Arts
Par Nature au 104

Par Nature au 104

14 January 2013 | PAR Sandra Bernard

La vie moderne, toujours plus précipitée et connectée serait-elle la cause de notre éloignement vis-à-vis de la nature, de nos racines ? Ce postulat de départ a donné une exposition d’art contemporain où l’on est invité à la méditation et au calme. On profite de moments totalement dépaysants dans des installations très différentes et surprenantes.

“C’est un parcours parsemé d’oeuvres, pour la plupart monumentales, que proposent les artistes invités, dans les espaces du CENTQUATRE. Venus de Suisse, du Portugal mais aussi Égypte, d’Inde, de Chine, et bien sûr de France, ceux-ci interprètent à leur manière cet idéal contemporain : le retour à la nature. Chacune de ces pièces offre aux visiteurs la possibilité de faire l’expérience physique et intellectuelle de ce retour.”

Le thème du retour à la nature est universel. Chacun à un moment ou à un autre a besoin de retrouver ses racines, de s’isoler du monde ou de s’élever au dessus du train train quotidien et de sa monotonie. Les quelques oeuvres présentées dans les espaces du 104 proposent chacune à leur manière une expérience de ce retour en convoquant tous nos sens, en particulier la vue, l’ouïe et l’odorat. La problématique de ce retour à la nature est introduite suivant deux optiques différentes mais complémentaires sur plus d’un point.

La nature extérieure

Le premier questionnement concerne notre rapport à la nature, cette nature qu’on exploite parfois à outrance quitte à gâcher comme le dénonce Gu Dexin dans son oeuvre september 2nd 2006. Un tapis de vraies pommes posées à même le sol occupe une partie assez conséquente de l’espace. Un petit rouleau compresseur est engagé sur cet amas de pommes,les réduit en partie en compote. Et en se décomposant dégagent au premier abord  une odeur de pomme puis, c’est finalement une odeur de jeune cidre que l’on perçoit.

C’est aussi la nature que l’on oublie. Les petits animaux et plantes qui vivent autour de nous mais auxquels l’on n’accorde plus d’intérêt. Ainsi Céleste Boursier-Mougenot attire notre attention sur la créativité et la spontanéité de la nature. Ainsi, dans From here to ear (v.16) elle nous propose une oeuvre vivante et vibrante dans tous les sens du terme. De petits oiseaux, des moineaux mandarins nichent dans l’oeuvre et en se posant sur les instruments de musique (guitares électriques et cymbales reliées à des amplificateurs) créent une symphonie tant fugace qu’aléatoire entrecoupée de piaillements, de battements d’ailes et même de très importants silences. En cherchant d’où proviennent les sons, on pose  notre regard sur les moineaux, il se crée alors une interaction hommes-animaux.

Un peu dans le même esprit, Zimoun rend perceptible l’invisible dans Woodworms. Grâce au son capté par le microphone, le petit, le caché, mais le ô-combien utile (dans les forêts) ver xylophage se rappelle à nous. Au début, on ne voit qu’une vieille souche, puis lorsque l’on approche, ho surprise !!! Le son vient de la souche. Le microphone capte l’activité de la communauté des vers cachés dans l’oeuvre.

Dans la salle mitoyenne, une seconde oeuvre du même artiste évoque une nature recréée par nos propres sens. 416 prepared dc-motors, hem cords, cardboard boxes, 60x60x60cm composée comme son nom l’indique de 416 cartons d’emballage de format identique, à savoir 60x60x60cmn qui forment un espace cylindrique dans lequel tournent de petits moteurs reliés à une corde qui dans son mouvement recrée le bruit de la pluie.

Les plantes ne sont pas en reste, Joana Vasconcelos a bien compris les vertus de la déambulation dans un jardin. Ici ce n’est pas n’importe quel jardin mais bien le jardin d’Eden qu’elle nous propose de parcourir. Comme son titre l’indique, on se promène ici dans un jardin luxuriant empli de fleurs artificielles lumineuses. Jusque ici, rien d’extraordinaire me direz-vous. Et pourtant, ce jardin  est entièrement plongé dans l’obscurité. Seules les fleurs lumineuses permettent d’appréhender l’espace. Elles dessinent comme un labyrinthe, mais un labyrinthe de la Renaissance qui invite à la promenade et la réflexion plus qu’à l’égarement des sens. Il serait facile de sortir de ce lieu, les circonvolutions n’étant pas très compliquées, cependant, l’effet apaisant de ce jardin, bercé du doux grésillement des leds, incite à le parcourir plus longuement. Cette oeuvre, en plus d’être poétique, me semble onirique et propice à la rêverie tant le temps y semble suspendu.

Sa propre nature

Vient ensuite le questionnement de notre rencontre avec notre nature intérieure et personnelle. La nature peut être très généreuse ou bien totalement ingrate. Que ce soit de naissance ou à cause de la maladie nous sommes tous différents, mais lorsque ces différences se font trop flagrantes elle entraine un mal-être. C’est cette lutte qu’illustre Le Meilleur des mondes ? Du bien nommé Christophe Beauregard. Dans une pièce blanche tout à fait aseptisée plusieurs séries de portrait d’hommes et de femmes d’une entreprise imaginaire. Tous les « employés » portent le même costume, que ce soient des hommes ou des femmes, et ils posent tous sur le même fond bleuté. La première impression de tendance à l’uniformisation est vite dissipée quand les différences d’attitudes ou physiques ressortent dans ce trombinoscope.

Le retour sur soi peut également passer par l’échange épistolaire avec sa famille. Ici ce n’est pas le côté intime de l’exercice qui intéresse tant le propos est convenu, mais bien le médium choisi. L’artiste Hema Upadhyay, dans son œuvre This Space in Between You and Me, écrit une lettre à sa famille avec du gazon vivant, peut être un moyen de retrouver ses racines par un « retour à la terre » au travers d’une oeuvre vivante, l’herbe poussant par endroits et disparaissant à d’autres. La transcription du texte est disponible sur un lutrin à côté de l’oeuvre.

Ne dit-on pas qu’il faut parfois s’élever pour se retrouver? Si pour la majorité d’entre nous, il s’agit d’une métaphore, Moataz Naser l’applique lui au sens propre. Avec I am free installation monumentale composée de deux escaliers , l’un ascendant et l’autre descendant reliés à une plate-forme. L’escalier et la plate-forme sont adossés à un grand mur blanc. Une fois sur la plate-forme, le visiteur se retrouve au centre d’une paire d’ailes déployées, sérigraphiées sur le mur, et surmontées de la phrase I am Free. Le visiteur seul face au vide en s’élevant physiquement s’élève également sentimentalement et se libère de son quotidien.

On ressort de ce parcours, transporté. Ce retour à la nature permet un retour sur soi même. Que ce soit via l’étrange, le dérangeant ou au contraire le poétique et l’onirique, chacune de ces oeuvres pousse à la réflexion sur nous-mêmes et nos rapports avec ce qui nous entoure.

Quoiqu’il en soit, le parcours est libre et ce n’est ici qu’une possibilité de visite.Il vous reste jusqu’au 17 mars pour vous faire une idée. De plus, le billet d’entrée donne accès à l’exposition du musée (éphémère) des coeurs brisés également présentée au 104.

Visuels : ©Sandra BERNARD

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Sandra Bernard
A étudié à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense l'Histoire et l'Histoire de l'Art. Après deux licences dans ces deux disciplines et un master recherche d'histoire médiévale spécialité histoire de l'Art dont le sujet s'intitulait "La représentation du costume dans la peinture française ayant pour sujet le haut Moyen Âge" Sandra a intégré un master professionnel d'histoire de l'Art : Médiation culturelle, Patrimoine et Numérique et terminé un mémoire sur "Les politiques culturelles communales actuelles en Île-de-France pour la mise en valeur du patrimoine bâti historique : le cas des communes de Sucy-en-Brie et de Saint-Denis". Ses centres d'intérêts sont multiples : culture asiatique (sous presque toutes ses formes), Histoire, Histoire de l'Art, l'art en général, les nouveaux médias, l'art des jardins et aussi la mode et la beauté. Contact : sandra[at]toutelaculture.com

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