Arts

Les trésors de la collection Cini à l’Hôtel de Caumont

20 November 2021 | PAR Camille Bois Martin

Évènement pour la collection comme pour l’Histoire de l’art, l’exposition Les trésors de la collection Cini à l’Hôtel de Caumont réunit ni plus ni moins que des tableaux de Giotto, Pontormo, ou encore Piero della Francesca. C’est la première fois que des œuvres ayant appartenu à Vittorio Cini, un des plus grands collectionneurs du XXe siècle, sortent d’Italie, et même de Venise.

De la Fondation Cini à l’Hôtel de Caumont

Il s’agit de la 12e exposition du centre d’art de l’Hôtel de Caumont depuis son ouverture il y a sept ans. Et, accueillir 90 peintures, sculptures, dessins et objets précieux de la Fondation Cini résonne comme une consécration pour le musée d’Aix-en-Provence : ces chefs d’oeuvres d’art ancien italien quittent Venise pour la première fois, à l’occasion des 70 ans de la Fondation Cini.

Si la commissaire Daniela Ferretti décrit le “besoin d’un espace intime” pour abriter une partie de la collection Cini jusqu’ici conservée dans l’ancienne résidence de Vittorio Cini, l’hôtel particulier de Caumont offre en effet cette possibilité, résidence privée jusqu’en 1964. D’intimité en intimité.

Même s’il reste encore assez méconnu (probablement car ses collections n’avaient encore jamais quitté l’Italie), Vittorio Cini fut un des plus grands collectionneurs d’Europe au XXe siècle. En hommage à son fils décédé à l’âge de 30 ans, il créa la Fondation Giorgio Cini, répartie aujourd’hui à Venise, entre la Galerie du Pallazo Cini et le siège de la fondation au monastère de San Giorgio Maggiore.

Histoire d’une collection

Luca Massimo Barbero, directeur de l’Institut d’histoire de l’art de la Fondation Cini, avoue qu’il n’a pas été simple de choisir les œuvres à exposer : aidé par Daniela Ferretti, ils souhaitaient tous deux rendre compte de l’histoire de la collection, de son propriétaire aux grands noms qu’elle regroupe. “Si vous voulez connaître monsieur Cini, regardez autour de vous” affiche une plaque à l’entrée du Palazzo Cini : et c’est justement ce qui a tenté d’être reproduit autour de cette exposition.

Il s’agit de faire voir la naissance d’une collection et de rendre compte de sa complexité. Chaque salle s’organise telles de “petites îles”, en référence à l’île de San Giorgio où les œuvres sont originellement conservées. La première offre à la contemplation du visiteur L’Adoration des Mages de Véronèse (fin du XVe – visuel n°1) avec, sur le mur mitoyen, la biographie de son dernier acquéreur, Vittorio Cini. Il s’agit, pour Massimo Barbero et Ferretti, d’introduire l’importance de Cini et la préciosité de sa collection. La seconde chambre mélange plats d’apparats (dont la collection est la seconde au monde, après le Louvre), livres enluminés et huiles sur bois sacrées, des objets et tableaux qui donnent une idée de la variété de la collection. Dans une condition de conservation incroyable, la réunion de ces objets précieux crée une sorte de bulle hors du temps, transportant au début de la Renaissance italienne.

La troisième salle expose le Christ rédempteur de Sano di Pietro (1442 – visuel n°2) dont le regard et le silence ont inspiré les œuvres de l’artiste contemporain Spaletti, installées à côté. Un coeur graffiti ajouté sur la robe rose du Christ évoque pour Luca Massimo Barbero la traversée du temps opérée par l’oeuvre, sujet de dévotion au cours des siècles et témoin de la quotidienneté de cette image. En somme, un parallèle de cette collection Cini dont les œuvres ont traversé les siècles et continuent encore aujourd’hui d’inspirer les artistes. “On fait quelque chose de vivant” se félicite le directeur de la Fondation à propos du prêt des œuvres.

Le visiteur est invité par la suite à monter les escaliers de l’Hôtel de Caumont, un “pont entre les temps” pour Daniela Ferretti qui permet d’introduire la suite de l’exposition. Dans une de ces dernières salles, La vierge et l’enfant peinte par Luca Signorelli ou Pierro della Francesca (sinon les deux) entre 1470-1475 captive toute l’attention (visuel n°3) : “Ça manque beaucoup au Palais” soupire Massimo Barbero, dont le choix de l’utiliser pour l’affiche de la collection souligne l’importance de celle-ci. Pour autant, c’est une chance inouïe pour le public français de pouvoir l’observer.

Tout au long de l’exposition, des images du palais et de l’île de San Giorgio recouvrent les murs et les sièges des salles. Celle-ci se clôture par une Vue de l’île de San Giorgio Maggiore peinte en 1780 (visuel n°4) par Francesco Guardi, lieu de conservation des œuvres exposées qui finiront par y retourner.

Objets d’études et de contemplation

Luca Massimo Barbero et Daniela Ferretti souhaitaient également témoigner de l’importance de la fondation non pas seulement sur le plan historique mais également artistique et intellectuel. Pour le premier, “ce ne sont pas seulement des objets de collection mais aussi des objets d’études“, à la fois pour les visiteurs tout autant pour les artistes qui nous sont contemporains.

C’est ainsi que l’on retrouve des œuvres de l’artiste italien Ettore Spaletti, inspiré par les couleurs de la tempera et feuille d’or sur bois de Sano di Pietro, dont le rose de la robe du Christ vibre sur l’installation de l’artiste contemporain dans ses Inséparables, rose de 1997 (visuel n°5).

Les grands maîtres conservés de cette collection inspirent des artistes de notre scène contemporaine grâce au travail de la Fondation Cini : les deux Tête d’Oriental de Tiepolo (1753-1755) résonnent en coeur avec l’Autoportrait en singe peint en 1977 par l’artiste Adrian Ghenie, qui reprend jusqu’au coup de pinceau du maître italien (visuel n°6).

De même, Piranèse, dont Vittorio Cini a acheté l’Oeuvre complet, “des racines jusqu’aux feuilles“, devient le professeur de l’artiste brésilien Vik Muniz qui en retire une série d’illustrations des prisons piranésiennes. Les œuvres du maître sont exposées face à celles de l’artiste contemporain, dans une scénographie plongée dans le noir, dans le fond de leurs songes.

C’est le début d’un long voyage pour la collection Cini, loin de sa fondation vénitienne, mais mise à l’honneur sur sa nouvelle scène française. Du 19 novembre 2021 au 27 mars 2022.

Visuel d’en-tête et visuels 5 à 7 : © Camille Bois–Martin, Hôtel de Caumont, Aix-en-Provence, 18 novembre 2021

Visuels 1 à 4 : © Collection Cini

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Camille Bois Martin
Étudiante en Master de Journalisme Culturel (Sorbonne Nouvelle)

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