna Space de Shanghai présente l’artiste chinoise Yong Xiang Li. Née en 1991, elle vit et travaille à Francfort et est diplômée de la Saint Martin’s School de Londres et de la Städelschule (Judith Hopf) de Francfort. Dans son solo show à Paris +, elle nous propose un triptyque spatial composé de diverses toiles formant des assises, bancs et chaises, composées de motifs géométriques et pop.
Notons également que les galeries présentes dans l’extension du Grand Palais sur le Champ-de-Mars amènent également beaucoup de fraîcheur à Paris +. De même que les grands projets qui saisissent et attirent l’œil et les foules à certains points nodaux du parcours de la foire.
Au cœur des projets de Paris +
L’artiste polonaise Malgorzata Mirga-Tas présente son projet « Reenchanting the World » après une participation à la Biennale de Venise 2022. Malgorzata Mirga-Tas (née en 1978 à Zakopane, en Pologne) est une artiste et une militante rom. Son travail traite des stéréotypes antitziganes et développe une iconographie affirmative et située de la communauté rom dans la perspective d’un féminisme de minorité. Des motifs et des formes caractéristiques se distinguent dans ses œuvres, qu’elle décline sur du tissu. Elle est également impliquée dans des activités sociales contre la discrimination et l’exclusion.
Chez Applicat Prazan qui fête ses 30 ans, on trouve des œuvres monumentales de Georges Mathieu datant de ses années phares, les années 1950. La grande toile rouge en exergue de l’exposition est l’un des phares de Paris +.
Dans la partie « Champ-de-Mars » de la foire, les pastiches d’orientalisme de Roméo Mivekannin (également présent aux Tuileries) de la galerie Cécile Fakhoury font mouche.
Notre Top 10
Parmi nos coups de cœur de cette édition, et sans ordre dans les flash retenus, ne manquez pas :
1. Patrick Goddard chez Seventeen. À rebours des couleurs pop et acidulées de la foire, le plasticien a imaginé pour la galerie londonienne, maquettes à l’appui, une dystopie délirante. Imaginez des escargots partout qui envahissent nos maisons, nos rues, nos espaces verts ! L’œuvre protéiforme est drôle et habile, et si ses couleurs sont vert-de-gris, son identité est elle aussi très pop-culture.
2. Agnieszka Polska chez Dawid Radziszewski suspend le temps avec des installations.
3. Wilhelm Sasnal chez Anton Kern. L’oeuvre de 2021 aux couleurs fluo fonctionne comme un dessin de Munch : l’artiste polonais fait écho à l’exposition d’Orsay avec un brin de fatalité bucolique qui a quelque chose d’un grand reportage photo.
4. Bertille Bak chez Xippas. Une installation vidéo composée de portraits vidéo mis en scène pour représenter leurs rites, leurs comportements, leur démarche sociétale.
5. Neil Beloufa chez François Ghebaly. Une toile très stylisée présentant une personne en train de travailler avec des outils numériques dont la zone d’écran est lumineuse.
6. Ruth Asawa chez David Zwirner. Une fine sculpture suspendue, composée de filets subtilement tissés et combinés pour former une structure complexe et fascinante.
7. Matt Millian chez Peter Freeman. Quelque chose entre la BD et la cartographie qui rendrait le graffiti savant et précieux sans quitter le cadre très classique de la toile.
8. Carmen Neely chez Marianne Ibrahim. La galerie de Chicago présente deux œuvres de l’artiste du Midwest qui mêlent graphite et huile sur toile avec poésie, coloris terre et peau et titres poétiques : Honor you, Into a new summer, maybe a new you.
9. Suzy Lake chez mfc-Michèle Didier. Rare à Paris +, nous redécouvrons un peu de photo aux teintes sombres et urbaines avec cette artiste de Detroit immigrée au Canada.
10. Tarrah Krajnak chez Thomas Zander. Les neuf cyanotypes de l’artiste péruvienne reflètent une performance bleue et intense.
Paris + se visite donc jusqu’au dimanche 23 octobre au Grand Palais éphémère, 2 place Joffre, métro Ecole militaire, Jeudi 20 octobre : vernissage 11h – 15h (sur invitation) – public 15h – 20h ; vendredi 21 et samedi 22 octobre : accès VIP 11h – 12h (sur invitation) – public 12h – 20h et dimanche 23 octobre : accès VIP 11h – 12h (sur invitation) – public 12h – 19h. Billets 40 euros (TR 27 euros) réservables en ligne.