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Imaginez l’imaginaire : deuxième vague de vernissage pré-FIAC dans les méandres du palais de Tokyo

Imaginez l’imaginaire : deuxième vague de vernissage pré-FIAC dans les méandres du palais de Tokyo

16 October 2012 | PAR Yaël Hirsch

Hier, Lundi 15 octobre 2012, dans les 5 étages de ce grand Iceberg de glorieuses galeries bétonnées et de vieilles salles de cinéma art déco qu’est devenu le Palais de Tokyo avait lieu la deuxième vague du vernissage de l’exposition-rhizome “Imaginez l’imaginaire”. Au programme pour la foule déferlante mais jamais oppressée des bobos stylés et des mères posant leur bébé à côté de la fontaine à vodka du “Forgotten bar project” : des photos d’Alexandre Kojève, des installations en morceaux du français Neïl Beloufa, des poèmes vidéos de saison de la croate Damir Ocko et enfin une structure menaçante (avec moignons) signée Markus Schinwald.

 

Si le 28 septembre dernier, pour la première vague du vernissage, le peuple du Palais de Tokyo était concentré, sourire jusqu’aux oreilles, dans l’installation géante de Fabrice Hyber pour jouer avec toutes les matières (trop fort le vent dans les cheveux, le nez dans le frigo et les épices foulées aux pieds), cette fois-ci les hipsters étaient mieux répartis. En ambiance pré-FIAC, certains prenaient des cours de rattrapage (Le long fleuve in-tranquille des “Dérives de l’imaginaire”, la superbe structure de Julien Salaud (voir notre chronique de son expo chez Suzanne Tarasiève)  ou même Chloé Attitudes), d’autres passaient avec flegme pour se concentrer sur les nouvelles expos dans les couloirs interminables du Palais.

Les philosophes les plus avertis sont allés découvrir les clichés du grand Alexandre Kojève. Figure mystérieuse, que ses origines russes en pleine guerre froide dotaient d’un charme exotique doublé d’une aura bilingue soupçonnée en communisme appliqué, Alexandre Kojève a en effet été l’un des plus grands professeurs de Hegel dans l’Après-Guerre français. Intitulées “Après l’histoire” (noblesse oblige!), ses  clichés mis en scène au rez-de-chaussée sont plus des photos de vacances que le suivi plastique des pérégrinations de l’esprit. Le détail cocasse? De grands prie-dieu pour observer les diapos kojéviens. Ne manquez tout de même pas la chance d’en savoir plus sur le professeur de philosophie à travers la conférence organisée par Boris Groys, mercredi 17 octobre à 18h.

Dans la galerie Wilson, à peine éclairée malgré  sa grande surface s’étendait l’architecture Speerienne et géométrique de Markus Schinwald. Le viennois respirant la joie de vivre exposé au printemps dernier par Yvon Lambert avait glissé dans sa structure plus proche d’une geôle renaissance avec oubliettes que d’un Panoptikon de discipline en “overture” (titre de l’œuvre) des morceaux épars de corps (pieds, bras), qu’un œil averti pouvait non seulement discerner mais voir se mouvoir…

En descendant petit à petit vers les étages inférieurs du Palais, il était également possible de découvrir en primeur ce lundi 15 octobre, la vidéo “Evian Disease” de la jeune Helen Marten, les questionnements sur la survie urbaine de Asim Waqif et surtout deux autres artistes marquants.

D’abord l’étoile montante Neïl Beloufa. Diplômé des beaux-arts en 2009, ce jeune français et algérien de 27 ans a déjà a son actif un nombre d’expositions impressionnant. Exposé aux Audi talents Awards, parti à Los Angeles travailler son art, il présente pour “Imaginer l’imaginaire” un long labyrinthe aussi politique que philosophique de morceaux d’œuvres qui semble à la fois partager leur création et leur destruction (voir photo ci-contre). Une installation composée aussi bien de vidéos que de sculptures morcelées et qui interpelle. Enfin, dans ce qui semble un dernier recoin mais représente à peu près le même espace qu’un étage du musée du Jeu de Paume, les plus cérébraux des visiteurs iront célébrer la saison Croate (déjà mise à l’honneur lors du premier vernissage à travers les vidéos contemporaines de East-side stories) et suivre les poèmes sonores, mimés, filmés et mêmes transcrits sur portées musicales de la lunaire Damir Ocko. Ses trois vidéos aux paysages irrésistibles, ainsi que ses dessins et ses photos plus géométriques et minimalistes, sont un véritable ballet wittgensteinien de réflexion sur la langage. Toute la saison croate à Paris jusqu’à décembre (en attendant l’adhésion à l’UE), ICI.

Légèrement angoissant, extrêmement cérébral et parfaitement philosophique, le vernissage d’hier soir n’avait pas la légèreté souriante de l’Hyber-socialisation de celui du 28 septembre. La deuxième vague des artistes exposés dans le ventre du Palais de Tokyo sous le vaste titre d'”Imaginer l’imaginaire” proposent un panorama en noir et blanc d’un monde complexe où ni Hegel, ni le rêve californien, ni même le langage fût-il artistique, n’offrent pas de repères. A voir jusqu’au 11 février 2013.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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