Grande retrospective du peintre Neo Rauch au BOZAR du Bruxelles
En ce moment aux côtés d’Antoine Watteau et d’artistes irlandais réinterprétant l’atelier de Francis Bacon, le Palais des Beaux Arts de Bruxelles aka le BOZAR organise la première grande rétrospective du peintre figuratif allemand Neo Rauch. Une balade indispensable pour ceux et celle qui aiment la peinture comme voix concrète vers le monde des rêves.
Né à Leipzig où il vit toujours en 1960, Neo Rauch est le chef de file d’une école qui a su reprendre pour mieux les détourner les codes du réalisme socialiste officiel de la RDA. Figurative, sa peinture pose un pied dans notre monde et l’autre dans celui des fantasmes et des rêves. La rétrospective des Beaux-Arts donne à voir 20 ans de sa production (1993-2012) en choisissant de commencer par les toiles les plus récentes pour remonter jusqu’au lendemain même de la chute du mur. En tout, ce sont 40 toiles de grands formats (et toutes à l’huile), une salle de petits formats, une salle de dessins et un long entretien vidéo que l’on peut découvrir dans le palais art déco construit par Victor Horta.
Le commissaire de l’exposition, Harald Kunde, a fait le choix de mettre le compte à rebours en marche et de nous faire entrer par la porte du présent dans le monde à la fois concret et rêveur, monumental et précis, effrayant et drôle de Neo Rauch. On commence donc par les années 2010, avec en exergue “L’apprivoisement” hirsute et grandiose d’un cheval-girafe (2001). Intitulée “Rôles et rébellion”, la première partie mêle histoire (certains personnages sont habillés en effets d’époque et semblent sortis de la taverne de Faust, ce qui n’est pas sans rappeler la grande fresque de Kiefer sur les maîtres de la pensée allemande), fantasmes (on trouve des animaux incroyable tout droit sortis d’un univers à la Bosch), et couleurs éclatantes. Peintre avant tout, Rauch exploite la matière sur deux dimension et sa couleurs pour nous renvoyer à l’univers grouillant du rêve.
Cinq ans auparavant, l’artiste exploitait, la question de ce qu’il y a derrière “Le rideau” (2005). Si le monde entier est une scène, le réalisme brut de la civilisation en guerre laisse apercevoir en coulisses des rivages plus sauvages et métaphysiques, ouvrant sur tout un monde de sensualité à la Gauguin. Certaines œuvres de la période sont monochromes, et reflètent- sans l’acrylique- des influences très pop dans leur unité verte ou rouille.
Les doubles univers aux coulissements grinçants se poursuivent à travers la section “Conspiration” (2004) qui a des airs à la fois proches et lointains de guerre froide…
Après cette explosion de grands formats et les grandes envolées d’imaginations qu’elles suscitent, les petites formats et les dessins semblent avoir pour objectif de permettre une respiration et de montrer la maîtrise de la technique. L’on y voit aussi le sobre autoportrait, de format modeste et qui sert d’affiche à l’exposition…
L’on passe alors à une nouvelle grande salle de formats immenses, mettant en avant les œuvres des années 1995 à 2000. Plus proche de l’univers de la Bande-Dessinée, ces “Terrains Difficiles” (nom d’une toile de 1997), peuvent aussi être ronds comme des bulles, même quand il s’agit de représenter une “Règle” (2000).
Enfin, l’expo se clôt sur un immense diptyque du début des années 1990, deux peintures rondes également (ou “tondos”) “Lot” et “Placenta”. Mystérieuses, en noir et blanc, ces deux œuvres semblent faire le lien entre illustration et peinture.
Véritable voyage dans l’inconscient fourmillant de l’artiste, cette rétrospective Neo Rauch est aussi une formidable épopée historique, où par le biais d’une technique tout ce qu’il y a de plus maîtrisé et classique : le Peinture, l’on peut déceler les fondations étranges de notre civilisation.
1.Neo Rauch, Abendmesse, 2012 Öl auf Leinwand 300 x 250 cm Privatsammlung courtesy Galerie EIGEN + ART Leipzig/Berlin and David Zwirner, New York Photo: Uwe Walter, Berlin
2. Neo Rauch, Rauch, 2005, Privatsammlung, courtesy Galerie EIGEN + ART Leipzig/Berlin und David Zwirner, New York/London – Photo: Uwe Walter, Berlin