Arts
Myriam Mihindou à La Verrière : une oeuvre thérapeutique en tant de crise

Myriam Mihindou à La Verrière : une oeuvre thérapeutique en tant de crise

29 September 2022 | PAR Julie Viers

Après Tactiques du rêve augmenté, Guillaume Désanges, pour sa dernière exposition à La Verrière, avant d’être remplacé par Joël Riff, nous propose de panser le monde à travers l’oeuvre curative de Myriam Mihindou. Intitulée Epiderme, l’exposition nous incite à repenser notre rapport à la nature, au vivant à travers des oeuvres thérapeutiques qui nous rappellent les origines du monde et du langage. 

Panser le monde

Ce thème « matière à panser » a été celui de La Verrière sous la direction de Guillaume Désanges pendant ces quatre dernières années. L’oeuvre de Myriam Mihindou s’inscrit dans cette notion. En effet elle est fortement reliée à l’écologie. Pour elle l’écologie est un régime de travail. Depuis les années 90, cette artiste franco-gabonaise exprime à travers ses oeuvres un profond respect de la matière tout au long du processus de création. L’humain est un sujet de prédilection pour Myriam Mihindou qui avec ses oeuvres tente de lui faire comprendre qu’aujourd’hui ce dernier doit collaborer avec la nature pour être garant de sa continuer, de son arborescence. À travers cette exposition immersive, sans casque de réalité virtuelle mais avec une véritable présence des corps, l’artiste souhaite rétablir la relation avec le vivant qui s’est abîmée. 

Des oeuvres curatives

En 2021 lors de son exposition Silo au Transpalette à Bourges son oeuvre avait une fonction expiatoire. Une fois de plus elle nous propose une reconnexion avec le monde qui nous entoure. Cela passe par la spiritualité, les théories du care, la transmission des énergies. Les qualités curatives des oeuvres de Myriam Mihindou se manifestent dans l’interaction qu’elles offrent aux spectateurs. Après avoir chaussé des sur-chaussures nous sommes invités à marcher aussi bien autour que sur les oeuvres de l’artiste. Nous pouvons nous asseoir, nous allonger sur des draps. L’artiste a cousu les draps entre-eux pour former différentes poches organiques remplies de sable, du quartz régénéré d’aquarium.

L’art a de nouveau une fonction, un usage physique car on peut toucher les oeuvres. Le spectateur n’est plus dans la contemplation mais dans l’expérience sensorielle. Dans cet espace immersif, nous voilà dans un lieu d’expérience où l’on peut sentir, ressentir et éprouver physiquement les oeuvres. L’artiste nous rappelle qu’il faut prendre soin à la fois de notre esprit et de notre corps, tel la devise latine “anima sana in corpore sano“. 

L’extérieur et l’intérieur 

Voilà ce qu’est l’épiderme, à la fois la couche extérieure de notre peau mais à la fois la couche qui protège l’intérieur. Les papiers, infusés dans du thé et de l’hibiscus et accrochés avec de fines aiguilles aux murs, semblent transpirer, suinter. Ils sont semblables à notre peau que le collectif influence de manière vitale. Cette notion d’interface est présente dans le travail de l’artiste depuis ses débuts. Cela donne des oeuvres comparables à des « mémoires de formes », à la conservation de traces laissées par la nature. Il y a notamment une grande inspiration auprès des arénicoles. Ce sont des petits vers présents dans la vase. Ils laissent des formes entortillées semblables à des messages, à des écritures imaginaires. En méditant face à cette oeuvre l’artiste nous invite à penser un autre avenir pour le monde en ayant une pleine conscience de l’étendue du vivant. 

Infans

Ce mot écrit en grand sur ces papiers imbibés de thés nous plonge dans les temps primaires, les temps où la langue n’existait pas encore. Myriam Mihindou a beaucoup travaillé sur le langage et notamment sur l’étymologie depuis 2008. Le latin, qu’elle entendait enfant à l’église, était pour elle à la fois la langue du colon et celle du sacré. Les différentes cultures donnent naissance à des langues. Celles-ci sont retranscrites dans des dictionnaires qui sont des formes de fossiles des civilisation.

Elle se permet d’utiliser les mots comme des incantations. La langue devient magie. Myriam Mihindou ne convoque pas la magie noire mais bien au contraire une forme de magie blanche, de chamanisme. Dans une parcelle de sable nous pouvons nous aussi laisser libre cours à notre imagination. En traçant des formes dans le sable nous inscrivons un oracle. Par sa simple présence, il acte son existence même s’il n’est pas compris, traduisible. 

 

Épiderme, du 29 septembre au 3 décembre 2022 à La Verrière, Fondation d’entreprise Hermès à Bruxelles. 

 

Visuels : © Isabelle Arthuis / Fondation d’entreprise Hermès

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