Nigeria, un admirable voyage le long de la rivière Bénoué au Musée du Quai Branly
Jusqu’au 27 janvier 2013, le musée du Quai Branly invite ses publics au voyage à travers 150 objets évoquant la vie et les rites des diverses tribus vivant le long du fleuve Bénoué, entre le Nigeria et le Cameroun. Une traversée semée de masques, de sculptures et de métissages entre ces communautés ayant vécu dans la même large vallée. Une exposition remarquable, co-organisée par le Fowler Museum de UCLA et le musée du Quai Branly, à partir des collections de l’historien d’art spécialiste de la région, Arnold Rubin.
C’est donc géographiquement que le Musée du Quai Branly propose de découvrir à travers les arts de la vallée de la Bénoué l’incroyable diversité des traditions et des cultures, mais également leur interaction. Après une introduction de mise en contexte qui démarre sur l’un des chefs- d’œuvre du musée, la statue mumuye de la moyenne Bénoué (voir ci-contre) et qui revient sur les périodes phares de découverte de cette civilisation (1890-1930 et après la guerre du Biafra, dans les années 1960-1980) et sur la manière dont la circulation sur le fleuve a pu mener à une convergences de communautés aux rites et artisanat divers, l’exposition se déploie au sein du musée, selon une scénographie classique, soulignée d’élégantes couleurs vertes-bleues rappelant le fleuve et évoluant en trois parties : la basse Bénoué, à gauche, aux confins du Niger, la moyenne Bénoué, terre de mélanges, et la haute Bénoué, plus retirées et hautement spirituelle.
Mettant l’accent sur l’interaction entre les peuples, mêmes ceux qui ne vivent pas directement le long du fleuve et font des incursions marquantes dans les arts (les Tiv, les peuls), “Nigeria” n’en oublie pas pour autant de détailler dans leurs spécificités les traditions et les arts de chacune des communautés : les maternités aux bois travaillés et aux rondeurs rassurantes des idoma,la circulation que permettaient les “mascarades” de ces derniers, mais également des igala en basse Bénoué ou celles qui se faisaient avec des masques anthropo-zoomorphes chez les chamba, mumuye, junkun, yukuben kuteb ou kantana/kulere en moyenne Bénoué (voire masque en forme d’antilope).
Non seulement l’exposition donne à voir l’usage de ces masques à travers plusieurs petits documentaires et des photos accolées aux chefs- d’œuvre en bois, en métal ou en terre, mais elle n’hésite pas à revenir sur des problèmes d’identification de certaines pièces dans des petits encarts d’une grande honnêteté scientifique. Elle permet aussi de faire le points sur certaines “écoles” d’art. Et n’hésite pas à avouer quand certains objet conservent de leur mystère (par exemple les masques verticaux monumentaux de certaines tribus de moyenne Bénoué, dont on ne connaît pas le mode d’usage). L’accentuation mise sur la difficile identification de certains si beaux objets, s’explique bien sûr par la circulation des influences le long du fleuve. Si bien qu’on a vraiment l’impression d’ouvrir une porte vers une immense civilisation que l’on se doit de mieux connaître.
Face à la richesse et à la qualité des pièces présentées, l’on pourrait passer des heures à sillonner les couloirs de l’exposition, pour mieux saisir la signification de certains rites funéraires ou de protection qui sont liés à l’usage de ses objets. Des visages rectangulaires juchés sur des figures longiligne des statues rituelles anthropomorphes de moyenne Bénoué (voir ci-dessus) aux récipients de protection dont l’argile imprègne comme une peau les spécificités des cham-mawana, longuda, jen ga’anda, bana ou yungur de haute Bénoué (voir ci-contre), il y a vraiment beaucoup à voir, à apprendre et à ressentir. Un voyage initiatique à réaliser en une ou plusieurs étapes.