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PAC Marseille – 15e édition : Entre promotion de jeunes artistes et échanges interculturels

PAC Marseille – 15e édition : Entre promotion de jeunes artistes et échanges interculturels

09 May 2023 | PAR Melissa Chemam

Le Printemps de l’Art Contemporain s’est ouvert ce long week-end férié et a investi Marseille, Aix-en-Provence et de nombreuses communes du pourtour de l’Étang de Berre et du pays d’Aix. S’y plonger ouvre la promesse d’une balade artistique riche, surprenante, multiple, qui invite à renouveler nos regards sur l’art et à sentir la présence de nombreux ailleurs.
Visite virtuelle et sélection de rendez-vous à ne pas manquer. 

 

La Traverse est un lieu magique et le point de départ de ma visite de cette édition du PAC Marseille.

La maison transformée en centre d’art, résidence d’artistes et lieu d’expositions temporaires se situe dans les collines d’Endoume, près du vallon des Auffes, de l’anse de Malmousque, de la plage des Catalans et du Parc Valmer.   

Depuis le 28 avril (et jusqu’au 21 mai 2023), sa propriétaire, Catherine Bastide y accueille ‘Mers, Terres, Corps Traversés’, composée d’œuvres de Malala Andrialavidrazana, Francis Alÿs, Shivanjani Lal, Louisa Marajo, Tuli Mekondjo, Otobong Nkanga, et Jean-Paul Thibeau. Venant respectivement de Madagascar, Suisse, Fidji/Australie, Martinique, Namibie, Nigéria/Belgique et France.

Évoquant des thèmes liés à notre relation à la nature autant qu’à l’histoire, ces artistes font ainsi dialoguer des images qui entre en écho, évoquant un passé colonial pas si lointain, une nature malmenée par les hommes, ou encore les liens inter-générationnels défiant l’histoire et le temps.

La curatrice, Cécile Bourne-Farrell, a écrit : “Chacune à leur façon, les œuvres des sept artistes scrupuleusement choisis pour La Traverse évoquent la question du déplacement des personnes et des biens suite aux conflits, mais aussi aux désastres écologiques que subissent les populations. Ces artistes offrent un regard unique, généreux et critique sur les conséquences du capitalisme sauvage et du dérèglement climatique. De la canne à sucre à la pomme de terre, de la construction de barrages à l’exploitation acharnée des sols et des personnes, nombreux sont ceux qui migrent aussi vers de meilleures contrées.”

Dans ses compositions photographiques, “Malala Andrialavidrazana développe un imaginaire riche, basé sur des illustrations extraites de billets de banques qui renvoient à l’exploitation coloniale”.

Otobong Nkanga fait référence à “l’environnement mis en péril par la spoliation des terres et l’extraction des personnes autochtones”.

Jean-Paul Thibeau recherche “d’autres rapports entre art et vie”, pour explorer une existence plus pertinente et plus attentive aux relations humaines, dont la pomme de terre, une denrée à partir de laquelle peuvent “se croiser, se relier des récits riches et des expériences inattendues, elle fonctionne comme un médium commun”.

Shivanjani Lal construit “des paysages temporaires” qu’elle considère comme des “sites changeants de guérison diasporique”, des lieux de transitions au cœur de sa pratique artistique.

Tuli Makondjo quant à elle rend hommage à sa grand-mère qui, comme beaucoup de femmes Awaambo ont été stérilisées, éliminées ou déplacées en Namibie.

Louisa Marajo traverse mers et terres en quête de temporalités différentes qui ravivent par superpositions les flammes toxiques de nos déchets enfouis.

Et Francis Alÿs met en lumière dans ses collages “la proximité deux continents séparés par seulement 13km de mer”, qui porte dans ses eaux les migrants sur des embarcations de fortune.

Autre belle illustration de ce brassage de talents : Au Château de Servières, plusieurs artistes en résidence cohabitent. Une Chilienne, une jeune Française et une Japonaise, basée à Marseille.

Mayura Torii y présente l’exposition ‘Domestique’ (dessin – du 5 mars 2023 au 1er juillet 2023), où elle se sert de ses propres intérieurs pour raconter son expérience d’artiste japonaise en Europe, de mère, et de femme, dans un monde complexe.

Avec précision, perfectionnisme, et humeur, elle recrée une table à dîner au ras du sol, des dessins d’enfants recréés et transformés par son minutieux trait de crayon, ou encore un espace canin qui lui permet de mettre en perspective l’aspect narcissique de genres comme le portrait et même les natures mortes.

Delphine Mogarra, avec son installation ‘Latente’ (présentée du 5 mai au 1er juillet 2023), travaille la matière, des solides se confrontant à un étrange liquide, autour du thème de la féminité, la fécondité, la rencontre des corps, par l’aimanté passage d’une sphère de couleur lunaire dans un bassin posé au sol.

Poétique, lent, mystérieux, son œuvre lui permet aussi de créer une “peau” supplémentaire à chaque plongée de la sphère dans le bassin. La jeune artiste explore ainsi des nouveaux champs.

L’artiste chilienne Javiera Tejerina-Risso a travaillé sur l’installation ‘Lignes de désir’ (visible du 5 mai au 1er juillet 2023 également), à l’aide de plaques de cuivre colorées et utilisées comme des feuilles mortes ou des coquillages, redistribués dans des paysages imaginaires.

Il est impossible de lister tous les lieux investis par cette 15e édition du PAC, mais parmi les galeries, quelques mentions spéciales :

À Double V gallery, dans le quartier de Préfecture / rue Paradis, les œuvres de Clément Louis, pour son exposition ‘Acts of Love’, reflète un thème dans l’air du temps : les amours queers. Et ce à travers des tableaux aux couleurs plus que chaudes et aux traits d’autant plus puissants et fascinant que Louis est à l’origine un photographe.

Il s’est inspiré de rencontres avec des amis comme avec de nouvelles personnes, souvent contactées via Instagram, à Paris, où il vit, puis à Marseille, où il est venu travailler pour préparer cette exposition. Et le rendu, par ailleurs complété par quelques dessins, rassemblent une série de portraits emplis de fierté et d’amour.

À deux pas, à la galerie 33, l’artiste russe basée à Marseille Daria Krotova présente ‘Carcasse’, un travail composée d’une installation représentant une immense corps d’animal mort, ou viande, réalisé en papier mâché.

Elle est accompagnée d’une photographie de l’artiste et de son œuvre principale, et de sculptures, qui renforcent avec profondeur le message de l’artiste. Elle étudie le motif de la nature morte, et le retour de la viande dans les œuvres d’art contemporain, inspirée notamment par les œuvres de Rembrandt, mais surtout semble nous montrer l’horreur comme une sorte d’éléphant au milieu de la pièce.

Un lieu d’exception à mentionner également : celui du Pavillon Southway du Studio du même nom, crées par Emmanuelle Luciani.

Le studio s’est installé il y a deux ans dans un élégant pavillon du XIXe siècle situé au 433 boulevard Michelet, aux portes du quartier de Mazargues, qui “conserve son caractère villageois et une identité propre tout en disposant d’une offre culturelle riche”, il est à proximité de la Cité radieuse du Corbusier, du Musée d’art contemporain de la ville de Marseille ou encore du Musée des arts décoratifs au château Borely. 

Il reçoit ce mois-ci en particulier l’artiste multidisciplinaire Régina Demina, actrice, danseuse, performeuse, et musicienne, mêlant des références à des univers inspirés par la culture russe autant que la banlieue parisienne, la pole dance et l’art contemporain, les icônes religieuses orthodoxes et Mylène Farmer, “Ondine” de Jean Giraudoux et Nabila… Son installation “The Urge to Tell You All My Lore” comprend aussi un film intriguant, tournée dans un cimetière londonien… 

Un lieu à voir et revoir !

Autres mentions spéciales : 

Dans le centre de Marseille, près de Réformés, le studio Fotokino présentent des photographies de Laurent Millet et des dessins de Nathalie du Pasquier. Un lieu accueillant et incontournable dans ce quartier de la ville.

Au Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (Cirva), rue de la Joliette centre d’art qui place la création au cœur de son projet, les artistes Claire + Léa (Claire Pondard et Léa Pereyre) explorent forment en 3D et verre soufflé avec élégance et le résultat est une série de vases et autres éléments décoratifs à la fois sublimes et originaux, mettant en valeur le travail unique des artisans du lieu.

À la galerie Solarium, un duo d’artistes illumine les murs de leurs œuvres colorées, qui semblent inspirées par des références latino-américaines : Linda Merad & Pablo Grand Mourcel.  

Et si vous venez à Marseille pour l’occasion, ne manquez pas de visiter les expositions en cours à la Friche Belle de Mai, au Mucem, et au Musée d’Art Contemporain, qui vient de rouvrir après travaux !

Le festival localement s’appuie sur le réseau Provence Art Contemporain (anciennement association Marseille Expo), créé en 2007, qui réunit 50 organisations – galeries, musées et institutions culturelles, dont la Friche La Belle de Mai, le Mucem, les Beaux­-Arts de Marseille, des lieux de résidences et de production, la DRAC PACA, et les collectivités territoriales (la Ville de Marseille, la Région Sud, le Département des Bouches-­du­-Rhône, Aix­-Marseille­ Métropole…). 

Au total, le programme réunit 100 expositions, vernissages, performances et installations, dans plus de 70 lieux du territoire – galeries, musées, parcs et sites patrimoniaux exceptionnels, alliant proximité de la mer, des villes et de la campagne.

Des rencontres professionnelles se tiendront également les 10, 11 et 12 mai à Marseille.

Tous les détails du programme ici

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Melissa Chemam

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