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Fluctuart a trois ans : Rencontre avec Nicolas Laugero Lasserre

Fluctuart a trois ans : Rencontre avec Nicolas Laugero Lasserre

22 July 2022 | PAR Yaël Hirsch

Alors que ce mois de juillet, les Parisiens peuvent voir les oeuvres des 10 street artists investissant les 860 m du tunnel du Louvre fermé à la circulation automobile depuis 2016, Nicolas Laugero Lasserre, commissaire et collectionneur, nous parle du rôle de l’art urbain aujourd’hui. Egalement directeur de l’ICART et fondateur du centre d’art Fluctuart, il fait le point sur les trois ans de cette péniche qui accueille gratuitement le public avec des expositions ambitieuses et permet de faire la fête sur l’une des plus belles terrasses de Paris. 

Pour lire notre interview de Nicolas Laugero Lasserre à l’occasion de l’ouverture de Fluctuart en 2019, c’est ici. 

Les 3 ans de Fluctuart

Fluctuart est un centre d’art avec pour mission d’amener plein de gens à l’art urbain : au bout de 3 ans, quel est le bilan ?

Merci pour le mot “mission”. Pour créer ce lieu, nous avons remporté un appel à projet public avec presque une vocation d’intérêt général : Fluctuart est gratuit, ouvert à tous, et veut démocratiser l’art urbain, qui est extrêmement accessible par essence. La société était totalement privée au départ et nous l’avons transformée en “société à missions”. C’est un statut particulier pour des sociétés privées qui ont vocation à remplir des missions de RSE. Nous avons également créé une fondation en parallèle de Fluctuart sous l’égide de la Fondation de France pour pouvoir bénéficier de mécénat privé, notamment d’entreprises (la peinture PBO, l’école l’ICART…). Est-ce que la mission est remplie ? Je ne peux pas être juge et partie, mais je peux dire avec fierté que malgré la crise sanitaire, en trois ans, nous avons passé la barre des 300 000 visiteurs. Et aussi que nous avons tenu notre promesse, tous les deux mois, de proposer une nouvelle exposition qui est produite intégralement ici, avec des commissaires d’exposition extérieurs.

Comment fonctionne le modèle économique ?

Fluctuart est un centre d’art et aussi un lieu de fête qui a chaque soir une deuxième vie : le public vient boire un verre sur le superbe rooftop. Il y a également beaucoup de groupes, de gens qui viennent célébrer des moments importants. C’est cette idée, parce que ça me paraît assez conforme avec l’idée de l’art aussi, de célébrer, de partager, d’être ensemble face à une émotion…

Comment a évolué le partenariat entre Fluctuart et l’ICART ?

Le Président du groupe EDH, le groupe dont fait partie l’ICART, Amin Khiari, a compris tout de suite ce qui allait se passer sur cette péniche non loin de l’ICART qui est rue Pierre Charron. En parallèle des missions premières dont nous avons parlé, Fluctuart est également un outil de montage de projets culturels et d’apprentissage pédagogique pour les étudiants de l’ICART. Tout au long de l’année, les étudiants qui le souhaitent viennent apprendre ce qu’est la médiation, opérer des visites guidées dans ce lieu, encadrer les ateliers enfants. En parallèle, ils organisent également de gros projets comme la nuit de l’ICART qui a eu lieu en juin, avec des événements pluridisciplinaires, défilé de mode, des concerts, des projections de films, voilà c’était incroyable et ça se passe ici, le lieu est évidemment mis à disposition gratuitement de l’école et des étudiants. Et puis également le prix ICART – Artistik Rezo qui a désormais 15 ans.

Et en ce moment jusqu’au 20 août, il y a le prix d’art Urbain exposé à Fluctuart, pouvez-vous nous en parler ?

C’est un prix qui a été créé il y a six ans par PEBEO, une des plus belles et anciennes marques françaises pour la peinture. Nous avons spécialisé ensemble ce prix depuis deux ans autour du street art. Les appels à candidature sont ouverts pendant 4 à 5 mois, nous avons eu cette année 500 candidatures d’artistes ayant une pratique dans la rue. L’exposition des lauréats est parfois un peu frustrante car on voit une oeuvre faite en atelier, mais il y a tout de même au coeur de l’exposition une grande fresque réalisée par AMSTED, qui est une des finalistes de l’année dernière. Et cette année, nous avons un partenariat avec Rock en Seine, les 4 finalistes du prix seront accueillis sur une grande palissade de 10 mètres pendant le festival au domaine de Saint Cloud, qui attend 200 000 visiteurs !

Fluctuart hors les murs ?

Il y a également plusieurs projets dans la ville :  rien qu’en ce moment les deux projets du tunnel des Tuileries et Sens dessus dessous … Fluctuart a-t-il vocation depuis l’origine à sortir de ses murs ?

Alors qu’on me demande souvent d’être commissaire d’expositions, tout n’est pas lié à Fluctuart. Fluctuart fait partie d’une galaxie… Après art42 j’avais envie de créer un lieu dédié au street art et permanent. Notre péniche a permis de me “mettre en seine”, d’amener ce que je savais faire sur la Seine. Quand nous sommes arrivés au Pont du Gros Caillou, il y a trois ans, j’ai découvert un terrain de jeu que je ne connaissais pas du tout : le fleuve d’une ville qui se transforme fortement dans sa circulation et ses mobilités. La piétonisation des berges de seine est devenue de plus en plus importante et j’aime bien penser que c’est la plus belle avenue du monde, aujourd’hui, ce ne sont pas les Champs-Elysées, mais nos berges de Seine, qui offrent un cadre de vision en plein ciel. Et notre idée est de poursuivre “l’art sur la Seine”. En 2021, nous avons proposé des fresques ; en 2022 avec Sans dessus dessous, nous embellissons les dessous des ponts. Nous démarrons aujourd’hui avec 5 dessous de ponts, mais peut être qu’on en fera 10 l’année prochaine et 20 l’an d’après… L’expérimentation passe par de la performance mais aussi l’exploration de domaines moins connus dans le street art. Cette année, sous les ponts, l’idée était de mettre beaucoup à l’honneur l’art textile….

Pour lire notre live-report de Sens dessus dessous, c’est là.

Et le tunnel des Tuileries ? (La résidence des artistes commence tout juste lorsque nous rencontrons Nicolas Laugero Lasserre ndlr)

C’est complètement fou cet emplacement.  Plus de 800 mètres à la fois magiques puisque situés en plein coeur de la Seine, face au musée d’Orsay, sous le Louvre, littéralement. Et un lieu aussi un peu abandonné depuis qu’il a été fermé à la circulation des voitures, il y a 8 ans. C’est une autoroute pour deux roues où les piétons hésitent à se promener. C’est un terrain de jeu incroyable pour ramener de l’art, des couleurs et aussi des piétons au coeur de Paris, à travers une grande galerie artistique de la scène urbaine. Depuis le 11 juillet, 10 artistes : Andrea Ravo Mattoni, Bault, Erell, Hydrane,  Jussi TwoSeven, Lek & Sowat, Madame, Romain Froquet, Sifat et WAR. J’ai très hâte de voir le résultat et cela va vraiment être un lieu incontournable de la création à Paris cet été. 

Enfin, comment Fluctuart anticipe-t-il les JO de 2024 ?

Il y aura deux temps forts  : la cérémonie d’ouverture qui, pour la première fois, va avoir lieu sur la Seine. Devant 500 000 spectateurs, 200 bateaux vont partir de la Bibliothèque Nationale de France et longer la Seine jusqu’au Trocadéro. Il y aura des gradins sur les quais bas et hauts. Et Fluctuart sera aux premières loges de cette cérémonie ! Cela va se passer sous nos yeux, de même que deux épreuves olympiques au ponton mobile qui va se construire juste à coté pour le départ des athlètes.  Nous nous sentons au coeur de ce projet, nous avons commencé avec Sens dessus dessous qui a pris pour thématique cette anticipation des JO et nous sommes très impliqués dans la rencontre avec tous les opérateurs qui préparent cet évènement historique. 

visuels (c) YH et DR

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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