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Nicolas Maury : “Moi, la poésie me bouleverse”

Nicolas Maury : “Moi, la poésie me bouleverse”

26 March 2022 | PAR Katia Bayer

La 24ème édition du Printemps des Poètes, articulée autour de la thématique de l’Ephèmère, se termine ce soir avec une lecture musicale de Fernando Pessoa par Cyril Dion aux Trois Baudets. La veille, ce vendredi soir, le Musée de l’Orangerie s’associait à la manifestation pour une « contemplation olfactive » proposée parmi les Nymphéas de Claude Monet. Une rencontre en deux temps, avec un échange entre une philosophe (Aliénor Bertrand) et un nez (celui de la Maison Cartier, Mathilde Laurent), suivi d’une lecture de textes de l’écrivaine et journaliste Ryoko Sekiguchi autour du muguet et de sa symbolique par l’acteur devenu réalisateur Nicolas Maury. Yeux fermés, odeur de muguet, coussins ronds et voix : l’expérience a eu lieu, en salle, un jour de nocturne. Sur place, on a interrogé Nicolas Maury sur son rapport à la poésie et aux premiers films.

Comment percevez-vous l’expérience de réciter des textes autour de tableaux, dans un musée ?

Nicolas Maury : C’est vraiment une expérience. Parler d’une odeur qui n’existe pas, j’ai trouvé ça hyper poétique parce que la poésie, c’est convoquer quelque chose qui n’est pas là. Du coup, avec cette « expérience olfactive », l’idée a été de rendre ça de manière très matérielle en diffusant des odeurs de muguet, en étant dans les nymphéas, en requestionnant, en recréeant le rapport avec la nature. On est dans quelque chose qui est soit très naturel soit très artificiel.

Je ne sais pas si le mot « réciter » est exact. La lecture du texte, ce n’est pas du tout le parent pauvre du jeu. Ce n’est pas parce qu’on lit qu’on joue moins, c’est le contraire. Avoir un rapport, un accès immédiat à la présence, c’est quoi ? C’est l’écriture du présent. Pour moi, ça, un acteur, un interprète, devrait toujours le faire. C’est toujours un terreau de travail. Là, par exemple, je n’étais pas très content de moi sur cette expérience parce que j’ai trouvé que le son n’est pas si pur que ça, il y avait du bruit derrière, ça ne faisait pas assez silence. J’aborde ça de manière très matérielle et même sportive.

Fermer les yeux et écouter fait qu’on est un peu plus réceptif. Moi aussi, j’ai été dérangée parce que j’ai entendu des murmures et du coup, j’ai ouvert les yeux. On n’a plus l’habitude de les fermer.

N.M. : C’est vrai.

Vous avez dit dans votre texte que vous étiez touché « parfumistiquement ». J’aime bien cet adverbe.

N.M. : Oui, moi aussi, c’est drôle, c’est dans le texte que j’ai écrit. Ça m’a touché parce que dedans, il y a presque le mot fumée, il y a le mot mystique aussi. Je ne connaissais pas ce mot, c’est en rencontrant Mathilde (Laurent) qu’elle m’a dit une fois : « Oui, mais moi, parfumistiquement… ». J’ai trouvé ça trop génial.

Quel est votre rapport à la poésie ?

N.M. : Je lis beaucoup les poètes et les poétesses et surtout, je les lis à voix haute, même si je suis seul. Je sais qu’il y a des gens pour qui la poésie, c’est pour soi, comme de l’auto-érotisme. Pour moi, c’est différent. C’est comme si j’étais un pianiste et que je travaillais des gammes, je les dis tout seul, sur mon canapé. Enfin, pas toutes mes journées non plus ! J’espère tout de suite entrer dans la chair, le mouvement. Je me rends compte que je lis beaucoup plus de poétesses comme Emily Dickinson, Else Lasker-Schüler, une femme que j’adore, une poétesse allemande qui écrit sur ses amis disparus. Moi, la poésie me bouleverse.

Ce sont deux poétesses qui parlent de la mort, de la disparition en l’occurence.

N.M. : Oui, de la mort, mais aussi du chant d’une abeille sur une fleur. C’est très beau, c’est comme un regard sur l’amour, la disparition.

La rencontre à laquelle vous avez participé s’intéressait au parfum. Par ailleurs, le Musée de l’Orangerie était entouré d’orangers, il y avait des fleurs et des parfums autour.

N.M. : C’est beau, ce que dit Ryoko (Sekiguchi) sur ça, sur la trace des parfums, sur ce qui reste de nous dans 50 ans.

Il y avait les fleurs et il y aura les fleurs encore.

N.M. : Oui, exactement.

On a commencé en off à parler de courts-métrages. L’émotion que vous allez tirer d’un texte, c’est quelque chose que vous arrivez encore à retrouver dans les films, notamment dans les premiers films d’auteurs ?

N.M. : Oui, oui, l’émotion après, il faut l’avoir pour soi mais il faut surtout la donner. Souvent, on croit que l’émotion, c’est quelque chose qu’une oeuvre opère par exemple sur nous. Mais c’est plutôt un travail. Moi, je pense surtout aux spectateurs, à leurs émotions à eux. Oui, c’est vrai que c’est frémissant, les premières oeuvres, les premiers films ou les courts-métrages. Il faudrait toujours retrouver cette idée de prémices, de premières fois.

Propos recueillis par Katia Bayer

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Katia Bayer

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