Arts
Vincent Thomasset “Je voudrais aller beaucoup plus vers le chorégraphique”

Vincent Thomasset “Je voudrais aller beaucoup plus vers le chorégraphique”

03 November 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Cela fait un moment maintenant que les propositions très radicales du metteur en scène Vincent Thomasset nous séduisent. Nous l’avons rencontré après le sonore et troublant Ensemble, ensemble, qui était présenté cette saison au Festival d’Automne. 

 La première fois que j’ai vu ton travail en tant que metteur en scène c’était pour Bodies in the Cellar à la Ménagerie de verre. Il y avait deux choses qui m’avaient tout de suite saisie c’est ce rapport à la nostalgie, ce côté un peu vintage des choses et la voix. Alors sur la partie nostalgie je voulais savoir si c’était un moteur pour vous, si c’était mieux avant ?

On peut dire que ce sont les dommages collatéraux. Après je suis terriblement conscient du temps qui passe. Donc c’est pour ça que je convoque aussi le passé. Et puis il y a ce côté nostalgie.

“Arsenics et Vieilles dentelles “, c’est un film que vous adorez j’imagine ?

Pas forcément.

Ah bon ?

Non la petite histoire elle est différente. Je me suis dit que c’était intéressant de travailler avec un chœur éclaté, occupé à faire d’autres choses assez triviales. J’ai pensé à la première pièce de théâtre que j’ai vu qui était Arsenics et vielles dentelles en Ardèche. C’était une pièce amateur avec mon professeur de français. J’ai eu envie de regarder ma première pièce de théâtre.  J’ai désadapté le film. J’ai passé beaucoup d’heures à traduire le film comme je le pouvais, sans dictionnaire. C’était ma contrainte. J’écrivais en phonétique. Pour moi, l’histoire était assez inintéressante. Je me suis arrêté de traduire le film vers 1h50 ou 1h10 je ne sais plus. Donc ça a été comme un prétexte dans les deux sens du terme ce film.

Et c’est une pièce que vous tournez encore ?

Non. J’aimerais bien la tourner. Elle est arrivée trop tôt. C’était mon troisième spectacle. La dernière fois qu’on l’a joué c’était en juin il y a deux ans. On a pris beaucoup de plaisir. On verra avec le temps. Si on peut la réactiver ce sera avec plaisir. Concernant le film, j’ai trouvé qu’on pouvait faire un travail avec le danseur Lorenzo De Angelis sur le corps de l’acteur.

Je voudrais comprendre le rapport que vous avez avec la voix qui est hyper radiophonique, je voudrais savoir si ça vient de là, si vous êtes un fou de radio ?

Non (rires). Le rapport à la voix je pense que c’est le point de rencontre entre la réflexion et le corps. Je pense que c’est pour ça que j’investis autant la voix.

Pourquoi  dissociez-vous les corps et les voix ?

C’est un travail à la fois de déconstruction et de reconstruction. Je viens des lettres.  Je voulais être auteur quand j’étais môme. Je ne savais pas quoi faire de ma vie. Je suis arrivée au Théâtre par une fille qui faisait du théâtre, et je me retrouvais du bon côté des mots. Je me retrouvais avec mon corps sur un plateau. J’ai continué à écrire des monologues, des textes. J’ai passé des concours que j’ai raté, j’ai été caissier dans un cinéma…Je me suis formé à l’école du regard. Je n’ai pas fait de grandes écoles mais je suis allé voir beaucoup de spectacles. Et j’ai bifurqué petit à petit de par mes amis plasticiens, comme Julien Prévieux et je suis allé voir de plus en plus d’arts plastiques et de danse. Je vous dis cela parce que ça rejoint le fait de dissocier corps et voix, déconstruire l’outil avec lequel on travail pour le reconstruire. Le corps c’est comme une lente arrivée au théâtre. Petit à petit je vais arriver à faire du théâtre. J’ai envie de le faire comme j’aurai envie de le voir. J’ai envie de travailler le corps, et de travailler la voix.

Ensemble ensemble est un spectacle abstrait au sens de la peinture abstraite. On rentre dans la modernité.  Est-ce que pour vous la recherche de forme c’est important ? Vous vous percevez plus comme un chorégraphe maintenant ?

Au festival d’automne, je suis classé en “performance”. Je ne sais pas, j’aurai plutôt dis metteur en scène.

Qu’est ce que vous avez appris à Exerce  ?

A l’époque Exerce n’était pas universitaire, ça durait sept mois.  On a eu douze intervenants. On avait des cours optionnels le matin où il y avait plus de danse. Mathilde Monnier et Xavier Leroy étaient les directeurs artistiques de cette année-là. L’objet c’etait de créer. Le premier jour il fallait qu’on monte quelque chose en tant qu’artiste. Il fallait proposer un objet. Ce n’était pas une école pour danseurs c’était plutôt une école pour chorégraphes, des gens qui voulaient travailler leur art.

Parce que la direction que vous avez fait là c’est une direction de chorégraphe. Vous savez extrêmement bien mettre des corps sur un plateau, c’est le travail d’un chorégraphe.

Même si dans ce qu’il font en danse pure c’est vraiment leurs propres outils, leurs propres problématiques que moi j’oriente à droite, à gauche et je leur propose des choses. C’est leur propre vocabulaire, moi j’assume totalement d’être chorégraphe et metteur en scène et auteur. Mais par contre je ne me dirais pas être purement chorégraphe. Mettre en scène j’aime bien ce mot quand-même,  tu mets en scène pas que des mots, pas que des idées mais des corps. Alors que chorégraphe il y a un truc aussi réducteur. D’un point de vue de la cohérence des mots et des termes je dirai metteur en scène parce que je mets en scène des corps, des gens, des termes, des mots…Après je suis un peu tout !

Il y a quelque chose que j’aime beaucoup dans votre travail, c’est l’humour. 

C’est un peu un dommage collatéral,  c’est à dire que c’est  à mon corps défendant et je l’accepte avec plaisir. L’humour c’est une façon de ne pas trop me prendre au sérieux. Ça doit être aussi un rapport à l’enfance et aux jeux que j’ai eu. Les enfants qui jouent sont terriblement sérieux et violent, ils peuvent l’être. En même temps c’est du jeu. En revanche, je ne me dis pas que je vais faire un truc drôle. C’est quelque chose que je ne chasse pas du tout au contraire je prends l’humour avec plaisir. Ça crée aussi un canal direct que ce soit le rire ou les pleurs. Les pleurs j’y viendrai mais ça va prendre du temps (rires).

Dans Lettres de non-motivation, l’objet c’était le rire ?

Non je n’ai pas dis que l’objet c’était le rire. Tu sais quand tu veux travailler ce genre de texte, la notion de rire est présente. Je ne vais pas travailler le rire de façon frontale.

“Les lettres” était politiques quand les autres spectacles sont plutôt esthétiques. C’est un choix, vous voulez dénoncez ? 

Ma forme d’engagement c’est de rester au plus près de ce que je veux travailler sans concession. Mais peut-être qu’un jour je ferai des choses plus politiques.

Quels sont les spectacles que vous avez mis en scène il y a quelques années qui sont encore visibles et est-ce que vous travaillez actuellement sur autre chose ?

Je voudrais que les spectacles soient tous disponibles mais actuellement ce qui tourne c’est Les lettres et Ensemble Ensemble.

Est-ce que vous êtes déjà à l’étape suivante ?

Bien sûr ! Pour faire court, c’est deux ans pour concevoir un projet. Je sors à peine d’Ensemble Ensemble. J’ai envie de créer parce que la prochaine création c’est dans 1 an et demi. Et je suis dans une urgence par rapport aux dossiers de co-production.  Le principe du prochain spectacle, ce sera  cinq personnes dont une personne centrale pour changer, c’est l’histoire d’un groupe et d’un individu  avec quatre danseurs et une comédienne. Cela s’appellerait pour le moment “Carrousel”. Là je reviendrai vraiment à l’outil cheval que j’ai déjà travaillé. Je voudrais aller beaucoup plus vers le chorégraphique. Prendre le temps de cela. Je voudrais aussi travailler en individuel avec les gens. Ce qui m’a manqué dans les dernières créations  c’était le groupe, ensemble. Là je vais travailler aussi sur chaque danseur pour questionner leurs propres vocabulaires. Lorenzo De Angelis veut se concentrer sur ses propres projets donc il va arrêter de faire l’interprète pour le moment. Je voudrais traiter des rapports de pouvoir et d’autorité. Dans Ensemble Ensemble, il y a des dialogues pour deux. Mais je voudrais vraiment travailler un espace partagé à plusieurs.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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